Anne Vignot, première maire écologiste de Besançon (Doubs), récupère un projet explosif : celui de l'écoquartier des Vaîtes. Les militants d'Extinction Rebellion et d'Action-Non-Violente Cop21 occupent les terrains pour s'opposer à la « bétonisation » que représenteraient les 1100 logements.
C'est le dossier épineux que récupère Anne Vignot, nouvelle maire écologiste de Besançon. Un écoquartier prévu sur le secteur des Vaîtes rencontre l'opposition des riverains, mais aussi d'Extinction Rebellion et d'Action non violente Cop21.
Depuis le 17 juin 2020, les militants des deux associations écologistes occupent le terrain, pour contester le « projet de bétonisation massif ». La zone s'aménage et devient petit à petit un lieu de vie, voire une ZAD (zone à défendre) à l'image de Notre-Dame-des-Landes ... Retour en cinq questions sur les Vaîtes.
Qu’est-ce que les Vaîtes ? Qu’est-ce que le projet d’écoquartier ?
La Mairie de Besançon et son aménageur partenaire Territoire 25 souhaitent exploiter cet espace pour y construire un écoquartier. Dans le projet officiel, 23 hectares de terrain seraient utilisés pour la zone d’activité concertée (ZAC). Il y aura 7 hectares constructibles, consacrés à 1150 logements pour 3.000 Bisontins. 7 autres hectares seront dédiés à la voirie, dont le tramway. Ils ne seront pas artificialisés (voies enherbés de tramway, zones ensablées …). La zone humide concernerait, quant à elle, 2x1,5 m², et 14 arbres.
Pourquoi le projet est-il contesté par les riverains ?
Les travaux ont commencé fin janvier 2019. Le Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) a rendu un avis défavorable au projet en février 2019, estimant que les mesures pour préserver les espèces protégées et leurs habitats s’avéraient insuffisantes :
La Préfecture du Doubs avait alors suspendu les travaux … qui ont repris fin mars 2019, après les précisions de Territoire 25 sur le projet, face aux interrogations du CNPN. Les associations « Les Jardins des Vaîtes » et « France nature environnement 25-90 » ont alors déposé un recours face à cette reprise du chantier. Le référé du tribunal administratif de mai 2019 leur avait alors donné raison en ordonnant la suspension des travaux. La ville par l’intermédiaire de Territoire 25 s’était aussitôt pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat, pour espérer continuer la construction. La décision sera connue fin juin.Les impacts du projet semblent minimes mais sont mal jugés en ce sens qu'ils ne hiérarchisent pas suffisamment les espèces impactées : batraciens, chiroptères notamment. Les mesures de réduction visent trop souvent à détruire les espèces et les espaces naturels et les remplacer par des habitats artificiels (reconstituer les lisières et zones refuges, capture et transfert de batraciens, arbres à cavités abattus et installation de nichoirs, mares de remplacement...). Les mesures compensatoires ne sont pas suffisantes, elles ne sont pas proportionnées aux destructions d'espèces protégées et des habitats ; en regard de 23 hectares détruits et 15 hectares au moins d'espaces naturels, il est proposé à peine 2 hectares de compensation. Par ailleurs, les engagements sont plus des intentions que des mesures planifiées dans le temps avec un budget clairement alloué.
Pourquoi y a-t-il une occupation ?
Dans ces terrains vides, ont alors émergé un potager, une cuisine, des toilettes sèches … tout le nécessaire à la vie sur les lieux. Cette occupation illégale se revendique de la désobéissance civile. L’action est pacifique. Les Vaîtes se transforment peu à peu en un lieu alternatif. Mais, c’est surtout la vigie qui est le symbole de l’action des deux associations écologistes. Une « tour de guet » s’est alors érigée dès le premier jour. Plus difficile à déloger, et aussi un moyen de rappeler que les militants veillent sur le terrain et surveillent les possibles interventions de la police. « Une zone à défendre, donc une ZAD », s’exclamait Lou d’Extinction Rébellion Besançon.
Que propose la nouvelle maire Anne Vignot ?
Anne Vignot, la maire de Besançon, coalition EELV-PS-PCF-Géneration.s a promis la mise en place d’un « GIEC local », pour décider de concert avec les citoyens, du futur de l’écoquartier des Vaîtes. Elle l’a réaffirmé le 28 juin 2020, juste après l'annonce de sa victoire : les décisions ne pourront être prises sans avoir consulté les habitants.
Ce que j’ai promis, c’est de réunir un groupe de scientifiques et d’experts qui reprendra l’ensemble des études, l’ensemble des conclusions avec les objectifs qu’on s’était donnés. L’idée, c’est de réunir les citoyens de Besançon et du Grand Besançon et de faire en sorte que l’on puisse travailler objectivement sur ce dossier-là.
Cependant, au fil de la campagne, Anne Vignot n’a pas déclaré son intention de vouloir revenir sur le projet d’écoquartier. Elle souhaite le modifier, le retravailler. Les logements seraient ainsi essentiels à la ville de Besançon, et permettraient d’éviter l’étalement urbain. Ce qu’elle affirme le 6 mars 2020 :
Une chose est certaine: on le révisera pour que l'exigence écologique soit respectée. Pour autant, on continuera à envisager des constructions le long du tram pour ne pas provoquer des étalements urbains.
Dans son programme détaillé « Besançon par nature », la proposition 47 concerne Les Vaîtes : « Revisiter le projet des Vaîtes (développement de l’écoquartier le long du tramway, bâtiments avec performance énergétique et accès à des logements à loyers modérés) avec une prise en compte plus exigeante des enjeux environnementaux (restauration de la zone humide, amélioration des écoulements, compensation de l’habitat de la flore et de la faune…). » Il y a aussi la volonté de « faciliter l’installation de micro-fermes pour consolider leur réseau » et « veiller à la pérennité de celle installée aux Vaîtes. »
Que changerait l'élection de la maire écologiste pour les militants et l'occupation contre l'écoquartier ?
Pas grand-chose, pour l'instant. « Il ne suffit pas de mettre vert et écologie sur un programme pour être écolo … Il faut rester vigilant », répond Charlotte, militante à Extinction Rebellion. L’objectif reste le même : l’abandon du projet d’écoquartier. « Réévaluer le projet, ce n’est pas suffisant, ce n’est pas ce qu’on veut … Anne Vignot a parlé d’un GIEC local. Pour l’instant, j’attends de voir. » Les militants resteront donc présents tant qu’aucune décision ne sera prise. La prochaine échéance ? La décision du Conseil d’Etat … qui se fait attendre. Charlotte l’assure : « On reste sur le qui-vive. »La jeune femme voit dans cette vague verte, un résultat encourageant : « Les Français veulent mettre l’écologie au cœur de leurs préoccupations. » Cependant, elle déplore l’énorme taux d’abstention : « C’est un échec du système électoral. » Et si la désobéissance civile était le seul moyen de retirer le projet, loin des urnes ? Charlotte garde espoir : « J’espère que la désobéissance civile pourra faire une différence, en tout cas, on crée un rapport de force. »
La lutte continue, donc. Le lieu devient une « zone à défendre » ou une « zone à protéger », selon les mots de Charlotte. « De plus en plus de personnes rejoignent l’occupation, et différentes générations et luttes se mélangent », s’exclame la jeune femme. Le potager devient de plus en plus fourni. Les visites des terrains maraîchers s’organisent, avec l’association « Les Jardins des Vaîtes ». Une kermesse, puis des formations de désobéissance civile, ou juridiques, s’ajoutent au programme. Charlotte le rappelle : « On commence à s’organiser. On est déterminés à rester ».