Un comble en Bourgogne : il n'y a plus que trois étudiants sommeliers au lycée Le Castel de Dijon

C'est un métier essentiel pour la promotion et la vente des vins en restauration, mais qui rencontre des difficultés à attirer les jeunes. La sommellerie, en manque de candidats ? Au lycée Le Castel de Dijon (Côte-d'Or), la formation ne compte que trois élèves, sur une capacité de douze.

Ils sont entre 2 000 et 2 500 en France. On les voit souvent aux tables les plus réputées de notre pays, munis de leur tablier, un verre à la main, pour nous conseiller les vins les plus adaptés à nos plats. Les sommeliers. À Dijon (Côte-d’Or), le lycée Le Castel propose une filière dédiée à la formation de ces professionnels, la seule de Bourgogne.

Mais cette année, trois élèves seulement garnissent les rangs de la classe de Nathalie Bernardin. La professeure pourrait pourtant accueillir douze étudiants. Selon elle, le cursus a des difficultés à attirer les jeunes depuis cinq à six ans.

"Les élèves ont un peu peur de venir en sommellerie visiblement. Il y a de nombreuses connaissances à acquérir. Les appellations par vignoble, les grands crus, c’est du par cœur. Donc les jeunes sont déroutés", décrit-elle.

Deux désistements durant l'année

À la rentrée de septembre 2023, cinq élèves étaient inscrits en sommellerie dans son lycée. Deux ont abandonné durant l’année. "Faire cours pour trois jeunes, c’est dommage. Pour la dynamique de groupe, la satisfaction des élèves et du professeur, ce n’est pas la même émulation. J’accueille des conférenciers plusieurs fois par an."

Quand j’annonce qu’il y a moins de cinq élèves, ils me disent ‘non, on ne vient pas’.

Nathalie Bernardin

professeure de sommellerie

"Ces élèves motivés sont privés de connaissances", regrette Nathalie Bernardin.

Un comble en Bourgogne

Une frustration d’autant plus grande que le lycée du Castel n'est qu'à 10 minutes de Marsannay-la-Côté, au début de la route des Grands Crus de Bourgogne.

"On est à côté d’un vignoble exceptionnel, reconnu partout dans le monde. On a une place assez importante. J’ai cours dans l’ancienne demeure de Gustave Eiffel. On a une belle cave. Il y a tout pour accueillir ces jeunes ! Je suis la personne la plus intéressante du lycée", rigole la professeure.

Si pour Nathalie Bernardin, d’autres formations en sommellerie sont concernées par ces difficultés, 200 professionnels devraient être formés cette année selon Fabrice Sommier, meilleur ouvrier de France 2007 et président de l’union de la sommellerie française (UDSF). Pour celui qui est installé à Mâcon (Saône-et-Loire), le problème est plus global. C’est le secteur de la restauration qui attire moins qu’avant.

Les secteurs du vin et de la restauration dénigrés ?

"La difficulté, c’est d’expliquer nos métiers. Je pense qu’il faut avoir le goût de l’effort, de se surpasser, c’est un vrai challenge. Mais il faut arrêter de dire que la restauration, ce sont des métiers difficiles. C’est accessible à tous, même sans diplôme. Je n’ai qu’un CAP", rappelle Fabrice Sommier.

La restauration, c’est l'ascenseur social le plus rapide. Il faut qu’on explique aux jeunes que ce sont des métiers avec des débouchés.

Fabrice Sommier

meilleur ouvrier de France et président de l'Union de la sommellerie française

La pédagogie, c’est également la solution prônée par Nathalie Bernardin. La professeure se rend dans les lycées pour expliquer son métier et séduire les plus jeunes. "Il faut désacraliser ce métier. Des jeunes ne savent pas ce que c’est d’être sommelier. C’est un métier qui s’apprend. Reconnaître les arômes, travailler son palais, c’est un entraînement régulier. Et être sommelier, ce n’est pas seulement travailler dans une grande maison, dans des trois étoiles. On peut l’être dans un restaurant plus classique."

Il y a des jeunes qui ont envie de travailler dans des trois étoiles, des gens qui veulent bosser dans des bistrots. Il faut écouter ce qu’ils ont à raconter ces jeunes.

Fabrice Sommier, meilleur ouvrier de France et président de l’Union de la sommellerie française

En France, la filière du vin représente 440 000 emplois et génère 92 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Mais pour Fabrice Sommier, la tendance est à une défiance vis-à-vis de sa consommation. Le mois sobre, le "dry january", a par exemple fait baisser de 6,4 % la vente d’alcool en janvier par rapport à l’année dernière.

Selon le président de l’UDSF, qui compte 1 300 adhérents en France, c’est également ce contexte qui réduit l’attractivité de ces métiers. "L’explication est là. On est dans un pays comme la France pourtant ! Nous, on prône la dégustation intelligente, la modération, la découverte. On n’est pas dans un excès de consommation. Il faut donner envie aux gens de découvrir ce métier et ne pas diaboliser ces métiers."

Alors, le métier de sommelier pourrait-il disparaître ? "Il faut être vigilant. Mais je n’ai pas de crainte sur la disparition du métier", répond Fabrice Sommier. "Il y a beaucoup de jeunes qui ont de l’envie, des idées, des capacités, ils sont créatifs ! Il faut les accompagner au mieux", conclut le meilleur ouvrier de France 2007.

Nathalie Bernardin, elle, sera encore là à la rentrée pour faire cours au lycée Le Castel. 44 écoles forment au métier de sommelier dans notre pays.

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