La rencontre a eu lieu jeudi 23 juillet, aux alentours de huit heures. Une heure d’échange cordial sur le projet d’écoquartier des Vaîtes. Mais s'agissait-il d'un dialogue où les divergences étaient plus nombreuses que les points d’entente ?
Une discussion cordiale, mais intense sur un projet d’écoquartier qui fait débat depuis plusieurs mois. Sur les terres maraîchères des Vaîtes, la mairie de Besançon souhaite construire plus de mille logements dans le cadre d’un écoquartier. L'opposition à ces bâtiments, jugés destructeurs pour l'environnement, y est farouche. D'une part, l'association « Les Jardins des Vaîtes », mène depuis plusieurs années, un combat judiciaire contre le projet. D'autre part, les militant.e.s d’Extinction Rébellion et d'Action non violente COP21 occupent le terrain depuis plus d'un mois, et se revendiquant de la désobéissance civile. En bref, ce dossier épineux était devenu un des enjeux majeurs des municipales.
Ainsi, peu avant huit heures, à la mairie de Besançon, tout a été mis sur la table. Les unes voulaient un abandon du projet et une sanctuarisation des terres, l'autre voulait un dialogue sur la méthode à adopter, sans avoir de certitudes ni donner de garanties sur l’avenir du projet. Les unes se disaient « déçues », l'autre revendiquait son rapport « très tranquille » au dossier. Voilà ce qui ressort de la rencontre entre la maire de Besançon et l’association « Les Jardins des Vaîtes ».
Deux conférences de presse, deux ambiances
Dans une brasserie Place Granvelle, les verres tintent, les serveurs s’agitent. A 13 heures, c’est le coup de feu. Au milieu de ce tintamarre, Claire Arnoux et Marie-Hélène Parreaux, de l’association des Jardins des Vaîtes. Au menu : le projet d’écoquartier des Vaîtes. Claire Arnoux, la présidente de l’association, épluche les points de crispation avec la mairie sans pouvoir compter les avancées.
De l’autre côté, l’ambiance est différente. Plus calme, car la conférence de presse se déroule dans le bureau de la maire, lumineux. Anne Vignot fait face à une dizaine de journalistes. Le constat est le même : difficile d’établir le dialogue avec l’association. Les points de divergence sont trop grands. Dans les deux salles, les grands absents sont les occupants des Vaîtes.
Quid de la vigie érigée sur le site du futur écoquartier des Vaites ?
Anne Vignot l’annonce : elle prendra un arrêté municipal pour démonter la tour. Face à l’occupation illégale du terrain de Territoire 25, et à la responsabilité qui est engagée de son côté, elle souhaite le démantèlement de cette tour, qu’elle juge dangereuse.
La maire EELV le clame : « J’appelle au respect, au respect des règles ». Sur la question de l’éventuelle expulsion des militant.e.s sur place, l’édile ne répond pas vraiment, en rappelant vouloir « entamer un dialogue ».
Claire Arnoux qui soutient la « Vigie des Vaîtes », et l’occupation de terrain, ne souhaite pas se prononcer sur la destruction de la structure. La présidente se défend : « Nous nous plaçons dans le cadre institutionnel. Notre bataille se joue sur l’opinion publique et le terrain judiciaire ».
Le « GIEC local »
C’est la grande promesse d’Anne Vignot, la mise en place d’un comité de scientifiques et d’associations spécialisées qui pourrait se prononcer sur les grands projets menés par la ville. Un moyen d’avancer en s’appuyant sur un ensemble de connaissances scientifiques. Et le premier dossier brûlant serait ainsi les Vaîtes.
