Artisans, commerçants, chefs d’entreprise sans oublier les experts-comptables, les banques et l’administration : comment réagissent-ils face à cette crise économique sans précédent ? Petit tour d’horizon.
Face à cette épidémie, les réactions d’un individu à l’autre sont très différentes. Elles vont du déni jusqu’à l’angoisse paralysante.
Dans le monde économique, c’est la même chose. Il y a ceux qui stressent pour leur activité et d’autres qui sont partis en mode combat.
"On ne peut pas tout attendre de l’État"
À Besançon, Thierry Biziaux, PDG de Cryla, ne veut surtout pas baisser les bras. Pas question de mettre en chômage partiel son personnel : « Je laisse déjà cette solution à ceux qui en ont vraiment besoin. C’est une question de solidarité. Il faut bosser. Nous, on continue. Après concertation, mes salariés ont tous accepté ou de travailler, avec toutes les précautions nécessaires, ou d’utiliser les heures qu’ils avaient à récupérer ou des congés payés. On ne peut pas tout attendre de l’État. » Et il cite Chanel en exemple, Chanel qui a décidé de payer ses salariés pendant deux mois à ne rien faire et qui a donné également 1 million de dons pour acheter du matériel hospitalier.
«C’est le moment de se serrer les coudes. Je ne dis pas que dans six ou huit mois on n’aura pas de problème, notamment parce qu’on travaille pour l’aéronautique. Mais, pour le moment, aucune banque n’a refusé le prêt garanti par l’État auquel les entreprises ont droit. Pour nous, continuer de travailler, c’est aussi assurer une reprise plus facile quand la période de confinement sera terminée. »
"Il y a une sacrée différence entre la théorie et la pratique"
Ce restaurateur jurassien est beaucoup plus inquiet. S’il a trouvé une solution pour son cuisinier, aidé par son expert-comptable, il se plaint des banques : « Dès huit heures le matin, je suis au téléphone avec les banques et mon comptable. Il y a une sacrée différence entre la théorie et la pratique. Pour les gros groupes, ça marche peut-être tout de suite, mais pour nous, c’est beaucoup plus compliqué. Pour les reports d’échéances, il a fallu que je me batte pendant deux semaines pour que la banque accepte. »
De très mauvaises pratiques sonté agelement relevées : une banque, ou plutôt un salarié de cette banque, a accepté un report d’échéance de trois mois demandé par une entreprise... en facturant 3600 € d’agios. Inutile de dire que c’est totalement illégal. Les faits ont été signalés à la Banque de France.
L’administration mise en cause
Les chefs d’entreprise doivent passer par la Direcct (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi) et son site Internet pour pouvoir placer leur personnel en chômage partiel. Il y a eu beaucoup de couacs ces derniers jours : « Oui, je reconnais de nombreux bugs sur notre site Internet. » raconte Jean Rebeil, directeur régional de la Direcct «Il faut bien comprendre que par rapport à la normale, c’est comme si notre site recevait 700 fois plus de demandes. Tout doit revenir à la normale le mardi 31 mars. Si le chef d’entreprise n’a pas reçu une réponse dans les 48 heures, il peut considérer que c’est un oui tacite à sa demande. »
Certaines demandes de chômage partiel ont été refusées parce qu’elles étaient jugées trop longues : « Quand une entreprise du BTP demande un chômage partiel jusqu’au mois d’août, il lui est refusé. Il est plus normal de faire des durées de deux mois, et de les prolonger si nécessaire. Nous accepterons des prolongations. »
Du côté de l’expert-comptable
Voilà une profession qui ne chôme pas en cette période de confinement ! Non seulement les experts-comptables conseillent les chefs d’entreprise, commerçants et artisans, ils font également les feuilles de paye. Jean-Luc Wolff, expert-comptable, est formel : «S’il y a des erreurs dans les sommes versées , c’est tout à fait involontaire. De toute façon, il y aura des régularisation plus tard. Concernant le chômage partiel, le système va s’améliorer. C’est très complexe pour savoir quelle société y a droit ou pas et cela dépend également du statut du salarié. »
Il s’inquiète pour de nombreuses entreprises à la santé financière déjà fragile ces dernières années, certaines ne se sont toujours pas remises de la crise de 2008.
Il a noté plusieurs attitudes des banques : celles qui jouent le jeu sans problème et acceptent de faire le prêt garanti par l’Etat, celles qui disent oui au report d’échéance et prélèvent quand même l’argent. Et l’attitude la pire de toute, selon lui : celles qui laissent traîner sans répondre au client.
Qu’est-ce que le prêt garanti par l’État ?
Le prêt garanti par l’État peut être d’un montant de 25 % du chiffre d’affaires annuel maximum.Son taux est à 0,25 %. Il peut être remboursé sur une durée maximale de cinq ans et la première échéance de remboursement peut être différée à 12 mois.