Depuis ce mercredi 13 mai, des équipes des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) sont chargées d'identifier les personnes ayant été en contact rapproché avec des malades du Covid-19. Dans le Doubs et en Côte-d'Or, une centaine d’agents démarrent un travail de fourmi.
Tester. Tracer. Isoler. Les trois verbes clés de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 désormais en France. Alors que la France est sortie du confinement lundi 11 mai, le décret publié ce 13 mai au Journal Officiel permet aux équipes chargées du « contact tracing » d’entamer leur travail. C'est le cas depuis ce matin à Besançon dans le Doubs.
Dans le département du Doubs, 54 personnels de la CPAM de Besançon et Montbéliard, tous volontaires, ont été formés durant une semaine à cette nouvelle tâche qui les attend. Ils sont agents de prévention, agents d'accueil du public en temps normal dans les bureaux des caisses primaires fermés depuis le 17 mars. Ces personnels ne travailleront pas sur une plateforme d’appels comme on pourrait l’imaginer, mais ils seront tous dans quelques heures en télétravail à leur domicile. Et le téléphone sera leur principal outil de travail.
En Côte-d'Or, ce sont 65 conseillers de l'Assurance Maladie, 535 médecins généralistes et urgentistes des centres hospitaliers et 68 agents de l'Agence régionale de Santé qui composent le dispositif de traçage des patients.
Formation des agents chargés de contact covid aujourd’hui, masqués et motivés #fiersdeprotéger pic.twitter.com/MF3XwdGz2Q
— cpam25 Actu (@cpamdoubs) May 12, 2020
Une application interne « Covid Contact » pour identifier les malades
Vous êtes malade du Covid-19 ?. Vous avez contacté votre médecin, le test est revenu positif. Votre médecin va vous demander votre consentement pour entrer votre identité dans cette base de données destinée à remonter la chaîne de contamination, et éviter au maximum que le virus ne se propage, donnant naissance à nouveau à des clusters. «Le patient infecté est libre de participer ou non, libre de dire si son nom peut être communiqué ou pas aux personnes avec qui il a été en contact rapproché au delà du cercle familial » explique Lilian Vachon, directeur de la CPAM de Besançon. Commence alors le travail des équipes de "contact tracing".
Que vont faire les personnels des CPAM dans la lutte contre le Covid-19 ?
Dès qu’un cas est entré dans l’application «Covid Contact », un agent de la CPAM se verra confier la mission de vérifier d’abord si les personnes que le malade a rencontré, sont bien des cas dits « de contact ».
Exemple : Michel est malade. Il a vu sa cousine Jeannine venue manger deux jours auparavant chez lui.
Jeannine sera un cas contact. Pourquoi ? Car elle a vu Michel 48 heures avant qu’il ne déclenche les premiers symptômes. Ils se sont vus plus de 15 minutes, sans masque, et n’ont pas forcément respecté le mètre de distanciation sociale.
Les agents de l’assurance maladie vont donc contacter par téléphone Jeannine. Une questionnaire va permettre de recouper ou non les éléments. Si Jeannine confirme les information de son cousin, elle sera invitée à se faire tester dans un délai de 7 jours, à s’isoler, un masque lui sera octroyé en pharmacie, un arrêt de travail lui sera prescrit si l’isolement l’oblige à ne plus se rendre au travail. Si Jeannine joue le jeu, tant mieux. Si ce n'est pas le cas, elle pourrait bien contaminer d'autres personnes.
« Dans le Doubs, nous sommes opérationnels pour traiter 30 nouveaux cas de Covid par jour. Car pour un malade, on estime qu’il y a 10 à 20 personnes à recontacter. Cela fait 600 appels à passer par jour. 600 c’est aussi le nombre de tests de dépistage quotidien que nous pouvons réaliser actuellement dans le département » détaille Lilian Vachon.
