Automobile : 100 000 emplois de moins en 2030 ?"Il fallait se réveiller avant, on ne reclasse pas des salariés en un an"

La filière automobile continue d’être impactée par la pénurie mondiale de semi-conducteurs. A cette inquiétude vient s’ajouter celle de la transition vers le marché de l’électrique, qui pourrait coûter à la France 100 000 emplois d’ici à 2030. Et si la solution se trouvait en Franche-Comté ?

La filière automobile pourrait-elle vraiment perdre 100.000 emplois en France d’ici à 2030 ? C’est en tout cas ce qu’a laissé entendre Luc Chatel, président de la Plateforme Automobile (PFA), ce lundi matin sur les ondes de RTL, à la veille de la journée de la filière automobile.

"L’automobile traverse une crise sans précédent liée à la Covid-19" a d’abord rappelé l’ancien ministre, faisant notamment référence à la pénurie de semi-conducteurs qui dure depuis plus d'un an et qui pourrait se poursuivre jusqu’en 2023, "Aujourd’hui nos usines ont un taux d’activité de 65 à 70% et dans le même temps, nous devons mener une transformation historique, une révolution, avec le passage à l’électrique" a-t-il insisté. 

Une transition trop rapide vers le marché de l'électrique ?

Le passage à l’électrique, c'est justement la grande inquiétude des syndicats de constructeurs automobiles, qui voient en cette perspective d’avenir une menace bien plus importante pour les emplois que l’actuelle pénurie mondiale qui touche la filière : "Cela fait des années que nous alertons sur cette question. La transition vers l’électrique va détruire des milliers d’emplois en France. C’est bien plus grave que la situation actuelle : aujourd’hui la pénurie de semi-conducteurs met des emplois en stand-by. Demain, on parlera d’emplois supprimés" s’inquiète Eric Peultier, représentant Force Ouvrière sur le site Stellantis de Sochaux.

Alors comment, en quelques années, la France va pouvoir former, reclasser ses salariés de l’industrie automobile afin de répondre à la transition du marché vers l’électrique ? À l’heure des batteries, des voitures hybrides et des bornes de chargement, l’Europe semble avoir pris un temps de retard. Dans le même temps, des pays comme la Chine se positionnent déjà comme les principaux acteurs de ce futur proche, trop proche peut-être ?

"La prochaine décennie sera critique pour toute la filière"

"En 2018, la filière automobile a décidé d’accompagner le changement climatique en allant vers l’électrique" expliquait Luc Chatel ce matin, "Nous avions besoin de temps pour que les PME s’adaptent, pour effectuer ce virage. Mai le rythme de cette transformation est trop rapide. Nous assistons à une accélération sans précédent. Pendant 100 ans nous avons construit des moteurs thermiques pour lesquels nous avons une expertise unique au monde. Aujourd’hui, Il faut bien comprendre que tout cela est terminé. Il faut inventer autre chose" rappelait-il, alarmiste.

Alors y-a-t-il réellement de quoi s’inquiéter ? La France sera-t-elle capable de repenser le savoir-faire de l’un des fleurons, une industrie qui pèse lourd et qui, selon Xavier Horrent, délégué général du Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), faisait encore vivre 1 français sur 10 en 2021. "La prochaine décennie sera particulièrement critique pour toute la filière" présageait X.Horrent chez Sud Radio ce lundi, "Que ce soit pour les industriels, les constructeurs, les équipementiers mais aussi les distributeurs ou la réparation, des services qu’on oublie souvent mais qui représentent plus de 500.000 actifs en France aujourd’hui".

"Il fallait réagir avant. On ne reclasse pas les salariés en un ou deux ans"

Un fiasco annoncé ? Prévisible ? À en croire certains syndicats, la prise de conscience des pouvoirs publics serait trop tardive et la transition n’en sera que plus difficile : "Il fallait réagir avant" estime Eric Peultier, "On ne peut pas reclasser des salariés en un ou deux ans. La transition n’est pas préparée. Il va falloir que le gouvernement trouve vite des solutions pour reclasser les salariés dans des filières de recherche, ou alors vers des nouvelles technologies".

En d’autres termes, les entreprises qui faisaient des moteurs thermiques hier devront être capables de faire des batteries ou des moteurs électriques demain, et vite. "Il y a bien une accélération de ce processus de transition" explique Ludovic Party, directeur PerfoEST au pôle Véhicule du Futur, "Aujourd’hui, les véhicules qui respectent les critères européens sont hybrides, électriques ou rechargeables est leur prix moyen est 6 à 7000 euros plus cher qu’un véhicule thermique. Il est donc devenu indispensable que les entreprises puissent évoluer vers d’autres marchés que celui du thermique".

76 500 emplois en moins depuis 2009

Une transition qui, si rien n’est fait, pourrait donc coûter 100.000 emplois à la France en dix années ? Le chiffre, qui semble très élevé, est en fait assez réaliste quand on le compare aux dix dernières années, la révolution énergétique en moins. Car selon une étude de l’observatoire des métiers de la métallurgie, la filière automobile a perdu 30% de ses emplois depuis 2008. "Entre 2008 et 2019, il y a eu 76 500 emplois en moins dans la filière" souligne Ludovic Party, "Et il va forcément y avoir encore un impact sur les emplois pour les intérimaires par exemple, ou avec des départs en retraite anticipés. Aujourd’hui on sait qu’on va devoir évoluer, mais vers quoi évoluer ?"

L'hydrogène, une solution ?

Une partie de la réponse pourrait se trouver dans le Nord-Franche-Comté justement, où l’hydrogène a trouvé sa place, et devient l’une des filières d’avenir sur laquelle veulent miser les entreprises. "Il faut développer encore davantage la filière hydrogène sur notre territoire. Il faut mettre de l’argent pour pouvoir former des salariés afin qu’ils puissent être reclassés" s’avance Eric Peultier. "Dans la région, certaines entreprises comme Faurecia ont déjà entamé leur transition" explique de son côté Ludovic Party, "Ils faisaient de l’échappement et sont en train d’évoluer vers l’hydrogène. Mais d’autres entreprises, plus modestes, restent pour l’instant dans leur secteur d’activité et devront évoluer vers d’autres marchés. Des études sont d’ailleurs menées pour savoir dans quelle direction aller, quelles pièces devront être plus ou moins produites".

Alors que la France aborde un virage dans sa transition écologique, la crise actuelle n’arrange pas la situation de la filière automobile. Avec 30 à 40% de production en moins sur les mois de septembre et octobre, les ventes - et par conséquent le chiffre d’affaire - des constructeurs sont loin de ceux escomptés. A Stellantis Sochaux, 30 000 véhicules n’ont pas été produits au premier semestre 2021 et les constructeurs doivent faire face à l’indécision des acheteurs, de plus en plus grande, face au marché de l’électrique.

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