À 30 ans, la para athlète Gwendoline Matos participera à ses premiers Jeux paralympiques dans quelques jours, avec l'équipe de France féminine de goalball. Un moment que la jeune femme de Besançon (Doubs) attend depuis des années, elle qui a construit sa vie autour de ce rendez-vous.
Elle en rêvait, elle y sera. Dans l'écrin de l'Arena Paris Sud 6, elle portera bien le maillot tricolore lors des Jeux paralympiques de Paris 2024. Une tunique frappée du 7, un numéro pas choisi au hasard. 7, car la septième lettre de l'alphabet est le "G" de Gwendoline, son prénom. Mais aussi la première lettre de deux mots qui lui tiennent à cœur et qui définissent sa vie : "la gagne et le goalball" annonce-t-elle fièrement.
À 30 ans, Gwendoline Matos est à un tournant de sa jeune existence. Celle qui a grandi dans le Jura et habite actuellement à Besançon (Doubs) s'apprête à réaliser son souhait le plus cher depuis son enfance, autour duquel elle a bâti ses sept dernières années : participer à des Jeux paralympiques, qui plus est à Paris.
"Mon rêve numéro 1"
"C'est mon rêve numéro 1, mon premier objectif" nous répète-t-elle mardi 30 juillet. Ce jour-là, nous sommes allés la rencontrer au gymnase des Orchamps, à Besançon. C'est là que Gwendoline s'entraîne au goalball en prévision des Jeux. Nous découvrons un sport qui, nous l'avouons, nous est encore inconnu : deux équipes de trois joueuses, défendant trois petites cages mises bout à bout et lançant un gros ballon sonore. Avec, et c'est notable, un masque sur les yeux.
C'est un sport paralympique méconnu, spécialisé pour les non-voyants et malvoyants. On porte tous des masques, pour être en cécité totale. Et le bruit dans les ballons, ce sont des grelots, qui nous aide à localiser le ballon à l'écoute.
Gwendoline Matos,joueuse de l'équipe de France féminine de goalball
Le but : marquer en faisant rouler la balle dans les cages adverses. Un mélange de handball et de bowling, devenu le quotidien de Gwendoline Matos. "J'ai découvert ce sport en 2016, dans un établissement spécialisé pour personnes malvoyantes" raconte-t-elle. "Avant, je faisais du torball, un sport similaire, mais pas paralympique. C'est pour ça que j'ai changé".
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L'objectif Paris 2024, elle l'avait déjà en tête. Rien d'étonnant, alors que le sport rythme sa vie depuis toute petite. "Depuis bébé, je ne reste pas en place" s'amuse-t-elle. "Enfant, mes parents me punissaient en m'obligeant à rester assise". À l'âge de 7 ans, ce fort caractère aurait pu se briser après la détection d'une maladie génétique rare de la rétine.
Un départ précoce loin de sa famille
"J'ai perdu petit à petit ma vue. Actuellement, j'ai moins d'un 10ᵉ à chaque œil" explique-t-elle. "Dans mon école primaire, à Lect, dans le Jura, cela s'est plutôt mal passé. J'ai subi pas mal de moqueries et j'ai décidé, à 10 ans, de partir à Besançon dans un internat spécialisé".
Alors qu'elle n'est même pas rentrée au collège, Gwendoline part donc dans le Doubs. "J'étais jeune" se souvient-elle. "Je ne voyais ma famille que les week-ends. Ça a été difficile, mais je me suis accrochée. De toute façon, j'ai toujours eu un gros caractère". Un exil salvateur : Gwendoline, accompagnée, surmonte les bouleversements provoqués par son handicap... avec le sport, comme façon de repousser ses limites, et de gagner en confiance.
La pratique sportive m'a permis de me challenger, de toujours me fixer des objectifs, de me pousser vers le haut. Sur un terrain, je suis une athlète à part entière, il n'y a plus de handicap, on est toutes pareilles.
