Covid-19 : Entre colère noire et résignation, les bars et restaurants fermés jusqu’en janvier 2021 ? 

Une réouverture des bars et restaurants pas avant la mi-janvier voire début février 2021. L’information publiée par le magazine Le Point fait réagir restaurateurs et patrons de bars. Colère, résignation, patience. Réactions dans le Doubs.

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Restaurants, bistrots, brasseries, bars et cafés ne devraient pas rouvrir à l'occasion des fêtes de fin d'année, selon le magazine Le Point dans son édition du 16 novembre. “La date du 15 janvier, voire du 1er février 2021, serait largement évoquée, selon une source proche du dossier en contact direct avec Bercy” écrit l’hebdomadaire. Février, c’est loin, cela veut dire qu’en France, les fêtes de Noël et du Nouvel An se feraient sans réouverture de ces lieux de convivialité, et du plaisir de la table.

Une étude américaine de L’Université de Stanford publiée début novembre dans la revue Nature estime que les restaurants seraient les plus gros foyers de contamination à la Covid-19. Sur une population de 100 000 habitants, près de 8.000 personnes s’y contamineraient. En cause, l’absence de masque, ou encore la proximité entre les personnes autour de la table. Autant de raisons qui expliqueraient, selon l’étude, la multiplication des contaminations. 

La colère de Philippe Feuvrier, restaurateur dans le Haut- Doubs

Son restaurant à Morteau près de la frontière suisse est fermé aux clients comme pour tous les autres. Mais il œuvre encore dans sa cuisine. “Je travaille comme un ruisseau en été, ça coule tout doucement” lance Philippe Feuvrier pour imager le tableau. Son restaurant emploie 10 personnes. “Je travaille à peine en traiteur, à peine” lance le patron de l’union des métiers de l’industrie hôtelière dans le Doubs. “On nous dit, il nous faut nous réinventer, mais comment faire du service traiteur en zone de montagne ou en zone rurale ?” dit-il.

La perspective d’une réouverture des lieux de bouche dans plusieurs mois le met en colère. “On est en train de faire crever une profession. Il y a une crise sanitaire bien sûr, mais les autorités, les élus ont toujours leurs salaires. Pour ceux qui font leur salaire, la situation est totalement catastrophique” ajoute Philippe Feuvrier. La perspective de nouvelles aides plus conséquentes, “c’est un effet d’annonces pour calmer tout le monde, et montrer que les restaurants sont fermés, mais aidés” s’agace le restaurateur. “On nous parle aujourd'hui d’aides à hauteur de 10.000 euros par mois. Ces aides sont pour ceux qui font un million de chiffre d'affaires, c’est 2% de notre profession qui est concernée.” 

Le restaurateur craint la suite. Les semaines, les mois qui passent. Les personnels qualifiés qui, lassés d’attendre partiront voir ailleurs. Les grandes chaînes qui survivront en ville, car elles auront les reins financiers, et les plus fragiles qui mettront la clé sous la porte. Au-delà de la souffrance économique, Philippe Feuvrier est écoeuré, pour ces métiers où l’humain donne tant de son temps, de son savoir-faire. “On a bossé depuis des années, et on nous dit aujourd’hui que notre entreprise ne vaut plus rien” confie-t-il. Ces métiers de la restauration dont on parle peu déjà quand tout va bien, et qui se retrouvent aujourd'hui sur le devant de la scène, amiraux d’une crise économique dont personne ne peut prédire le bout du tunnel.
 

Vers un recours de l'union des métiers des industries de l'hôtellerie

Restaurateurs et cafetiers sont en train de passer à l'action. Ils ont l'intention de contester devant le Conseil d'Etat la décision du gouvernement de fermer leurs établissements dans le cadre du reconfinement, a-t-on appris le 14 novembre auprès de l'Umih, principal syndicat des métiers de l'hôtellerie, et de ses avocats.
"L'Umih (L'Union des métiers des industries de l'hôtellerie) nationale a engagé un recours contre le décret du 29 octobre 2020 qui ferme les restaurants et débits de boissons de " type N " tout en autorisant la restauration collective", a-t-elle indiqué, justifiant ce recours par "la rupture du principe d'égalité". Ce recours devait être finalisé avant le 20 novembre".
 