Pour Claire Arnoux, le « GIEC local » est un trompe-l’œil : la présidente ou le président serait nommé par la maire de Besançon. Ne comprenant pas la mise à l’écart des Jardins des Vaîtes dans ce comité, la présidente des Jardins des Vaîtes déclare : « Nous questionnons l’indépendance du comité : nous ne voulons pas que ce soit un comité de l’exécutif. »
Dans son bureau immaculé, Anne Vignot déclare : « Je crois à l’indépendance intellectuelle du scientifique. Ce que je veux, c’est une intelligence collective du monde scientifique sur des questions sociétales, politiques. » La maire ne souhaite pas que « Les Jardins des Vaîtes » soient membre du comité, car l’association n’est pas neutre, mais « partie-prenante ». L’édile proposera alors un nom pour la présidence du comité, sans le ou la contraindre à prendre la place. Et les membres du comité pourront changer au fil des dossiers. Anne Vignot reprend : « Ce ne seront pas que des experts avec une "connaissance locale", mais avec une approche systémique. »
L’avenir du projet en fonction des conclusions du GIEC local
Si le comité d’experts juge le projet néfaste pour l’environnement, alors Anne Vignot s’engage à l’abandonner. Mais, ce qu’elle reproche aux « Jardins des Vaîtes », c’est que l’association ne lâchera pas le combat, si le GIEC décide de décliner le projet sous une autre forme. Pas de compromis possible, donc ce que Marie-Hélène Parreaux confirme : « Nous voulons l’abandon du projet d’écoquartier, et que les terres restent des jardins maraîchers. »
C’est d’ailleurs pour cela que Claire Arnoux demande la « sanctuarisation » du lieu, afin qu’aucun travaux ne soit entrepris tant que la consultation des riverains n’a pas lieu. Puisqu’il est impossible de changer le plan local d’urbanisme, d’ici 2021. Une garantie qu’elle n’a pas obtenue. Pour rappel, les travaux sont suspendus sur la zone d’aménagement concerté (ZAC) jusqu’à la prochaine décision du tribunal administratif de Besançon.
Anne Vignot réitère sa démarche : « Nous allons suspendre les travaux tant que le GIEC et les instances participatives regroupant les habitants de Besançon et du Grand Besançon ne seront pas consultés. » Ouverte au dialogue, la maire se dit prête à recevoir l’association « France Nature Environnement 25-90 » qui avait aussi eu recours à la justice, aux côtés des « Jardins des Vaîtes. »
L’arrêt des travaux et la « sanctuarisation des terres »
C’est justement cette zone d’aménagement concerté (ZAC) qui pose question pour l’association des Jardins des Vaîtes. Si les travaux ne peuvent reprendre sur cette partie du projet des Vaîtes, il est possible que les constructions s'établissent au-delà de cette zone. Car le terrain de la déclaration d'utilité publique (DUP) est plus grand que le terrain de la ZAC. Ainsi, selon l’association de riverains, l’école qui est prévue en dehors de la ZAC, mais qui est dans la DUP, pourrait encore être bâtie. En revanche, le chemin d’accès à cette école qui se trouve dans la ZAC, et ne pourra être construit.
D’après Claire Arnoux, la maire de Besançon ne souhaite pas revenir sur ce bâtiment. La présidente de l’association déplore les dégâts environnementaux : « Cette école sera érigée sur des terres de maraîchages, à haute valeur agronomique. » Car, pour elle, l’édification de l’école laisse craindre une reprise du projet d’écoquartier.
Les occupant.e.s : les grands absents ?
« La vigie bloque les discussions », déclare la maire de Besançon. Anne Vignot brandit le « rapport de force presque physique » posé par les occupant.e.s, quand elle souhaite le « dialogue ». Les échanges entre la maire et la « vigie des Vaîtes » se limitent à des mails. Si les militant.e.s invitent l’élue écologiste à venir à l’assemblée générale, Anne Vignot décline : « Ce n’est pas dans mon périmètre. Je souhaite un débat démocratique, une discussion avec les citoyens, ceux qui m’ont élue comme ceux qui ne m’ont pas élue. » Elle qui est allée deux fois à la rencontre des occupant.e.s se rémémore : « Le dialogue n’y est pas serein ».
Ce n’est pas la vision qu’a Alex, résident aux Vaîtes : « Démonter la vigie, c’est une pression directe qu’on nous impose avant tout dialogue. » En face d’elle, pas de prérequis demandé à la maire d’après lui, si ce n’est la confrontation à l’assemblée générale pour « s’adresser à l’ensemble des gens qui résident aux Vaîtes ». Le jeune homme s’est installé sur le terrain, pour un retour à une vie simple. Il souhaiterait que Besançon soit « la première ville à encourager ces expériences sociales. »
Dans ce dossier du projet d'écoquartier, on peut constater que le dialogue s’établit doucement, sans évolution possible. Tous s’accordent sur une date : septembre, quand les dossiers seront plus consistants ; la mairie souhaitant regrouper des données scientifiques et aussi financières. Entre les opposants à l’écoquartier et Anne Vignot, le compromis semble pour l’instant impossible, car plusieurs visions s’opposent. Construire ou ne pas construire, telle est la question.