Violences sexuelles dans l'Église : une victime pointe la lenteur des réparations, l'INIRR explique ses difficultés

Mise en place après la publication du rapport Sauvé fin 2021, l'INIRR aide les victimes de violences sexuelles dans l'Église à obtenir réparation. Une mission colossale qui pour certains, n'avance pas aussi rapidement qu'elle le devrait.

Les révélations ont fait l'effet d'un tsunami. Dans la journée 5 octobre 2021, Jean-Marc Sauvé, président de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église), s'installe derrière le pupitre couleur bois d'une scène sobrement décorée. "Le moment est donc venu de rendre compte de nos 32 mois de travail", déclare-t-il à l'assemblée. Pendant près d'une heure, il s'attache alors à dévoiler, en détail, l'ampleur des violences sexuelles commises par des des religieux sur des mineurs et personnes vulnérables depuis 1950.

Au total, 216 000 victimes ont été dénombrées. Parmi elles, Luc, originaire de Dijon (Côte-d'Or). Âgé de 64 ans, il dit avoir subi des viols de la part d'un prêtre catholique durant sa "jeune enfance".

En 1979, il se rapproche d'un avocat pour tenter de porter l'affaire en justice. "Mais malheureusement, les faits étaient déjà prescrits à l'époque", déplore-t-il. Il n'essaiera plus d'obtenir réparation... avant d'apprendre l'existence de l'instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation. Il la saisit en avril 2022, mais demeure dans l'attente d'un accompagnement jusqu'à juin 2023.

1 300 demandes adressées à l'INIRR

Pour rappel, la création de l'INIRR le 8 novembre 2021, un mois après la remise du rapport Sauvé, par la Conférence des évêques de France. "L'instance met en œuvre avec chaque personne victime qui en fera la demande une démarche de reconnaissance et de réparation", décrit ainsi Éric de Moulins-Beaufort, président de ladite Conférence. Pour accompagner ces victimes, l'organisme compte plusieurs référents, parmi lesquels des psychologues, des psycho-praticiens et même des juristes.

"Au moment de la création, tout était à faire", explique Marie Derain de Vaucresson, la présidente de l'INIRR. "Partant de rien, nous avons tout construit : il a fallu récupérer des bureaux, monter la démarche d'accompagnement, créer un logiciel, le site internet..." Dans un premier temps, l'instance travaille à recenser des victimes s'étant déjà manifestées, avec une première remontée en février 2022.

 "Nous nous étions adressés aux évêques en leur demandant d'écrire aux personnes qui s'étaient déjà tournées vers eux, pour les informer de notre existence. Pendant tout une période, c'étaient des personnes identifées et connues des diocèses qui arrivaient, ce qui a permis de prendre en compte leurs situations plus rapidement, y compris parce qu'un premier travail d'apaisement avait parfois déjà été fait."

Puis, entre mars et juin, le nombre de victimes qui se manifestent explose. 600 d'entre elles se signalent en l'espace de quelques mois et le chiffre va encore croissant. Au moment où nous écrivons ces lignes, plus d'un an après le lancement de l'instance, 1 240 personnes se sont adressées à l'INIRR.

Manque de personnel...

Parmi ces 1 240, 527 sont actuellement accompagnées. Le problème étant que les référents chargés de cet accompagnement ne sont qu'au nombre de... 16 - la moitié salariée, la moitié bénévole.

"Comme dans les secteurs de l'aide et de l'accompagnement, nous sommes confrontés à une difficulté majeure de recrutement, nous ne trouvons pas des personnes adaptées à nos besoins", précise Marie Derain de Vaucresson. "Nous prenons beaucoup de précautions dans le recrutement car nous agissons dans un champ très particulier. L'accompagnement n'est pas au long cours : notre intervention dure trois mois, six mois. Les personnes ont souvent besoin de soins plus longs, donc nous les aidons à les mettre en place pour répondre à leurs besoins."

Évidemment, si nous avions 10 référents supplémentaires, ça irait plus vite.

Marie Derain de Vaucresson,

présidente de l'INIRR

... et priorisation des prises en charge

Par ailleurs, si certaines victimes subissent de longs délais entre leur prise de contact avec l'INIRR et le traitement de leur demande, c'est parce l'organisme priorise certaines sollicitations."Un certain nombre de personnes qui se sont adressées à nous sont très en difficulté, avec des problèmes de désocialisation par exemple, ou de santé liés à l'âge... ce qui nécessite de la réactivité", indique la présidente de l'instance. 

Conséquence, un système de "coupe-file" a été mis en place. 150 requêtes ont donc "doublé" d'autres reçues plus tôt, en raison de ces "échéances de vie". Elles émanent notamment de personnes âgées, dont l'état de santé physique ou psychique est particulièrement fragile.

Cela insatisfait tout le monde, à l'INIRR, que les personnes victimes attendent. Mais il faut en même temps consentir à la réalité de la situation, aggravée par tous ces facteurs.

Marie Derain de Vaucresson

Pour autant, Marie Derain de Vaucresson l'assure : "Les personnes qui se sont adressées à nous entre avril et juillet seront pour la plupart accompagnées d'ici la fin de cette année, nous répondrons à toutes les demandes. Nous ne laisserons tomber personne."

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