Beaucoup disent que les espaces verts de Besançon (Doubs) sont mal entretenus. Pourtant l’intérêt de laisser les herbes grandir à chaque coin de rue répond à une autre logique que nous explique le directeur de la biodiversité de la ville.
Des herbes hautes aux pieds des murs, des cimetières non-entretenus et certains espaces verts pas tondus. Voici le visage actuel de la ville de Besançon. Une ville verte où on laisse les fleurs et les herbes grandir. Une « ville-nature » comme on en voit en Allemagne ou en Suisse. Zurich étant un bon exemple.
Chacun jugera si c’est beau ou pas mais au service des espaces verts de la ville de Besançon on avoue volontiers que les courriers d’habitants insatisfaits sont nombreux. « C’est un manque de respect pour nos défunts », « c’est sale et abandonné ».
En réalité, Besançon a débuté une expérimentation il y a déjà quatre ans. Rien à voir donc avec l’étiquette politique d’Anne Vignot, maire écologiste de la ville.
La gestion différenciée
Besançon fait ce qu’on appelle de la « gestion différenciée », c’est-à-dire laisser la nature reprendre ses droits tout en la maîtrisant pour préserver et favoriser les insectes pollinisateurs. « La ville mène plusieurs projets qui participent au renforcement de la biodiversité urbaine et qui apportent abris et nourriture à de nombreux insectes. Ces zones contribuent à la réduction de la pollution atmosphérique, favorisent l’infiltration des eaux et réduisent les effets des îlots de chaleur urbains » précise la ville dans un communiqué.
Les jardiniers ont par exemple préparé le sol et semé de la prairie fleurie aux abords de la rue de Dole. « Ces fleurs constitueront de nouvelles zones refuge pour la biodiversité. Mais certains secteurs comme les ronds-points, intersections et bords d’allées piétonnes, sont traités en priorité pour des raisons d’usages et de sécurité » poursuit le communiqué.
La météo favorise la floraison
« Cette année, la météo exceptionnelle fait qu’on se rend compte que les espaces ne sont pas toujours tondus. La floraison est renforcée, les herbes poussent plus vite et en abondance et nos équipes ne peuvent pas intervenir tout de suite » explique Samuel Lelièvre, directeur de la biodiversité et des espaces verts à Besançon.
Pour favoriser les insectes pollinisateurs il existe deux actions possibles. « Supprimer les produits phytosanitaires, c’est ce que nous avons fait, et laisser la plante réaliser son cycle. On doit la laisser pousser puis tomber en graine avant de couper ou débroussailler » explique Samuel Lelièvre.
Des cimetières envahis d’herbes
« Je ne trouvais pas la tombe. J’ai cherché pendant au moins une heure » témoigne Bernard. « C’est moche ».
Au cimetière des Chaprais à Besançon, les tombes sont noyées dans la verdure. Les services de la ville ont en charge les grandes allées mais le reste doit être entretenu par les familles. « Les espaces inter-tombes doivent être entretenus par les concessionnaires eux-mêmes et le problème est surtout là. Au cimetière des Chaprais, une pancarte est installée à la sortie. Elle indique pourquoi les herbes sont grandes mais peu de monde la lit » renseigne Samuel Lelièvre.
Les directions Voirie et Espaces verts testent également le fleurissement naturel des pieds de murs des écoles et de bâtiments publics en profitant des travaux de réfection de trottoirs. La première expérimentation est actuellement menée le long de l’école des sapins dans le quartier de Saint-Ferjeux.
Enfin, dans les quartiers Montrapon, Villarceau, Vieilles Perrières, Saint-Ferjeux, Près-de-Vaux, Saint-Claude, Clairs-Soleils et Vareilles, les services Voirie Propreté et Espaces verts appliquent la gestion différenciée de certains trottoirs.
« Les indicateurs sont bons »
Le confinement du printemps 2020 a révélé que sans intervention humaine, de nombreuses plantes à fleurs colonisent les interstices des trottoirs, comme les roses trémières, les onagres. La ville a donc voulu continuer cette année encore.
Cette flore spontanée participe ainsi à la bonne qualité de l’environnement urbain tout en apportant abri et nourriture aux insectes. Elle crée alors un corridor végétal entre les jardins et les parcs et participe au fleurissement naturel.
Cette expérience permet également de réduire la consommation de gaz des désherbeurs thermiques et d’essence via les débroussailleuses.
« Je peux comprendre que certains trouvent cela moche mais la beauté c’est subjectif. Est-ce qu’une plante est sale en soi ? Une canette, un sac en plastique oui mais pas le végétal » conclut Samuel Lelièvre. « Quant aux agents des espaces verts de la ville, ils ont plus de travail qu’avant car il faut entretenir les vivaces et effectuer du désherbage sélectif ».