Pendant deux jours, les 27 et 28 novembre 2023, l'anésthésiste Frédéric Péchier est entendu par le nouveau juge d'instruction qui a repris le dossier. En 2017, le médecin a été mis en examen pour "empoisonnements avec préméditation" sur sept patients suivis par 23 autres soupçons. Depuis, il clame toujours son innocence.
Ces deux jours d'audition marqueront-ils une étape importante dans cette longue procédure judiciaire hors-norme ? L'anesthésiste Frédéric Péchier est soupçonné de 30 empoisonnements de patients à Besançon, dont 12 mortels. Il est soupçonné d'avoir pollué, entre 2008 et 2017, les poches de perfusion de patients dans deux cliniques privées de Besançon pour provoquer des arrêts cardiaques puis démontrer ses talents de réanimateur, mais aussi pour discréditer des collègues avec lesquels il était en conflit. Frédéric Péchier n'a de cesse que de clamer son innocence.
Du mutisme à l'échange
Longtemps, le médecin a refusé de s'exprimer devant le juge d'instruction en charge du dossier. Cette fois-ci, il est sorti de son mutisme. L'anesthésiste répond aux questions du nouveau juge. Un changement qui s'explique par les nominations dans la Justice. Sur une période aussi longue, rares sont les juges d'instruction qui ne changent pas d'affectation.
Les auditions en cours "reviennent sur chaque cas" pour lequel l'anesthésiste a été mis en examen. Ce sont "des auditions complémentaires pour permettre à Frédéric Péchier de s'exprimer, et notamment de s'exprimer suite aux derniers rapports d'expertises" précise l'un de ses avocats M°Randall Schwerdorffer. Il poursuit en indiquant que le rôle du juge est d'instruire "à charge et à décharge" et que "c'est à la justice de démontrer la culpabilité de son client".
"Suspicions fortes"
En mars 2023, le procureur de la République à Besançon, Etienne Manteaux, avait évoqué une "avancée majeure" dans cette affaire, avec de nouvelles expertises et d'ultimes mises en examen de l'anesthésiste. Le parquet avait alors indiqué que 32 rapports d'expertise avaient été rendus. Dans la grande majorité des cas, les experts avaient jugé qu'il existait des "suspicions fortes" que des substances en doses parfois létales aient été administrées aux patients opérés dans les cliniques où officiait Frédéric Péchier, souvent pour des interventions bénignes.
Un dossier d'une "fragilité exceptionnelle"
Pour M°Lee Takhedmit, avocat également du médecin, "on rencontrait un problème de méthode avec un juge d'instruction qui, après avoir dormi pendant presque 4 ans, nous demandait d'avancer à marche forcée. Là, on a eu du temps pour préparer et réfléchir à ce qu'on allait dire". Les défenseurs du médecin estiment que ce dossier est d'une "fragilité exceptionnelle". Selon M°Lee Takhedmit, "on s'est fait une idée de la culpabilité du docteur Péchier et ensuite, on a fabriqué le dossier" avec des expertises pour lesquelles "nous ne sommes pas d'accord".
Pour Frédéric Péchier, l'unique cas d'empoisonnement avéré s'est produit lorsqu'il avait anesthésié lui-même le patient, en janvier 2017. Pour les autres cas, "c'est peut-être des actes malveillants, mais pas forcément des empoisonnements", ou encore "des erreurs médicales", comme une erreur de dosage ou de produit, a ajouté Me Schwerdorffer.