La phase 3 du déconfinement est lancée : les visites sont autorisées dans l’ensemble des établissements depuis le 15 juin 2020. Des règles assouplies, mais parfois vagues, qui ne tiennent pas compte du quotidien et de l’organisation dans les Ehpad.
« Pour nos aînés en maisons de retraite ou en établissements, les visites devront désormais être autorisées », déclare le président de la République, dans son allocution du 14 juin 2020. Cette annonce était attendue par de nombreuses familles, même si les visites ont repris progressivement depuis le 20 avril. Mais, pour les Ehpad, il peut s’agir d’un effet d’annonce, sans réelle prise en compte de la réalité du terrain.
« Nous attendons les consignes de la direction générale de la cohésion sociale », répond Maïlys Couffin Kahn, directrice de l’Ehpad de Blamont dans le Doubs. Elle dénonce les modalités vagues données par le président de la République : « Entre ce que dit le ministre, ou ce que dit le président, et l’application, en pratique, il y a une très grande différence ». Car la direction de la cohésion sociale et l’ARS peuvent contredire les annonces du gouvernement : c’était déjà le cas pour les premières visites en avril.
Même constat à l’Ehpad de Saint-Amour, dans le Jura, où la directrice Michèle Douay attend encore les détails du protocole sanitaire. L’assouplissement des règles début juin permettait à priori la visite de plus de deux personnes à la fois et la possibilité de faire venir des mineurs, sous réserve qu’ils portent un masque. Mais pour Michèle Douay, la réalisation de ces conditions est plus incertaine : « L’Ehpad va rouvrir ses portes, c’est sûr, mais on garde les anciennes consignes : deux personnes maximum par chambre. » Faute de mieux, l’établissement jurassien maintiendra les multiples contrôles à l’entrée, pour les personnes extérieures, tout en étendant les horaires des visites.
« "Les visites sont autorisées", ça ne veut rien dire »
C’est plutôt un effet d’annonce, comme le souligne Maïlys Couffin Kahn : « "Les visites sont autorisées", ça ne veut rien dire. Elles ont déjà repris depuis plusieurs semaines, en intérieur comme en extérieur. » Les règles de la direction générale de la cohésion sociale, branche du ministère de la Santé, reste, elles aussi, difficile à mettre en oeuvre. Par exemple, début juin, l’ARS et le ministère parlaient de « visites sans rendez-vous ». Inconcevable, pour la directrice de l’Ehpad de Blamont : « Pour les visiteurs, on devait les faire inscrire sur un registre, leur faire remplir un questionnaire, leur prendre la température ! Comment voulez-vous faire ça sans rendez-vous ? »
D’autant que les Ehpad doivent se réorganiser à chaque annonce, et s’adapter aux consignes de l'ARS et de la direction générale de la cohésion sociale. Et les coups de fil des proches retentissent de toute part depuis les annonces d’Emmanuel Macron. C'est ce qu’explique Maïlys Couffin Kahn : « Les familles sont très impatientes, elles aimeraient voir leurs proches, mais notre objectif, c’est de les protéger au maximum. » La directrice poursuit : « La mise en œuvre des visites, c’est parfois "à la discrétion de la direction". Donc, si une personne contracte le covid, c’est la responsabilité du directeur qui est engagée, et la famille peut porter plainte contre l’établissement. »
Car l’ouverture aux familles n'est pas sans risques : les proches peuvent être des cas asymptomatiques, et les transmissions sont très rapides dans les lieux en collectivité. C’est ce qu’appréhende la directrice de l’Ehpad de Blamont : « On voit surgir des cas dans des écoles … Le risque, c’est que cela reflambe aussi dans les Ehpad, où les personnes sont plus fragiles. » La deuxième vague, c’est aussi la crainte de Michèle Douay : « [Avec les nouveaux cas], c'est inquiétant ce qui se passe en Chine aujourd’hui. On disait que le covid n’arriverait pas sur le territoire. Aujourd’hui, les gens ont une autre analyse. »