"Construction illégale" ou "harcèlement écolo" ? Un octogénaire dans la tourmente après des travaux effectués dans une zone protégée

En avril 2024, un homme de 84 ans a effectué des travaux illégaux sur sa maison de pêche à Bouverans (Doubs), dans une zone sous triple protection environnementale. Le maire de la commune a saisi la justice.

C'est une ancienne cabane de pêcheurs, devenue le centre des attentions dans la commune de Bouverans (Doubs). Elle répond au doux nom de "La Sidi", et a été construite en 1932. Avec le temps, le refuge est devenu une petite maison de vacances et domine le lac de l'Entonnoir depuis des dizaines d'années.

Ce point d'eau, qui s'étend sur 74 hectares, est un véritable écrin de nature et de verdure, qui fait partie de la plus vaste surface de marais et de tourbières en France. À ce titre, le lac de Bouverans bénéficie d'une triple protection environnementale : site classé Espace Naturel Sensible (ENS), zone appartenant au réseau Natura 2000 et site protégé par un Arrêté préfectoral de protection du biotope (APPB) en tant que zone humide d'importance internationale.

"Des travaux illégaux, sans autorisation"

Une ancienne cabane de pêcheurs, le long d'un lac aux eaux réputées : quel est le problème ? "Il survient lorsque les propriétaires de la maison font des travaux, sans autorisation, dans une zone protégée" lâche Rémi Débois, maire (SE) de Bouverans. C'est-à-dire ? "Depuis quelque temps, le propriétaire des lieux, qui a racheté la cabane il y a 40 ans, effectue des travaux illégaux, sans autorisation".

On a reçu en 2021 une première déclaration préalable de travaux, qu'on a transmis à la Direction départementale des territoires. Elle l'a refusé. Quelques mois plus tard, même demande, nouveau refus.

Rémi Débois,

Maire (SE) de Bouverans

Quel est le motif de ces refus ? Selon la DDT, "pour des raisons environnementales, il est impossible de construire en ces lieux". "C'est un site naturel qu'il faut préserver à tout prix" clarifie Thierry Moine, responsable de l’unité applications du droit des sols à la DDT Bourgogne-Franche-Comté. "Mais malgré les refus, les travaux ont quand même été faits".

"On me harcèle sans arrêt"

Ce que confirme le propriétaire de la maison en question, qui a accepté de répondre aux questions de France 3 Franche-Comté de manière anonyme. "Dans le détail, on a d'abord installé une cuve pour réceptionner l'eau de pluie, courant 2022" affirme l'homme de 84 ans. "Puis les travaux ont repris en 2024 avec la pose d'une dalle de béton pour maintenir la citerne, posée dans un talus à côté de la maison. Et on a aussi construit un mur de gabions de 3m de haut".

Interrogé sur l'illégalité de sa démarche, l'octogénaire persiste et signe. "Oui, je suis au courant de ces dispositifs de protection. Mais écoutez, dans cette maison, j'ai installé l'eau courante, l'électricité, un système d'assainissement, et ça n'a jamais posé problème" argumente-t-il. "Et là, pour une simple cuve, on en fait toute une histoire".

J'ai tout fait dans les règles, on m'a tout refusé. À mon âge, j'en ai eu marre. Récupérer l'eau de pluie, il n'y a rien de plus écologique. Il faut arrêter. Désormais, on me harcèle sans arrêt à cause de cette histoire. Du harcèlement écolo !

Le propriétaire de la maison de pêche

Les travaux, eux, sont arrivés à leur fin sans encombre. "Quand je suis arrivé sur le chantier, en avril dernier, les ouvriers finissaient la dalle" explique le maire de Bouverans, Rémi Débois. "Ça ne servait à rien d'intervenir. J'ai donc appelé les gendarmes, qui sont venus pour constater tout cela".

Le maire a alors constitué un dossier avec l'aide de la DDT. Il y a quelques semaines, l'édile est donc allé déposer plainte pour "travaux illicites" devant le procureur de la République de Besançon.

Des travaux qui divisent la population

Cette plainte et ces travaux "irréguliers" déchaînent les passions à Bouverans et alentours. Il y a d'un côté ceux qui dénoncent ces constructions arbitraires, "pouvant créer un dangereux précédent et pouvant laisser croire qu'on peut faire ce qu'on veut". Et de l'autre, ceux qui ne voient pas de problème. C'est le cas de Christophe Rousset, président de l'association de pêche des propriétaires du lac.

Y a pas de mal. Au niveau écologique, ils réutilisent l'eau de pluie, ça ne polluera rien. Et puis pendant les travaux, il a remplacé des thuyas et la renouée du Japon, des plantes qui menaçaient de tout envahir, par des arbres locaux. C'est mieux.

Christophe Rousset,

président de l'association de pêche des propriétaires du lac

"Pour nous et pour le lac, il n'y a aucune nuisance" reprend-il. "Sa construction ne dépasse pas sur la chaussée. Ça fait même plus propre qu'avant". Pas de risque écologique ? Nous avons voulu en avoir le cœur net. Pour cela, nous avons contacté l'OFB du Doubs.

"Pas de casse environnementale"

"Nous avons été sollicités sur ce dossier" nous a d'emblée appris l'organisme. "Selon nous, il n'y a pas de casse environnementale. Les travaux ne portent pas atteinte à une espèce protégée, donc pour nous, ce n'est pas une priorité. Le souci est plus en termes d’urbanisme".

C'est d'ailleurs ce que souligne la mairie. "Même s'il n'y a pas d'impact immédiat, laissez faire pourrait donner l'idée à d'autres de construire également comme ils l'entendent" appuie Rémi Débois, édile de Bouverans. "On ne peut pas passer outre les lois".

Le propriétaire, lui, jure qu'il "replantera du gazon sur la dalle" et "qu'il a déjà fait pousser du lierre sur les gabions". Au courant de la plainte déposé par la mairie, il déclare "faire confiance à la justice". "Mais toute cette histoire m'a dégoûté" avoue-t-il. "À mon âge, je n'en peux plus et j'ai développé une allergie à cette maison".

Preuve de la tension qui entoure ce chantier, une caméra a été installée sur les lieux. Plus surprenant, un tag "Macron dégage" a été tracé à la bombe sur une façade. La dalle de béton, elle, a été recouverte par un gazon synthétique.

Contacté par France 3 Franche-Comté, le parquet n'avait pas encore répondu à nos questions lors de la publication de cet article.

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