Le secret médical n’est pas bafoué
A l’heure où certains médecins et des élus à l'Assemblée Nationale, s’étaient inquiétés de ce dispositif d’identification des cas contacts, le directeur de l’assurance maladie du Doubs veut d’abord rassurer. « Tout le dispositif repose sur le libre consentement des personnes. A aucun moment, nous ne sommes dans la coercition. On mise sur la responsabilité de chacun. Tout cela n’a qu’un but : éviter le reconfinement en cas de contaminations massives » explique Monsieur Vachon. Et pour cela, le système de santé souhaite agir vite. « L’enjeu c’est d’être un acteur, dans une course contre la montre en 24 heures. Plus on va vite, plus on brisera les chaines de contamination » ajoute le responsable. Le médecin reste l'interlocuteur de santé.
La CNIL a fait renforcer la protection des données
La CNIL a donné son feu vert au dispositif d'identification des personnes contact, avec des exigences supplémentaire pour respecter la confidentialité des données
Le 8 mai, la CNIL s’est prononcée sur le projet de décret encadrant deux fichiers, SI-DEP et Contact Covid. La CNIL a appelé à des garanties supplémentaires demandant que le décret soit précisé sur plusieurs points, afin de minimiser les données, de limiter les accès aux traitements au strict nécessaire et de garantir les droits des personnes sur leurs données personnelles.
Une protection désormais encadrée par un décret.
« Nos personnels ont l’habitude de collecter des données sur la santé »
Pour Lilian Vachon, le choix de confier cette mission aux agents de l’assurance maladie était logique. « Nos collaborateurs ont l’habitude de gérer de la donnée sensible sur la santé. Ils en sont les garants. Ils travaillent sous le régime du secret médical et du secret professionnel… Nous avons par exemple l’habitude de faire des suivis épidémiologiques sur 34 maladies à déclaration obligatoires (comme la rage, le choléra, la listériose, ndlr). Nous n’avons jamais été mis en défaut sur l’utilisation de données que nous aurions traité » dit-il.
Interviewé par Pourquoi Docteur, Nicolas Revel, le patron de la Sécu s’était voulu lui aussi rassurant. "Les médecins savent très bien que nous traitons au quotidien des informations couvertes par le secret médical et que l'Assurance Maladie est gardienne de ce secret depuis 75 ans !". Et le directeur général de la CNAM d'ajouter que la seule donnée recueillie dans le cadre de ce dispositif, "c'est le test positif à Covid-19, le reste ne nous intéresse pas !".
Pour Nicolas Revel, il s'agit d'une crise sanitaire avec des médecins qui jouent leur rôle de protecteurs de la santé publique en contribuant à casser la chaîne de contamination; le seul moyen de casser cette chaîne, c'est de retrouver les personnes qui ont été en contact avec les malades".
« On s’organise en interne pour une durée de 6 mois »
Dans le Doubs, les agents chargés du « contact tracing » seront actifs 7 jours sur 7, de 8h à 19h. Ils s’attèlent à une mission nouvelle qui pourraient durer des mois. Ou pas.
Lilian Vachon précise que le but est bien avec cet outil, d’éviter un nouveau confinement. Avec 30 malades par jour, et leurs contacts à retrouver, cela restera gérable. 24 agents peuvent encore venir en renfort. Mais si l’épidémie venait à reprendre de plus belle, il est probable que ces équipes appelées par le grand public les « brigades Covid » n’aient plus guère d’utilité. Il sera impossible de déterminer les cas contacts. La seule solution sera un reconfinement pour faire retomber le niveau de l’épidémie à un taux de contagion inférieur à 1.
Les équipes de « contact tracing » permettront aussi rapidement à l’Agence régionale de santé d’identifier rapidement d’éventuels regroupements de cas, des « clusters » dans des écoles, entreprises, collectivités. Et de mettre en place des tests de façon plus ciblée et en nombre.
Toute cette semaine, @cpamdoubs s'est préparé pour assurer ses nouvelles missions dès lundi 11 mai. pic.twitter.com/5tEuolV1vU
— cpam25 Actu (@cpamdoubs) May 10, 2020