"Foire à la souffrance" animale ou "endroit convivial" ? Quand une vente de chiots et de chatons crée la polémique à Besançon

Le 2 et 3 mars 2024, le parc des expositions Micropolis de Besançon (Doubs) accueillera un Salon du chiot, où plusieurs éleveurs du sud de la France viendront vendre plus de 200 animaux. Un événement qui fait bondir les associations de défense du bien-être animal, alors que l'organisateur dénonce un "faux procès".

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"Bienvenue aux familles et aux amis des animaux. Les éleveurs se rassemblent pour exposer les chiots qu'ils ont produits. Venez nous voir". Quelques lignes qui ont mis le feu aux poudres. Lundi 26 février 2024, Le Salon du Chiot publiait sur ses réseaux sociaux un post annonçant la tenue de son prochain événement. Celui-ci aura lieu à Besançon, plus précisément au parc des expositions Micropolis, le samedi et dimanche 2 et 3 mars  : la mise en vente de plus de 200 chiots et chatons au grand public.

L'annonce a très vite suscité de nombreuses réactions. "Foire à la souffrance" animale, événement "misérable", l'association locale de défense du bien-être animale Humanimo a dénoncé un salon "qui ne devrait pas exister" selon Jérôme, un de ses membres actifs. 

C'est un non-sens. Ces animaux auront été trimballés dans toute la France et seront exposés dans un endroit bruyant avec de la musique et des visiteurs pendant tout le week-end. Ce qui n'est pas bon du tout pour leur santé.

Jérôme,

membre d'Humanimo

"Et puis dans ce genre de manifestation, on achète un chiot comme si c'était un jouet" continue le militant. "On est totalement sur de l'achat compulsif où l'on se dit "c'est beau, c'est mignon". Et trois mois plus tard, quand on a découvert qu'un chiot a un coût et demande du temps et de l'attention, l'animal sera abandonné".

À l'heure où la SPA a enregistré un été record, avec plus de 16 498 animaux abandonnés en 2023, Humanimo appelle la mairie de Besançon, qui fait partie des actionnaires publics de Micropolis, à pousser pour une annulation du salon. C'est aussi l'avis de l'Association canine territoriale de Franche-Comté, qui, dans un communiqué publié le 28 mars 2023, critique un salon où règne le "manque d'éthique cynophile".

Ce type d’évènement propose, à la vente, 200 chiots de plusieurs races à la mode. Un salon mercantile, où le bien-être animal n’est pas la première priorité.

Association canine territoriale de Franche-Comté (ACTFC)

L'ACTFC s'interroge également sur la légalité des ventes conclues lors du salon. En effet, depuis octobre 2022, les acquéreurs doivent respecter un délai de sept jours avant l'achat d'un chiot ou d'un chaton. Délai durant lequel ils doivent prendre en compte et signer un certificat d'engagement fourni par le vendeur, dont l'objectif est de sensibiliser les futurs maîtres aux besoins des animaux, afin d'éviter les achats "coup de cœur".

L'organisation victime d'un "faux procès" ?

"Comment les badauds, achetant un chien sur un coup de cœur déraisonné, pourraient-ils avoir signé un tel document 7 jours avant leur visite ?" demande l'ACTFC dans son communiqué. "On nous fait un faux procès" rétorque Francis Duprat, céréalier et éleveur de chiens à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), organisateur de l'événement. "Tout est en règle chez nous, nous sommes même une profession très réglementée".

Nous mettons à disposition un certificat d'engagement à remplir en ligne avant toute venue au Salon du chiot. Comme cela, le client est sensibilisé et peut choisir, ou non, de venir acheter un animal ce week-end.

Francis Duprat,

organisateur du Salon du chiot à Micropolis

Et les visiteurs qui, eux, n'auraient pas rempli le certificat et se rendraient tout de même au Salon ? Seront-ils interdits de tout achat ? "Non", répond Francis Duprat. "Dans ce cas-là, nous attendrons sept jours, ils nous recontacteront et nous enverrons ensuite l'animal à leur domicile".