"Fermer, rouvrir, tous les deux mois, ce n’est plus tenable humainement, on n’est pas des robots"

À Besançon, sur la grande place de la Révolution, le bar l'Éphéméride a rangé tables, terrasses, fûts de bière et percolateurs. En cette fin novembre, Sarah attend de connaître le montant des aides qui seront accordées à l’établissement. Elles sont deux femmes à y travailler. “Cette deuxième phase du confinement, c’est plus compliqué psychologiquement au-delà du côté financier. J’espère que la date de réouverture, le jour où on l’aura, nous permettra de reprendre une activité quasi-normale” explique la jeune femme. “Fermer, rouvrir, tous les deux mois, ce n’est plus tenable humainement, on n’est pas des robots, on n’appuie pas sur bouton pour fermer un bar” ajoute Sarah, membre du collectif des Bars Boites et Restos de Besançon Unis (BBRBU).

Les aides du premier confinement ont été maigres, et n’ont pas compensé les charges fixes. Les aides du deuxième confinement, le bar bisontin attend d’en connaître précisément le montant. “J’espère qu’on sera aidés à hauteur des charges fixes” lance Sarah. En attendant, le bar puise dans ses réserves financières, il en avait heureusement. “On n’a pas le choix, il faut qu’on mange, qu’on paye nos loyers” dit Sarah. “Certains se sont endettés avec les prêts aidés par l’Etat, ce ne sera pas viable” s’inquiète-t-elle.

Que les bars ne rouvrent pas avant 2021, Sarah s’y prépare. “Le moral des restaurateurs et bars à Besançon est épars. C’est notre deuxième fermeture, on est plus dans la lassitude. On essaie de se préserver moralement. On essaye de se tourner vers du positif, dans des initiatives d’entraide comme l’opération “À genoux mais pas couchés””. Des groupes de musique sont venus enregistrer des morceaux de musique dans les bars de Besançon restés fermés. 
 


"Je pense que les bars ne rouvriront pas avant mars, que le gouvernement attendra"

Au bar Le Marulaz,  à Besançon, Patrice Forsans pense que les bars ne rouvriront pas avant longtemps. “Je pense que les bars ne rouvriront pas avant mars, que le gouvernement attendra, que les gens puissent consommer en terrasse... Je ne peux pas dire que je suis en colère, par principe de précaution, il faut minimiser les risques” dit-il. 

Les aides, le chômage partiel, il estime qu’elles sont assez conséquentes. “On peut peut-être passer le cap, mais certains ne le passeront pas” dit-il réaliste.

Le patron qui est aussi photographe a décidé de positiver. Pas le choix. Et d’aider les autres.  Plusieurs restaurateurs et cafetiers ont lancé un appel aux dons alimentaires pour venir en aide à Besançon aux étudiants en situation de précarité. 

Le temps des étoiles serait-il révolu ?

Jean-Luc Percevault travaille depuis 3 ans dans la restauration à Pontarlier dans le Haut-Doubs. Cet homme de 59 ans a fait une reconversion professionnelle. Il est aujourd’hui salarié, et au chômage partiel. Si toute l’équipe très unie se serre les coudes et se soutient, il s’interroge sans être résigné pour autant sur l’avenir. “Je suis inquiet pour mon propre avenir forcément et pour les jeunes qui sont en formation et vont arriver dans le métier” confie-t-il. “Ce qu’on souhaite quand on est en cuisine, c’est aboutir à donner du plaisir aux gens. Être montré du doigt aujourd’hui, c’est inacceptable" résume ce salarié. ”
“Les mesures de prévention et gestes barrière ont été appliqués et respectés” estime ce professionnel. Les restaurants ont appliqué à la lettre ce qu’on leur demandait. “Tout cela pour qu’au-delà de l’inquiétude de notre avenir commence à poindre une nauséabonde odeur de dégoût, de découragement peut être pour certains, d’incompréhension pour toutes et tous. Comment est-il possible de déployer pareille volonté d’anéantir l’une des plus belles images de ce pays qu’est la France en taillant sa gastronomie en fines rondelles. Le temps des étoiles serait-il révolu ? Plutôt que de les arborer au plastron, certains nous les préfèrent-t’ils en orbite autour de la tête ?”.
Lui aussi s’interroge sur l’avenir du secteur de la restauration. “ La gastronomie est aussi un acteur culturel essentiel de notre pays avec pléthore de spécialités culinaires qui fait tant d’envieux dans le monde entier. Y aura-t-il un lendemain ? la gastronomie ne compte-t-elle pas parmi les fiches identitaires de chaque région, de certaines villes de France ? Non la restauration n’est pas qu’un domaine de sustentation non essentiel, elle est porteuse de partage, de plaisir, elle est pilier d’une économie, pilier d’un pays autrefois grand. Mais ça, c’était avant” estime cet habitant du Haut-Doubs toujours dans l’inconnu quant à la réouverture des restaurants. 
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