Jean-Pierre Fleury, président de la Fédération nationale bovine, est éleveur de charolais à Saint-Martin-de-la-Mer en Côte-d’Or. Les mesures du plan d'urgence prises par le gouvernement sont insuffisantes, dit-il. Il annonce que les semaines à venir seront décisives.
Les éleveurs bovins et laitiers et maintenant les producteurs de porcs multiplient les manifestations. Pourquoi la crise qui secoue l’élevage se poursuit-elle malgré les mesures annoncées ?
"Il n'y a rien de réglé. Le premier sujet, c’est le prix. Il y a eu ce qu’on appelle l'accord du 17 juin où le prix devait augmenter de cinq centimes par semaine. Aujourd'hui, on devrait être à 40 centimes de hausse du kilo payé aux producteurs. Or, on n'en est qu’à la moitié, c’est à dire à 20 centimes.Les éleveurs ont besoin de trésorerie. La trésorerie se fait de deux façons : avec des prix rémunérateurs et avec du désendettement. Les exploitations sont très endettées avec les investissements qui ont été faits dans le cadre de la mise aux normes et des restructurations. On a perdu un tiers des éleveurs dans les 15 dernières années.
Le nœud coulant est en train de serrer. On a des signes avant coureurs d'exploitations qui vont s'arrêter à la fin de l'année. Les semaines à venir vont être décisives. C’est pour cela qu’un nouveau rendez-vous a été pris avec le gouvernement pour lundi 24 août." [Le président de la République aura un entretien avec Xavier Beulin, président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et Thomas Diemer, président des Jeunes agriculteurs, en présence du Premier ministre Manuel Valls et du ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll]
Quelles mesures d’urgence faudrait-il prendre pour sauver les exploitations ?
"Les mesures du plan d'urgence sont insuffisantes, notamment le fonds d'allégement des charges sur lequel l'État n'a mis que 50 millions d'euros. Nous avons averti que cela ne suffira pas. Les éleveurs réclament une mesure phare qui serait une année blanche, c'est-à-dire que les éleveurs ne paient pas toutes les échéances d'une année d'exploitation, ce qui leur permettrait de respirer financièrement et de trouver des alternatives pour les années à venir.Au-delà des problèmes de trésorerie, il faut aussi des mesures structurelles. Il faut repositionner le produit “viande de France” dans la grande distribution et surtout dans la restauration collective. Aujourd’hui, 70 % de la viande achetée par les cantines scolaires, les maisons de retraite, les hôpitaux, c'est de la viande d'importation. La responsabilité des élus - de droite comme de gauche - est énorme, car c'est une situation qui date des 20 dernières années. Les Allemands - qui sont de grands donneurs de leçons en terme de libéralisme - font l'inverse : 80 % de la viande consommée dans la restauration collective en Allemagne est d'origine allemande."
Comment réussir à écouler les produits français?
"Il faut qu'on aille sur des marchés à l'export hors d'Europe. Aujourd'hui, on a des industriels qui sont trop frileux. On a arraché la création d'une plate-forme internationale export. Elle est en train de se mettre en place. Il va falloir aller conquérir des marchés lointains, sinon il faut réduire le cheptel", prévient le patron de la Fédération nationale bovine.Rappelons que le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a demandé la tenue d'un conseil européen extraordinaire des ministres de l'Agriculture qui aura lieu le 7 septembre.
D’ici là, pour maintenir la pression, les éleveurs comptent aller manifester à Paris le 3 septembre, à l'appel de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles).