Besançon : Des soignants et des citoyens manifestent pour l’hôpital public et les professions médicosociales

Entre 1400 et 2000 personnes se sont réunies ce mardi 16 juin 2020 pour soutenir les professions médicales et médico-sociales, dans les Ehpad comme dans les foyers spécialisés. Les manifestants alertent sur le manque de moyens et de reconnaissance de leur métier.

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« Du fric, du fric, pour l’hôpital public », scande la foule à Besançon. Ce mardi après-midi, plus de 2000 personnes selon les organisateurs (1400 selon la Préfecture) se sont retrouvées Place de la Révolution pour manifester. Des blouses blanches, bleues, jaunes, qui réclament plus de moyens, dans le médical et le médico-social. Et aussi, des jeunes, des vieux, des proches qui apportent leur soutien, et témoignent leur reconnaissance au personnel soignant.

Psychologues, aides-soignants, infirmiers, médecins … Les discours s’enchaînent, et le cri d’alarme est le même : il faut prendre en compte tous les métiers de la santé, trop longtemps délaissés par les pouvoirs publics. Une manifestation qui retentit sur tout le territoire, alors que la concertation pour l’hôpital public lancée par le ministère de la Santé (« Ségur de la Santé ») se déroule en ce moment même.

Une minute de silence

Avant de lancer la marche, la manifestation aura été marquée par le discours du neurochirurgien Laurent Thines, du CHRU de Besançon. Le médecin monte sur l’estrade, sous les acclamations de la foule. Epinglé sur son torse, un dessin d’une médaille, en référence à la décoration qu’Emmanuel Macron souhaitait offrir au personnel soignant.

« Cette manifestation est très belle, mais il en faudra d’autres, malheureusement », lance le chef du service de neurologie de Besançon. Il fait promettre à la foule de revenir à la rentrée pour soutenir les soignants. Car les décisions du Ségur de la Santé ne seront connues qu’en juillet, juste avant les vacances. Puis, le silence saisit la foule. Laurent Thines, à la fin de son allocution demande une minute d'hommage aux personnes décédées dans le cadre de leur fonction, pendant la crise sanitaire.

 

Karine, aide-soignante dans un foyer en Haute-Saône : « 4 centimes en huit ans »

Karine travaille dans un foyer qui prend en charge des adultes en situation de handicap, à Valay en Haute-Saône. « Nous demandons une revalorisation de nos salaires, et une reconnaissance de notre travail », énonce-t-elle, de sa voix grave. Au quotidien, la quadragénaire travaille de 7 heures à 22 heures, et au moins un week-end sur deux. Elle n’a pas de congés trimestriels. Enervée, elle lâche : « On ne veut pas de médailles, parce que les médailles, on s’en fout. Ce qu’on veut, c’est un salaire décent. »

Entourée de ses collègues du médico-social, « les oubliés du système », Karine raconte : « On a l’impression que les autorités, le gouvernement, le département, nous oublient. La preuve, c’est qu’il n’y a eu qu’une hausse de 4 centimes par point en huit ans dans le médico-social ». Difficile pour elle, de vivre avec 1350 euros, chaque mois : « Les loyers augmentent, et le prix de la nourriture devient exorbitant. Au quotidien, on cherche des petits boulots par ci par là, pour arrondir les fins de mois ... » La voix tremblante, mais le sourire aux lèvres, l’aide-soignante reprend sa pancarte et part manifester avec ses collègues.

Georges et Chloé, père et fille à la manif’

« J’ai une dette vis-à-vis du personnel soignant », énonce Georges Huc. Le septuagénaire a survécu au covid-19, après six semaines à l’hôpital, dont dix jours dans le coma. Regardant les centaines de personnes autour de lui, Georges Huc dit venir soutenir les blouses blanches : « Ils ont raison de manifester, car ils ne sont pas traités comme ils devraient l’être. »

A ses côtés, sa fille Chloé, qui gère un restaurant à Besançon. Sensibilisée aux questions médicales et médicosociales avec ses clients soignants, elle déclare ne pas avoir applaudi pendant le confinement : « J’étais en colère, parce que la situation dans laquelle nous sommes est le résultat de beaucoup d’années de dégradation … Applaudir, c’est facile, mais manifester, c’est un engagement plus fort. » Endettée, comme la plupart des restaurateurs, Chloé lance une bouteille à la mer, un appel à la mobilisation : « Les citoyens français, quel que soit leur profession, ou leur statut social, doivent comprendre que le monde doit changer, et il ne changera pas en applaudissant sur les balcons. »

Aline et Sofia et leurs collègues, aides-soignantes dans un Ehpad du Doubs

« On veut faire notre travail du mieux possible, dans les meilleures conditions, mais on manque cruellement de moyens, de personnel », détaille Aline, 47 ans. La crise sanitaire a mis un coup de projecteur sur sa profession, mais le manque de moyens s’est fait ressentir, bien avant le coronavirus. « Dans les Ehpad, on a toujours été là, avant le covid, pendant le covid, après le covid, et où en sont toutes les promesses annoncées depuis des années ? », demande la quadragénaire. Au quotidien, le métier est difficile – en sous-effectif, pour son travail, elle doit aussi encadrer des élèves en formation. Sa crainte est de ne pas voir de relève, et que la profession soit laissée à l’abandon.

Pour Sofia, le manque de personnel vient de la pénibilité du travail : « On travaille les jours fériés, et un week-end sur deux, et parfois on fait des semaines de 70 heures, pour un salaire qui n’est pas très élevé … Ce n’est pas du tout attractif. » Ses collègues et elle ne réclament pas tant une hausse des salaires, mais plutôt de recruter des personnes. La jeune femme évoque son engagement au quotidien : « Je travaille pour mes résidents. Mes jambes sont leurs jambes, mes bras sont leurs bras, mes yeux sont leurs yeux. Des soignants fatigués, ce sont des soignants qui ne font pas bien leur travail. »

Ce manque de moyens, rend la vie de tous les jours compliquée pour le personnel comme pour les résidents, et c'est ce que dénonce Sofia : « Dans d’autres Ehpad, il n’y a parfois que trois personnes pour s’occuper de 70 résidents. Ils n’ont pas de linge et font des toilettes avec des chaussettes. C’est inadmissible. »

 Pour la jeune femme de 30 ans, les logiques d’économie et de budget ne peuvent pas se superposer à son métier, au service public. « Notre profession est dans l’humain et l’Etat nous demande de faire du chiffre. Ce n’est pas compatible », s’indigne-t-elle. Les yeux pétillants, Sofia rappelle la raison de sa présence : « J’adore mon travail. C’est une vocation et je ne ferai rien d’autre. Mais, j’ai cette hargne en moi de me dire que ce n’est pas reconnu à sa juste valeur. »

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