Ce texte considère que les membres des forces de l'ordre sont en danger quand leurs photos permettant leur identification sont publiées. Les professionnels que les parlementaires souhaitent protéger : les policiers, nationaux et municipaux, les militaires donc les gendarmes, ainsi que les douaniers.
La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse serait amendée avec cet objectif : "rendre non identifiables les forces de l'ordre lors de la diffusion des images dans l'espace médiatique."
"Sous prétexte de dénoncer des violences policières, les policiers deviennent des proies"
Annie Genevard, députée de la 5ème circonscription du Doubs, vise surtout les réseaux sociaux : "Pour certaines publications, il s'agit d'un appel au lynchage, avec noms et adresses des policiers, les mettant en danger, eux et leurs familles. La nécessité, c'est de les protéger. Je ne sais pas si cette proposition a des chances d'aboutir. Christophe Castaner, le Ministre de l'Intérieur est conscient du problème. Mais elle vient de la droite, et comme le gouvernement n'est pas très ouvert à nos propositions..." dit la députée.
Ian Boucard, député LR du Territoire de Belfort, s'indigne devant certains sites : "Sous prétexte de dénoncer des violences policières, les policiers deviennent des proies. S'ils commettent des fautes, ils portent des caméras, et ils ne resteront pas impunis. Mais en aucun cas leurs images diffusées doivent permettre de les reconnaître et les mettre en danger, eux et leurs familles !"
Même position pour Jean-Marie Sermier, lui aussi député LR mais dans le Jura : "Nous voulons envoyer un signe, déjà aux policiers et à leurs syndicats. Je ne pense pas que notre proposition de loi ait une chance d'aboutir mais au moins elle a le mérite de rappeler le problème. Il faut mettre le sujet sur la table et trouver une solution."
Filmer, photographier, enregistrer les forces de l'ordre dans l'exercice de leur métier est un droit et doit le rester, selon le SNJ
Pour le SNJ (Syndicat National des Journalistes), pas de doute, selon un communiqué, aucune restriction ne peut être tolérée quant aux images des forces de l'ordre :"Filmer, photographier, enregistrer les forces de l'ordre dans l'exercice de leur métier est un droit et doit le rester.... Il en va de la liberté de la presse et, plus largement, du droit d'informer et d'être informé-e... Sans ces vidéos, la réalité des violences policières serait niée dans son existence même... ".
Et le syndicat professionnel poursuit : "Ces vidéos peuvent aussi constituer des éléments de preuve pour la justice..." Dans son communiqué, le SNJ demande expressément que les forces de l'ordre portent leurs numéros de matricule, théoriquement obligatoires.
Les trois députés de Franche-Comté qui ont co-signé le texte d'Eric Ciotti jurent que ce sont les réseaux sociaux qui sont leurs cibles, et en aucun cas la presse et les journalistes.
Ian Boucard est clair : "Un journaliste ne va jamais montrer une image qui va mettre en danger quelqu'un. On ne veut pas remettre en cause la liberté de la presse !"
"La liberté de la presse n'est en rien compromise" renchérit Annie Genevard. Jean-Marie Sermier va plus loin :"Ce texte s'adresse aussi aux journalistes. Eux aussi, ils sont quelques fois pris pour cible. Il faudrait les protéger, eux et leurs familles, comme les policiers, en ne diffusant pas des images permettant de les identifier."
Du côté des syndicats de policiers
Stéphane Ragonneau est le secrétaire régional du syndicat Alliance police Nationale pour la Bourgogne - Franche-Comté. Il raconte que son syndicat, la semaine dernière, a contacté tous les groupes à l'Assemblée nationale, seul Eric Ciotti leur a répondu favorablement.
Selon lui, les journalistes ne sont pas la cible :"Les journalistes demandent toujours pour filmer ou floutent les images. Nous, ce qui nous énervent et nous inquiètent, ce sont les réseaux sociaux. Nous sommes livrés à la vindicte populaire par certains sites. En plus, les vidéos publiées sont souvent tronquées, le site ne publie que le petit bout qui les intéresse... En province, dans des petites villes comme Dijon ou Besançon, on est connu, on est repéré. Nous ne voulons pas interdire les images. Moi aussi, je tiens à la liberté de la presse. Mais je voudrais que les images soient floutées, pour qu'on ne nous reconnaisse pas. "
Et le syndicaliste cite deux exemples qui montrent que, en effet, les policiers sont repérés dans leur environnement : " Une photo de ma maison a été diffusée il y a trois semaines sur Facebook. Certainement par un groupe d'extrême gauche ou des gilets jaunes... A Chalon-sur-Saône, les noms et les téléphones des deux chefs de la BAC de la ville (Brigade Anti-Criminalité) ont été tagués sur un mur de la ville... C'est fou, quand même, leurs téléphones..."
Et, il ajoute : "Nous, on se souvient tous de Magnanville..." En juin 2016, à Magnanville, dans les Yvelines, un commandant de police et sa compagne, elle aussi de la police, avaient été assassinés par un jihadiste, dans leur maison, où se trouvait également leur enfant de 3 ans.
