COVID-19 : le pari du food-truck dans le Doubs

De nombreux professionnels du secteur de la restauration ont été impactés par le confinement et les restrictions sanitaires. Certains ont tenté d'innover et de se diversifier. Illustration dans le Doubs, où un traiteur s'est reconverti en gérant de food-truck. 

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5h30, Régis Arents descend au sous-sol de sa maison de Vieilley dans le Doubs. Une trentaine de mètres carrés, aménagés sous son lieu de vie, lui servent d’atelier. Il aiguise ses couteaux, taille de petits dés de tomates. « Je prépare une réception pour une dame du village qui part à la retraite, elle a invité ses collègues de travail. J’ai composé et choisi le menu avec elle. »

Depuis quatre ans, Régis est traiteur indépendant. Des réceptions de particuliers comme celle-là, il en enchaîne plusieurs par semaine. « En temps normal, je travaille beaucoup. En plus de ces petits contrats, j’ai aussi des partenariats avec des grosses entreprises de la région ou l’université de Besançon par exemple. »
Mais depuis trois mois, les annulations s’enchaînent. La Covid-19, le confinement, les restrictions sanitaires sont passés par là. « Aujourd’hui, mon activité traiteur se résume à un client par semaine. Avant l’épidémie, j’étais à 5 ou 6 clients, avec parfois des buffets pour une centaine de personnes. »  L’auto-entrepreneur estime une perte de son chiffre d’affaires : « entre 50 et 70%. » Concrètement, depuis le mois d’avril, Régis n’a pu se dégager aucune rémunération. « J’ai seulement eu les aides de l’état : 1500 euros en avril, 1500 euros en mai. » Il a fallu réagir, vite.
 

 

Opération food-truck

À la sortie de son atelier, une drôle de caravane trône dans le jardin familial. Peinture noire, tête de mort blanche. C’est à l’intérieur que Régis s’est inventé un second métier. « Pendant le confinement, je tournais en rond, je cherchais des solutions. Puis un jour, j’ai eu cette idée : acheter un food truck. » Plus qu’un investissement, presque un sacrifice. « Je suis passionné de moto, j’en avais une grosse que j’adorais, j’ai dû la vendre pour pouvoir acheter la caravane et éviter de demander un crédit. »
 


Régis mène sa journée tambour battant. Il est 16 heures. Les mini-fours préparés ce matin sont livrés, la réception de la jeune retraitée peut commencer. Mais pour le traiteur, c'est une deuxième journée qui commence. Il arnache sa caravane à sa camionnette frigorifique et le voilà reparti à travers la campagne. « La journée est loin d’être finie, là j’entame la deuxième partie. Je pars sur un camping avec mon food-truck. » Traiteur le matin, cuisinier itinérant le soir. Ce matin, Régis préparait des entremets de qualité. Ce soir, il fait des frites-paninis. Sous l’œil curieux de touristes hollandais à peine rentrés d’une baignade dans l’Ognon, il installe sa caravane aux abords d’un camping. « Je suis content, le food-truck me permet de diversifier mon activité tout en restant dans le secteur de la restauration, c’est un bon compromis. »  
 


Régis l’admet lui-même : il est plutôt du genre hyperactif. « Ça m’angoissait de tourner en rond. Il fallait que je trouve une autre occupation. » Alors pour lui, la fin du confinement a été le début d’une aventure. Voilà trois semaines qu'il s'est lancé dans son opération food-truck. Il admet : « C’était une nécessité, il fallait trouver une activité complémentaire pour pouvoir vivre bien, normalement. » D’autant que l’avenir reste incertain. « Impossible de prévoir quoi que ce soit. Je ne sais pas s’il y aura de deuxième vague, un nouveau confinement. Alors pour l’instant je limite la casse avec le food-truck, ça marche bien. Je ne peux plus être qu’un simple traiteur, ça ne suffit plus. Je suis encore craintif et je pense que ce sera encore difficile, au moins jusqu’à l’été prochain. »

Un secteur en crise 

Comme lui, de nombreux professionnels du secteur de la restauration ont dû se diversifier, pendant et après le confinement. Vente à emporter, food-truck, vente en ligne… à chacun sa méthode pour réussir à tenir les comptes. Si le plan de sauvetage du gouvernement pour le tourisme et la restauration a été accueilli comme un « ouf de soulagement », le retour à la normale reste mission impossible. À la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) du Doubs, une source en interne confie : « cette réorganisation de l’activité dans les métiers de bouche, ça a concerné presque l’ensemble des acteurs de la région. Personne n’a eu le choix, il a fallu s’adapter. »

Mais attention à ne pas dénaturer le métier, prévient Philippe Feuvrier, président départemental de l’Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH). « La clé de base du métier c’est quand même pas de se réorganiser ! Vous posez la question à une entreprise qui emploie 10 salariés, comment faire pour tout changer ? C’est plus difficile que pour un auto-entrepreneur. »
La crainte ? Que la Covid ait changé les modes de consommation des clients, de façon durable. Pour la quasi-totalité de la profession, la reprise reste un défi. « Sur 1500 établissements qui servent à manger à Besançon, combien ont eu d’idées novatrices ? C’est comme dans un naufrage, vous balancez 3 bouées, il reste 997 personnes qui nagent. Les quelques-uns qui ont innové ont pu se débrouiller, c’est encore très compliqué pour la majorité », conclut Philippe Feuvrier. 

Une quarantaine de paninis plus tard, clap de fin pour la journée marathon de Régis. « Je suis content, on a vendu le double de la semaine dernière. » Il est 22h30, le traiteur itinérant gare sa caravane dans son jardin. En attendant demain, avec l’espoir de faire encore mieux et de s'assurer un revenu. 
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