Coronavirus Covid-19 : A l’Ehpad de Thise, entre deuil et soulagement pour les familles de résidents

Près de Besançon (Doubs), 15 personnes âgées sont décédées dans l’Ehpad de Thise frappé début mars par l’épidémie de Covid-19. La direction explique maintenir le contact avec les familles. Nous avons pu recueillir ce mardi 24 mars, le témoignage de deux d’entre elles.


Patricia Laboth est la fille d’une résidente de l’Ehpad Vill’Alizé de Thise. Nous avons pu la joindre par téléphone. Sa maman âgée de 83 ans va bien après avoir été infectée par le Covid-19. «Elle se porte comme un charme, j’ai des nouvelles régulières par Skype. Il semble qu’elle serait guérie, asymptomatique » précise sa fille, elle même médecin urgentiste à Dole. Elle mesure bien la chance pour sa maman d’être passée à travers la maladie et d’être vivante. A la date du 24 mars, quinze personnes âgées de l’établissement sont décédées. Patricia Laboth comprend l’angoisse des familles qui s’inquiètent pour leurs parents. Elle pense toutefois « qu’ils sont mieux pris en charge à l’Ehpad que partout ailleurs. Ils n’auront pas plus de soins à l’hôpital. A Thise les médecins viennent sur place. Et puis, aujourd’hui aucune personne âgée de 90 ans ne sera acceptée dans un service de réanimation. Avant le coronavirus on pesait de la même façon les bénéfices et les risques. Faut-il intuber une personne âgée ? A Thise, je le crois vraiment, il n’y a pas de perte de chance.»

Cette médecin, fille de résidente, se pose, en revanche, d’autres questions. L’établissement met-il ensemble les Covid-positifs, comprenez ceux qui ont eu les symptômes et s’en sont sortis ? Gèrent-ils les cas par catégories et donc par étages, ce qui demande de déménager les personnes. Autre question bien légitime. « Puis-je aller la chercher pour la mettre en sécurité chez moi ? Attendu qu’elle n’est plus contagieuse, puisqu’elle a passé le stade des quinze jours après les fièvres. Elle est confinée et je ne peux pas la récupérer. »

"Plus que le coronavirus, je crains le confinement. Et ses conséquences sur le mental ou le psychisme des personnes âgées. Ma mère n'y échappe pas. Elle a besoin de contact, de sortir aussi. Sans un minimum de libertés, elle va s'abimer. Cela oui me fait peur » confie Patricia Laboth.

Le contact s’établit quotidiennement via Skype et « l’aide des soignants à l’intérieur qui fournissent un travail que j’imagine remarquable», précise Patrica Laboth.


Tout a été très vite. Elle est partie en trois jours


Une autre famille de résidents a pu être contactée. Des enfants qui préfèrent rester anonymes. Ils viennent de perdre leur maman âgée de 83 ans. « Tout a été très vite. Elle est partie en trois jours. Elle était bien portante quoique fatiguée. J’ai pu la voir après son décès un quart d’heure pas plus. On m’a fait mettre une combinaison, des gants, j’avais mes propres lunettes. J’étais habillé en scaphandrier. Je sais que j’ai eu cette possibilité que d’autres n’ont pas eu. Je ne suis pas en colère contre l’Ehpad, ils ont été remarquables. J’ai vu des femmes, des soignantes à la limite du suicidaire, peu équipées à mon sens » confie ce proche.


Nous voulons être discrets. Le deuil d’une famille c’est quelque chose qui est difficile


Pour les journalistes de France 3 Franche-Comté il n’y a plus de contact possible avec la directrice de l’établissement. Charlotte Oeuvrard a toutefois enregistré elle-même un message en milieu de journée.

« Bien sûr que la situation que l’on vit est difficile, et grave comme vous avez pu le voir dans les médias. Comme dans tous les Ehpad de notre pays, nous faisons face à une crise sanitaire sans précédent. Cette crise évolue très vite. Toutes les mesures de précaution sont prises depuis le début de l’épidémie sur l’établissement et de façon stricte. Maintenant, on a vraiment besoin de serrer les coudes, mes équipes font un travail exceptionnel. Elles ont tous les équipements nécessaires. Il est essentiel qu’on les laisse faire leur travail correctement. Avec les médecins, nous sommes en lien avec les familles…. On informe les familles à titre individuel quand il y a un décès. Nous voulons être discret. Le deuil d’une famille c’est quelque chose qui est difficile, et cela doit rester personnel » explique la directrice de l’établissement.         
 


Le nombre de morts par Ehpad ne sera plus communiqué désormais


A partir de mercredi 25 mars, on ne connaîtra plus le nombre de personnes décédées à l’Ehpad de Thise. « Il n’y aura plus de décompte par établissement »,vient d’annoncer le porte-parole de la structure Vill’Alizé de Thise. « C’est une décision de l’Agence Régionale de Santé au niveau national. Cela vaut pour tous les Ehpad de France». « Il n’y a pas d’omerta, se justifie Olivier Obrecht, directeur général adjoint de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté. Nous avons simplement une politique de communication très stricte pour ne pas faussement rassurer ni affoler les gens. Quand bien même nous aurions une comptabilisation des morts établissement par établissement, nous ne connaissons pas la cause de tous les décès. » A l’Ehpad de Thise, « seuls trois résidents ont été testés et se sont révélés porteurs du virus », précise-t-il au journal Le Monde. Alors que les morts se multiplient, les établissements hébergeant des personnes âgées peinent à identifier et à comptabiliser les résidents touchés par le virus. Bien souvent, seuls les premiers résidents présentant des symptômes sont testés.

Sur le fait de ne plus communiquer le nombre de décès par établissement, Patricia Laboth estime que « c’est une bonne idée, pour ne pas déprimer tout le monde et parce qu’on ne peut pas définir parfaitement la cause des décès, Covid-19 ou autre». D’autres familles y verront une forme d’omerta peu rassurante. Une réalité nouvelle qui modifie le statut ou la définition même de l’Ehpad. Un lieu pour passer une fin de vie au mieux, il y a un mois encore. Un lieu fermé sujet a bien des interrogations éthiques désormais.


 
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