Alors que la douzaine d'éleveurs exposants vient principalement du Sud-Ouest, le voyage jusqu'à la Franche-Comté ne sera pas optimal pour le chiot ou le chaton. "Nous en sommes conscients" précise Francis Duprat. "Mais nous ne pouvons pas faire autrement. Notre profession a déjà du mal à s'en sortir".

Pour l'organisateur, les éleveurs et vendeurs d'animaux souffrent ainsi du contexte inflationniste. "Les gens n'achètent plus d'animaux" précise-t-il. "On a du mal à continuer nos activités, d'autant plus que les animaleries et magasins n'ont plus le droit d'exposer des animaux dans leurs vitrines. Ces salons, on est obligé de les faire pour vivre".

Entre les lignes, Francis Duprat critique également "une réglementation lourde, mais que pour nous, professionnels, et pas pour les ventes d'animaux entre particuliers, sur les réseaux sociaux ou les plateformes de vente en ligne qui, elles, sont néfastes pour les animaux".

Nous sommes des éleveurs, des professionnels et nous aimons nos bêtes. Nous sommes beaucoup contrôlés et pour le salon, tous les exposants ont un numéro SIRET. Il y aura aussi des contrôles sanitaires. 

Francis Duprat,

organisateur du Salon du chiot à Micropolis

Des arguments qui n'émeuvent pas les associations de défense des animaux. "Nous ne remettons pas en question le travail des éleveurs" reprend Jérôme, d'Humanimo. "Mais vendre des chiots, des chatons comme on vendrait des Playstations, ce sont des pratiques révolues".

L'Association canine territoriale de Franche-Comté (ACTFC) rappelle par ailleurs que Francis Duprat avait été poursuivi pour "faux et usage de faux, pratique illicite de la médecine vétérinaire, importation illégale au regard de l'âge et de la vaccination d'animaux, tromperie sur la qualité" au début des années 2000, avant d'être relaxé en 2015. 

La mairie impuissante

Tous les opposants à la tenue du salon encouragent la mairie de Besançon à "annuler cet événement", alors que la ville défend depuis plusieurs années une politique de défense du bien-être animal. La ville de Millau est citée comme exemple après avoir annulé le même salon les 24 et 25 février dernier.

Mais à Besançon, "nous n'avons aucun moyen d'agir là-dessus" avoue Marie-Thérèse Michel, conseillère municipale et déléguée à la condition animale, faune et flore. "Nous avons découvert cela il y a deux jours et, après avoir exploré les voies de recours possible, on s'est rendu compte qu'il était trop tard".

En effet, si la ville fait bien partie des actionnaires publics de la Société d'Économie Mixte (SEM) qui gère Micropolis, cette dernière reste une entité commerciale "et la mairie n'a pas le pouvoir d'annuler un événement qui s'y déroule", contrairement à Millau, où le salon devait se tenir dans une salle municipale. "Nous n'avions pas connaissance de ce salon" reprend Marie-Thérèse Michel. "Il n'en a jamais été question lors de notre dernière réunion. Autrement, nous aurions pu exprimer notre mécontentement".

Une manifestation anti-salon du chiot

Du côté de l'équipe de Micropolis, "on n'est pas là pour faire du jugement de valeurs" assume Didier Sikkink, directeur général délégué du parc des expositions. "Tout est légal chez mon client, l'enceinte était disponible, donc il n'y a aucune raison légale de ne pas autoriser ce Salon".

Sauf rebondissements, ce controversé "Salon du chiot" se tiendra donc à Besançon, comme en témoignent les affiches annonçant l'événement au centre-ville. L'association Humanimo manifestera elle devant Micropolis samedi 2 mars, pour "dire non au Salon du chiot à Besançon". Marie-Thérèse Michel, conseillère municipale, a d'ores et déjà annoncé à France 3 Franche-Comté qu'elle participerait à ce rassemblement.

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