"Thérapeutes autoproclamés", conférences sur le jeûne, médecin interdit d'exercer... Des chercheurs dénoncent le salon Bio & Co

Le salon Bio & Co aura lieu à Besançon du 12 au 14 avril. Un événement qui inquiète certains élus locaux et scientifiques, qui craignent une promotion de médecines "alternatives" et des tribunes à des idées "complotistes".

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C'est un salon qui doit ouvrir ses portes au parc des expositions Micropolis, à Besançon, du 12 au 14 avril. "Bio&Co s'avère le lieu idéal pour s’informer et trouver des réponses concernant l’alimentation, la santé, l’écologie" décrit le dossier de presse de l'événement. Cours de naturopathie, bijoux thérapeutiques ou encore pratique du jeûne sont au programme de cette dix-septième édition. Un salon pour lequel certains élus et scientifiques s'inquiètent d'une confusion des genres.

Ces trois jours feront la part belle à des exposants et conférenciers que l’on peut objectivement taxer de charlatanisme, proposant des traitements fondés sur des pseudo-sciences

Collectif de chercheurs du laboratoire chrono environnement

Courrier à Christine Bouquin, présidente du département du Doubs et de la SEM Micropolis

Parmi les stands et les conférences proposées, des producteurs d'huile d'olive, de miel ou de vin, des adoucisseurs d'eau : "Ce genre de salon pose au moins trois problèmes soulevés par les scientifiques : la promotion de thérapies alternatives qui sont dangereuses directement ou indirectement en détournant le public de la médecine classique [...] L'amalgame malheureusement trop fréquent entre agriculture biologique et pseudo-sciences [...] La tribune offerte à des conférenciers ouvertement complotistes", réagit l'association "à gauche citoyen", basé dans le Doubs.

Henri Joyeux, conférencier polémique

En cause notamment, la venue du professeur Henri Joyeux, ancien chirurgien cancérologue. Ce dernier est sous le coup d'une interdiction d'exercer la médecine depuis le 1er janvier 2024, à la suite de pétitions lancées contre certaines pratiques vaccinales, comme le décrit Le Monde. Une information judiciaire a par ailleurs été ouverte pour son implication dans des essais clandestins sur la maladie de Parkinson et d'Alzheimer, réalisés au sein de l'abbaye Saint-Croix de Poitiers

C'est l'un des thèmes qu'Henri Joyeux abordera à Besançon ce week-end. "Évitez Parkinson et Alzheimer !" promet la conférence, au programme le vendredi. 

Interdit d'exercer, le professeur Joyeux peut-il pour autant donner des conférences sur des questions médicales ? "C'est une très bonne question, que l'on n'arrive pas à trancher", réagit le docteur Frédérique Nassoy-Stehlin, présidente du conseil départemental du Territoire de Belfort de l’Ordre des médecins et vice-présidente de la section santé publique du conseil national de l’Ordre. Celle-ci a participé à la réalisation d'un rapport sur "les pratiques de soins non conventionnel et leurs dérives"."On voit une explosion des signalements suite à ces pratiques" ajoute la praticienne. 

"Il y a des exposants ou conférenciers qui sont tout à fait honorables"

"On a choisi de ne pas signaler ce salon, car il est grand public"  précise Frédérique Nassoy-Stehlin. On ne soutient pas pour autant ce genre de salon, car il donne une tribune à des thérapeutes autoproclamés ou à des personnes qui ne délivrent pas le bon message sur le plan médical. Il faut garder en tête que toutes ces pratiques peuvent avoir un intérêt en termes de bien-être, mais ne remplacent pas un suivi médical. Je recommande aux personnes qui y ont recours de ne pas le cacher, et de le signaler à leur médecin" conseille-t-elle.

"Certainement, il y a des exposants ou des conférenciers qui sont tout à fait honorables", réagit Gilbert Klein, président fondateur du Cercle laïque pour la prévention des phénomènes sectaires à Vesoul. "Le problème vient du fait que certains d'entre eux, comme le professeur Joyeux, ont des démêlés disciplinaires avec l’Ordre national des médecins". 

"Le but n'est pas d'empiéter sur la médecine"

Autre intervenant qui inquiète nos interlocuteurs, Fabien Moine, qui se présente comme formateur en santé naturelle, notamment dans différentes écoles de naturopathie. Selon la Miviludes, mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, Fabien Moine avait fait l’objet de trois signalements depuis 2018, comme l'indique un article de l'INA en février 2023

Parmi les conférences qu'il proposera ce week-end, "prévenez les maladies chroniques avec l'alimentation", "Le jeûne, charlatanisme ou cure de jouvence ?". "Sur ma pratique, je comprends que cela interroge, mais cela montre également qu'il y a besoin d'un dialogue", répond Fabien Moine. "Mon activité s'inscrit en complémentarité. Le but n'est pas d'empiéter sur la médecine" assure-t-il.

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"Je comprends les inquiétudes, mais pas de mettre des personnes au pilori"

"On entend beaucoup de choses sur l'écologie, mais beaucoup de gens ne savent pas vraiment ce que c'est", réagit Gudrun Bornette, directrice de recherche au CNRS, spécialisée en écologie aquatique, écologie végétale et zones humides. "Je suis allée au salon les premières années, mais je n'y vais plus" raconte la chercheuse. "Pour moi, il s'agit essentiellement d'une opération marketing : neuf fois sur dix, tout est centré sur le bien-être, mais pas sur les solutions qui auront le moins d'impact. On dit par exemple aux gens que la qualité de l'eau n'est pas bonne, alors que l'on a une des meilleures qualités de l'eau en Europe". 

Joins par téléphone, l'organisateur, Patrick Viot, n'a d'abord pas souhaité nous répondre. Rencontré sur place lors de la préparation du salon au parc des expositions de Micropolis, il répond :"Il n'y a pas d'embrigadement dans ce salon. Je comprends les inquiétudes, mais pas de mettre des personnes au pilori".

Interrogé sur les conférences du professeur Henri Joyeux, il explique que ce dernier "était déjà venu" : "je l'ai invité parce qu'il lie la santé avec l'alimentation et la prévention. Il est éloquent, ses propos passent bien. Pour le reste, je ne suis pas là pour juger". Il s'agace contre un ordre médical "qui protège son pré-carré", estimant que les gens ont trop souvent recours à des traitements médicamenteux : "Les traitements médicaux sont souvent remboursés et donc gratuits. L'alimentation a quant à elle un coût. On se demande parfois qui est la secte", ajoute-t-il. Concernant notamment la pratique du jeûne, il répond que "tout peut être dangereux à l'excès"

Parmi les conférences qui seront données : "Comment transformer les pollutions électromagnétiques en ondes scalaires favorables au vivant ?", "Quelle eau devrait-on consommer au quotidien ?", ou encore "Les métaux lourds : constat, incidences et solutions". 

Contactée, la préfecture du Doubs a par ailleurs indiqué qu'aucune interdiction ou restriction n'allait être mise en place concernant le salon du bio. 

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