Gwendoline Matos,joueuse de l'équipe de France féminine de goalball
Revenons au goalball. Après sa découverte en 2016, la Jurassienne décide de "rejoindre l'aventure à fond" et s'inscrit à l'Association Sportive et Culturelle des Centres de Bregille (ASCCB) de Besançon. S'ensuit une progression fulgurante. La Franc-comtoise découvre l'équipe de France l'année suivante et participe à ses premiers championnats d'Europe, en division B.
En 2018, elle rencontre Charlotte Vidalot, qui deviendra sa coach à Besançon et en équipe de France. "Quand j'ai rencontré Gwen, ce qui m'a marqué, c'est son mental" explique l'entraîneuse de 32 ans. "Elle ne se laisse pas faire, et sait où elle va. C'est une bosseuse, qui a fait des efforts assez dingues pour se donner le droit d'atteindre ses rêves".
Un emploi du temps draconien
Par là, Charlotte aborde le programme drastique auquel s'astreint Gwendoline. "Je respire goalball, je mange goalball, je dors goalball, ma vie est goalball" s'exclame l'athlète en riant. Dans le détail, en plus de la quinzaine d'heures qu'elle consacre à son sport par semaine, en club ou en session individuelle, Gwendoline Matos part souvent les week-ends en stage ou en compétition avec l'équipe de France. Un emploi du temps rendu possible par un poste adapté au service des sports du département du Doubs, qui lui permet de ne pas s'éparpiller.
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De plus, elle s'est attachée les conseils d'un préparateur physique et fait attention à son alimentation et à son sommeil. Sans oublier les séances de musculation qu'elle s'impose. "C'est assez fou" reprend Charlotte Vidalot. "Au goalball, les joueuses sont amatrices. Mais Gwendoline a un comportement de professionnelle. Elle y met beaucoup de moyens humains et financiers".
Un investissement de tous les instants, dont son compagnon, Gilles Brand, est le témoin privilégié. "On est ensemble depuis 2018, et les JO, c'est un objectif qu'on a en commun" explique-t-il. "Je me suis au goalball pour l'entraîner, je l'ai vu évoluer. C'est une battante. Quand elle a quelque chose en tête, elle n'a pas froid aux yeux. Aujourd'hui, c'est une leader qui a horreur de perdre".
On part un week-end, on prévoit un entraînement. Les compétitions et les stages passent avant tout le reste. Le goalball est omniprésent dans notre vie, donc faire les Jeux à Paris, ce sera magnifique.
Gilles Brand,compagnon de Gwendoline
Aux Paralympiques, Gilles sera bien entendu présent pour supporter Gwendoline. Comme ses parents, sa famille et ses proches. "Tout le monde sera à fond derrière nous, ça va être unique" se projette Gwendoline avec émotions. "Un peu comme aux Jeux olympiques, où l'ambiance était incroyable. Je me vois déjà sur le terrain, chanter la Marseillaise...".
La médaille dans un coin de la tête
Et d'un point de vue sportif, quelles sont les chances de cette équipe de France féminine de goalball ? "Quand j'ai rejoint les Bleues, on était 42ᵉ mondiale" explique Charlotte Vidalot, entraîneuse de Gwendoline. "Et aujourd'hui, on est 18ᵉ, tout en étant monté en Division A. On est en pleine progression. On sait qu'on sera loin d'être favorite. Mais avec le public, avec l'ambiance, pourquoi pas une médaille ?".
C'est aussi le rêve secret de Gwendoline, qui voit le moment tant attendu s'approcher. "Je ne réalisais pas trop" avoue-t-elle. "Et puis là, avec les JO, les athlètes, les podiums... C'est fou. Je sais très bien que je vais stresser, je stresse à chaque match. Mais une fois que j'ai lancé mon premier ballon, c'est parti".
Il sera alors temps de voir tout le chemin parcouru par la Doubiste. L'enfant qui était partie de son foyer pour vivre le mieux possible avec son handicap est aujourd'hui une athlète accomplie, leader de la sélection nationale de goalball et meilleure marqueuse de la saison en championnat. Que demander de plus ? Une médaille olympique pardi ! Gloire à la numéro 7 !