Covid, gestes barrières et soirées entre amis : la difficile équation des bars à Besançon

Alors que le nombre de cas positifs au covid 19 augmente, en particulier chez les jeunes, la municipalité de Besançon demande aux bars de faire respecter les gestes barrières. Un protocole qui relève parfois de la quadrature du cercle pour leurs gérants, au bord de l’épuisement.

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Des étudiants, rassemblés par dizaines, sans masques, qui se font la bise. La scène, si banale il y a quelques mois encore, est désormais incongrue. Et pourtant, le jeudi 10 septembre, c’est ce que les passants ont pu voir, dans certaines des rues les plus fréquentées de Besançon. En pleine rentrée universitaire, les étudiants ont été nombreux à vouloir fêter leur retour, et les gestes barrières, loin d’être scrupuleusement respectés. Au point où la maire de la ville, Anne Vignot, s’est fendue d’un rappel des règles ce samedi 12 septembre. « Attention » a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse « les gestes barrières doivent être tenus ! », expliquant réfléchir avec le préfet et la maire de Montbéliard à une manière de « renforcer » ces gestes, et à une accentuation des contrôles. 

Il faut dire que ces scènes d’embrassades et de fête, alors que le nombre de personnes positifs au covid augmente dans la région, ont pu choquer. Et alors que les 19-35 ans sont cinq fois plus touchés que les plus de 75 ans, la maire s’interroge « est-ce qu’il faut qu’on envoie la police pour qu’on s’assure que les gestes barrières soient garantis ? Est-ce qu’il va falloir qu’on limite les horaires d’exercice des bars ? ». Si d’autres villes ont déjà fait ce choix, la maire sait qu’il aurait un impact économique lourd sur le secteur « c’est l’ensemble des bars qui risque d’être pénalisé » reconnaît-elle.
 

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Thursday nights in Besançon ?

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- Il y avait du monde dans les rues ce jeudi 10 septembre, soir de rentrée universitaire à Besançon -
 

« Passé 23h, avec un coup dans le nez, le covid, tout le monde s’en fout »


Lorsqu’on leur pose la question, de nombreux gérants de bars le reconnaissent, les gestes barrières, « c’est compliqué ». Beaucoup ont renforcé leurs effectifs, engagé des vigiles ou des personnes supplémentaires pour « tourner » sur les terrasses et rappeler les règles : masque pendant les déplacements, groupes de 10 personnes maximum et distance minimum d’un mètre entre les différents groupes. Mais comme le résume l’une d’entre elle : « il faut être conscients qu’on gère des publics alcoolisés, et ils ont beau être des gens très bien, passé 23 heures, avec un coup dans le nez, le covid tout le monde s’en fout ».

« C’est vrai que c’est difficile » raconte un gérant « je ne le cache pas». Dans le viseur de la municipalité, il ferait partie des établissements où les débordements sont les plus fréquents. A demi-mots, il se justifie : « on a tellement perdu d’argent avec le confinement, c’est compliqué ». Difficile de dire non à répétition aux clients.

Car pour les barmans, faire respecter les gestes barrières, revient souvent à « faire la police ». « On est des lieux de détente, et moi je passe mon temps à engueuler certains de nos clients » résume une gérante. « Quand ce sont des groupes d’amis, comment tu peux respecter les gestes barrières ? » s’interroge une autre.
 

Ils nous ont donné l’autorisation d’espacer les tables, on les a espacé. Mais les jeunes, ils les bougent les tables. Donc il faut retourner leur dire, et ils nous disent - okok, comment on fait ? -. Tout la soirée, je fais des tours, et je les compte. Et je leur dis - Vous êtes 12, vous êtes 13, ça ne va pas, c’est 10 - et ils me demandent - ça change quoi ?- et je dois leur répondre, c’est la règle

Gérante d’un bar à Besançon

 

Des protocoles lourds…


Car si les règles peuvent sembler simple, les faire appliquer jusqu’au bout de la nuit est une autre paire de manche. La Rodia, qui organise deux fois par semaine des soirées concerts avec des artistes, des groupes ou des DJ’s, y parvient. Sur sa terrasse de 590 mètres carrés, les tables de 10 personnes, sont toutes en extérieures, séparées de plusieurs mètres, un sens de circulation pour se rendre au bar commander ses verres a été établi, et le port du masque est scrupuleusement respecté. Mais pour Simon Nicolas, chargé de communication de la salle, il faut rester lucide : « nous, ça marche parce qu’on est sur une grande terrasse, fermée ». Il s ‘explique « on ne donne pas sur la rue. On a une jauge de 150 personnes, et on filtre ». 

Il avoue comprendre les difficultés des établissements licences IV « quand vous êtes deux dans un bar, s’il y a 100 personnes qui arrivent sur la terrasse et qui sont debout, je ne vois pas comment ils peuvent faire ». D’ailleurs, il ajoute que la salle de concert, contrairement aux bars, est subventionnée, et n’est pas soumises aux mêmes contraintes financières.


… et une situation psychologiquement difficile à supporter pour certains gérants


Entre les incertitudes financières et la charge supplémentaire de travail que représente ces protocoles, les gérants et les salariés de bars sont « épuisés » assure une représentante du BBRBU, le collectif « Bars Boîtes Restos de Besac Unis » monté pendant le confinement. « On fait tout le contraire de d’habitude » raconte-t-elle « On a peur d’avoir du monde, on a peur de faire des événements ». Elle évoque des « dégâts psychologiques » chez les gérants, notamment ceux qui démultiplient leurs efforts pour que les règles sanitaires soient respectées.

Des propos, confirmés par la gérante d’un des bars pointés du doigt par la municipalité. « Je suis en stress quand je vois le monde arriver, alors que je devrais être contente » nous confie-t-elle, visiblement exténuée. « C’est un stress permanent » dit-elle, ajoutant que pour diminuer les risques, elle ferme désormais plus tôt : « on se dit qu’on a bien travaillé et que c’est pas la peine de s’attirer la foudre ». Dans un autre bar, on nous raconte décider parfois de fermer la terrasse une heure avant le reste de l’établissement, « pour éviter que les gens s’agglutinent devant le bar », y compris ceux qui n’y ont rien consommé. 

Conscients qu’il est pourtant essentiel de limiter la progression de l’épidémie, le BBRBU envisage de demander à la municipalité de l’aide. « Elle pourrait peut-être, sur des gros événements, mettre des médiateurs dans les rues les plus fréquentées » propose sa représente. Car « il y a une réelle difficulté, sur des soirées comme jeudi, lorsqu’on a des centaines d’étudiants qui sont dans le centre en même temps ». Une proposition dont le collectif veut discuter avec la mairie dans les prochains jours, tout en appelant les bars à être solidaires les uns des autres, et en espérant qu'aucun ne sera trop tenté de laisser faire. 

D’autant plus qu’une question, lancinante, revient dans de nombreuses bouches : « là, il fait beau, mais comment on va faire quand il fera froid ? ».
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