“Ici c’est la France, retourne dans ton pays” : un ex-salarié d'APRR dénonce le racisme qu’il a subi

Rafael Silva était en contrat à Saint-Apollinaire (Côte-d'Or) pour la société d'autoroute APRR pendant plusieurs mois. Il a démissionné après des propos racistes et homophobes de certains de ses collègues. Une plainte a été déposée. De son côté, l'entreprise a décidé de mener une enquête en interne.

"C’était quasiment tous les jours. Malheureusement je n’étais pas la seule victime, je le fais aussi pour les autres.” Rafael Silva est un Portugais de 24 ans qui a choisi de se battre pour faire entendre sa voix. Derrière son léger accent, se dessine la détermination d’un jeune homme encore sous le choc.

Les faits remontent à l’année dernière. Rafael est embauché en tant qu'intérimaire, en juin 2023, par la société d’autoroute APRR comme opérateur de sécurité et régulation du trafic. Il est au PC sécurité  sur le site de Saint-Apollinaire.”Dès les premières semaines de formation, j’ai été confronté à plusieurs situations d’agressivité et de blagues racistes à l’encontre de personnes de couleur ou d’origine maghrébine.” Il alerte sa hiérarchie mais rien ne bouge. 

Des mois d'injures racistes et homophobes

Quelques mois plus tard, une énième remarque va tout faire basculer. Au cours d’une permanence de nuit en novembre dernier, un de ses collègues lui lance : “Ici c’est la France, c’est pas chez toi retourne dans ton pays. Ici, les Portugais ne servent qu’à faire du BTP." Rafael se tourne vers son chef de service présent dans la pièce, qui préfère ne pas réagir.

C’était la goutte d’eau, à ce moment-là je me suis dit : je pars !

Rafael Silva, Portugais de 24 ans

Rafael Silva finit son service et décide d’envoyer un mail à sa hiérarchie pour les informer et démissionner. Cette situation traduit l’ambiance que ce jeune Portugais a vécue pendant des mois sur son lieu de travail. Au sein du service, certains collègues auraient tenu au quotidien des propos humiliants ou racistes :  “je n’avais jamais été victime de racisme ni de xénophobie dans ma vie. C’est la première fois que je suis confronté à ça. L’homophobie, j’avais l’habitude mais là je suis choqué", souligne le jeune homme. 

Car en plus des remarques sur ses origines, Rafael dit aussi avoir subi des assauts et des blagues sur son orientation sexuelle : “par exemple  on me disait « la petite pédale » ou bien » t’es uniquement gay car tu n’as jamais essayé une femme », c’était en permanence”, souffle Rafael. 

Selon Rafael Silva, tout le service n'est pas concerné, mais "sur quinze personnes il y en a bien sept ou huit qui participaient". Un environnement “toxique” confirmé par deux syndicalistes CFDT lors d’une interview accordée à nos confrères du Bien Public. D'après eux, Rafael ne serait pas un cas isolé : "Sous couvert de plaisanter, il y a des choses choquantes qui sont dites, répétées", confie l’un d’eux tout en saluant la démarche de Rafael qui veut agir comme lanceur d’alerte. 

Une enquête en interne ouverte

Contactée par la rédaction de France 3 Bourgogne, la société APRR a tenu à réagir par écrit : ”prenant très au sérieux cet événement, la direction des ressources humaines APRR a décidé de mandater un cabinet extérieur et indépendant, afin d’investiguer plus largement et de s’assurer que les comportements des collaborateurs du service concerné sont conformes à nos valeurs et à notre identité”, précise-t-elle. 

Ce travail est, selon le groupe, “mené en toute transparence avec les partenaires sociaux et est en cours depuis début mars. Plus de quarante entretiens sont à réaliser.” tout en ajoutant que le résultat de ces investigations devrait être connu au cours du mois de mai. 

Pas convaincu, Rafael Silva craint que cette étude ne soit menée à charge contre lui :  “c’est moi qui ai dû quitter l'entreprise et les personnes qui ont tenu des propos racistes occupent encore leur poste sans aucune sanction. Ce n’est pas normal. Je suis la victime et c’est à moi de partir. “ conclut-il.  

Moi je ne veux pas d’argent de la part d’APRR. Pourtant j’ai des difficultés financières mais ce n’est pas l’argent qui m’intéresse.

Rafael Silva

Rafael Silva a déposé plainte auprès du procureur de la République de Dijon : “je sais que je m’attaque à une grosse entreprise. Ensuite, j'espère que toutes les personnes concernées seront jugées.” Le Portugais arrivé en France, il y a un an tout juste, confie qu'il n'a pas les moyens de prendre un avocat.

Ce combat, Rafael va s’en servir pour aussi écrire une nouvelle page de son histoire : "je suis en train de créer une association contre les discriminations. J’ai déjà fait la demande à la préfecture. Il y a beaucoup de victimes et une association de plus pour aider les autres ça ne peut être que du positif."

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