Ce mardi 26 janvier, deux cents étudiants de l'université de Bourgogne à Dijon ont manifesté leur colère. Dans le même temps, d'autres souffrent en silence. Manque de reconnaissance, conditions de vie, difficultés financières : tous attendent des aides et de la reconnaissance. Ils témoignent.
Ils sont résignés, fatigués, abattus. Dans les allées du campus de l'université de Bourgogne ce mardi 26 janvier, quelques étudiants déambulent. Depuis plusieurs jours, certains d'entre-eux sont autorisés à assister aux cours en présentiel. Mais de l'avis général, cette petite avancée ne change que peu de choses à leur quotidien. Résignée, la grande majorité des personnes interrogées se sent délaissée, livrée à elles-même.
Entre colère et résignation
" J'ai été en dépression il y a deux ans et là entre le confinement, le fait que l'on n'ait plus cours et de rester enfermée dans ma chambre je suis retombée en dépression, j'ai recommencé la drogue... confie Nina, une étudiante en licence de lettres. Elle tempère aussitôt : Mais là ça va. J'ai de la chance d'avoir une famille, d'être en collocation, ça m'a permis de remonter la pente et j'ai réussi à m'en sortir. "
Aujourd'hui, elle a repris les cours en présentiel après de longues semaines de visio-conférences. À ses côtés, Zaynab est une de ses camarades de promo : " On ne nous écoute pas tellement. On apprend tout au dernier moment, déjà qu'on est dans un état continuel de stress... L'organisation n'arrange rien à ma santé mentale. Ca ne s'arrête jamais enfait. "
La santé mentale justement, est au coeur des préoccupations des syndicats d'étudiants. Des suicides ont été recensés dans plusieurs universités françaises. Nina n'exclut pas le sujet : " On commence un petit peu à entendre parler de nous mais cela aurait dû être fait beaucoup plus tôt. Ce qui fait réagir ce sont les suicides alors s'il faut en arriver là, c'est un peu bizarre, voire même grave. "
" Je me rends compte que je ris et souris beaucoup moins qu'avant "
Plus loin, une étudiante en première année de lettres redécouvre le campus qu'elle avait vaguement aperçu en début d'année. Son statut de néo-étudiante lui a permis de retrouver les chemins de l'université une fois par semaine. " On survit, on essaie de se débrouiller comme on peut et avec ce que l'on a. C'est plus de la survie que de la vie. " regrette la jeune femme. Son amie poursuit : " Je me rends compte que je ris et souris beaucoup moins qu'avant. Je fais ma journée et puis je vais dormir ".
Face aux aides proposées par le gouvernement comme la mise en place de repas à 1 euro pour tous dans les restaurants universitaires ou la possibilité d'assister aux cours en présentiel une fois par semaine, les jeunes les saluent, mais veulent aller plus loin. " J'en ai marre des cours en ligne, maintenant il faut ouvrir les amphis " réclame Joséphine, étudiante en agronomie.
" Le repas à un euro au CROUS c'est très bien, mais ce qui est pénible c'est qu'ils ne sont qu'à emporter, regrette Camille. Entre midi et deux on ne peut pas se permettre de manger dehors, il fait froid " .
Mais l'étudiante ajoute : " Enfin, ils font ce qu'ils peuvent, ils ont des directives qu'ils sont obligés de suivre. Ils n'ont pas le téléphone du Président pour lui demander comment cela va se passer. Eux-même font ce qu'ils peuvent et nous on ne peut que suivre, on n'a pas d'autres choix. Il y a des directives et il faut les suivre parce que c'est pour notre bien qu'ils font cela. Ils ne s'amusent pas à faire des couvre-feu pour le plaisir. C'est aussi aux gens à le respecter. "
Selon les étudiants, un questionnaire a été envoyé par l'Université à ses élèves. Au programme, diverses questions afin de questionner la santé mentale des étudiants en ces temps troublées.
200 manifestants en début de journée
Pour dénoncer tous les maux d'une majorité sliencieuse, deux cents étudiants se sont réunis pour manifester leur colère ce mardi 26 janvier en début d'après-midi, sur le campus universitaire de Dijon. Réunis à l'initiative de la FEBIA (Fédération Étudiante de Bourgogne Inter-Associative) les étudiants et de nombreux syndicats ont exprimé leurs craintes et leur sentiment d'être oubliés.
" Actuellement des étudiants viennent nous voir tous les jours parce qu'ils sont dans une situation de détresse grandissante, raconte Léana, étudiante en quatrième de médecine et membre d'une association étudiante. Ils sont mal, tant sur le plan financier que sur le plan mental parce qu'ils n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins et qu'ils sont dans un état de détresse psychologique grandissant. Ils n'ont pas assez de soutien au niveau de l'université. "
" Cela fait plus de trois ans que je ne mets pas le chauffage "
Après avoir débuté par une minute de silence en hommage aux étudiants en grande précarité ou ceux morts par suicide, les témoignages s'enchainent devant une assemblée attentive. Certains décrivent la difficulté de l'enseignement en distanciel, le coût de la vie ou encore les conditions de logement au CROUS. Si la crise sanitaire pèse sur les finances des étudiants, elle souligne aussi des problèmes plus récurrents chez les étudiants.
" À cause de la mauvaise isolation des logements du CROUS et à cause des chauffages qui consomment beaucoup en chauffant peu, les factures d'électricité sont énormes, de l'ordre de centaines d'euros, s'indigne Victorien, étudiant en Master 1 Histoire. Pour prendre mon exemple : cela fait plus de trois ans que je ne mets pas le chauffage chez moi parce que je n'ai pas les moyens de le payer. "
Lors du rassemblement, un " mur d'expression " permet aux étudiants d'écrire leurs maux sur des feuilles accrochées aux murs de la faculté de sciences humaines. Mots de détresse, témoignages et appels au secours s'écrivent au feutre. Ils espèrent être entendus par la direction de l'université et plus largement par le Ministère de l'enseignement supérieur.
Plus tôt dans la matinée, une délégation a été reçue par la direction de l'Université de Bourgogne. Elle a pu aborder les thèmes de la santé mentale, la précarité étudiante et a notamment demandé le retour des cours en présentiel.