INTERVIEW. Affaire PPDA : "c'est toujours la victime qui a honte et qui se sent coupable"

En 2021, Florence Porcel a été la première femme à porter plainte pour viol contre Patrick Poivre d'Arvor. Depuis, une quarantaine d'autres femmes ont témoigné auprès de la police. Dans son livre "Honte", l'auteure revient sur l'expérience traumatisante qu'elle a traversée, suite aux deux viols qu'elle dit avoir subi de l'ex-animateur vedette de TF1.

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La honte, "un sentiment qui vous bouffe de l'intérieur". Florence Porcel était jeudi 23 février en dédicaces à la librairie Grangier à Dijon, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, « Honte », paru aux éditions JC Lattès.

Le livre « Honte » est votre premier essai féministe. Dans ce livre, vous replongez dans cette période douloureuse que vous avez traversée suite à la plainte pour viols que vous avez déposée en 2021 contre PPDA.

 

 

Florence Porcel : Dans cet essai, j’ai voulu traiter cette émotion que l’on connaît tous et toutes, celle de la honte. La honte, c’est un sentiment universel, protéiforme qui peut prendre de multiples formes. L’angle que j’ai choisi pour cet écrit, c’est d’abord celui de la honte lorsqu’on est une femme ou une jeune-fille et l’angle de la honte sous le prisme des violences sexistes et sexuelles.

Lorsqu’en 2021 j’ai porté plainte contre Patrick Poivre d’Arvor pour viols aggravés, j’ai revécu dans ma chair les hontes que j’avais et que j’ai toujours en moi depuis les viols que j’ai subis. En plus de cela, j’ai vécu la honte que ces éléments si intimes soient exposés de manière publique, notamment dans la presse. Cette période a été pour moi extrêmement compliquée à gérer. J’ai alors souhaité me pencher sur le sujet de la honte pour mieux en définir les contours, pour mieux comprendre ce qui me bouffait de l’intérieur et essayer de trouver les solutions à ce problème qui vraiment me submergeait.

 

Vous souhaitez donner des armes à chacun et chacune pour mieux combattre les violences sexuelles ?

 

F.P : Je pars de mon expérience traumatisante de victime de violences sexuelles pour essayer d’en faire quelque chose de constructif, d’utile pour permettre à la société d’enfin avancer sur ce sujet. On ne va malheureusement pas éradiquer les violences sexuelles du jour au lendemain, mais je souhaite me battre pour qu’elles soient mieux connues et reconnues, mieux prise en compte et mieux prises en charge.

Dans ce livre je tente de décortiquer ce sentiment insensé, presque absurde, de honte vécue par la victime à la suite d’une agression sexuelle. De comprendre aussi à quel point ce sentiment est systémique, à quel point il fait partie de notre culture, de notre société, de notre éducation.

La spécificité de ces violences sexuelles, c’est que c’est toujours la victime qui a honte qui se sent coupable et jamais l’agresseur, ou alors très rarement.

 

Peut-on se débarrasser de la honte ?

 

F.P : Je ne sais pas si on peut se débarrasser de la honte. En tout cas, ce n’est pas mon cas pour l’instant.

Par ce livre, j’ai fait le choix de la décortiquer en l’analysant sous un angle sociologique, culturel et psychologique afin d’apprendre à mieux cohabiter avec elle. En fonction des jours, j’arrive à la gérer plus ou moins bien, mais dans mon histoire personnelle, ce qui pourrait m’aider, ce serait qu’il y ait un procès, que mon agresseur soit enfin jugé, qu’il s’explique devant un tribunal sur ce qui l’a conduit à agir ainsi et qu’il soit condamné.

 En fait, il y a autant de manières de réagir à un viol qu’il y a de victimes de viol, parce qu’on a tous et toutes des histoires différentes, des âges différents lorsque ça arrive.

 

 

 

Le mouvement #MeToo qui a éclaté fin 2017 vous a-t-il aidé à porter plainte ?

F.P : C’est tout un ensemble de choses. Il m’a fallu faire un long cheminement personnel et plusieurs psychothérapies mais oui, indéniablement, le mouvement #MeToo a compté dans ma démarche d’aller déposer cette plainte en février 2021, 12 ans après les faits. J’ai enfin senti que la société était prête à entendre ce genre de récit.

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