Six mois d’attente avant de recevoir un don de spermatozoïdes. A Besançon, l’appel aux donneurs retentit. Entretien avec la responsable du Service de Biologie et Médecine de la Reproduction du CHRU de Besançon.
A l’hôpital Minjoz de Besançon, un petit service semble voué à s’étendre : le CECOS ou centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme. Ce centre reçoit les dons de gamètes (spermatozoïdes et ovocytes) et oriente les couples hétérosexuels ayant des problèmes de fertilité, les couples lesbiens et les femmes seules désirant un enfant dans un projet de procréation par don. En bref, le CECOS a un rôle majeur d’accompagnement et de soutien pour toutes les personnes désireuses d'avoir un enfant.
Si le don de gamètes est gratuit et anonyme, ceux qui offrent leurs spermatozoïdes se comptent presque sur les doigts d’une main. « Si 44% de la population est favorable au don de gamètes, il faut cependant sensibiliser les hommes pour qu’ils donnent », constate Dr. Oxana Blagosklonov, responsable du CECOS de Besançon, au Service de Biologie et Médecine de la Reproduction. Chaque année dans ce service, près de quinze candidats se présentent pour donner leur sperme ; moins de dix personnes sont retenues.
Un nombre de demandes en constante augmentation
Les critères ne sont pourtant pas très contraignants : les hommes doivent avoir entre 18 et 44 ans et ne pas avoir d’antécédents médicaux notables ni de risques de transmission de maladies génétiques. Peu importe s’ils ont eu ou non des enfants auparavant. Dr. Oxana Blagosklonov précise cependant que « si le donneur est en couple, on a besoin de l’accord de la conjointe, ou du conjoint. » C'est la position du CECOS, et non de l'agence de biomédecine. Car l'accord du ou de la partenaire a été aboli lors de la loi de bioéthique 2021.
Chaque année, le nombre de demandes augmente. Et cela risque de s’accentuer avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, c’est-à-dire aux couples lesbiens et aux femmes célibataires. Dr. Oxana Blagoskonov l’explique : « Il y a une vingtaine de nouvelles demandes chaque année pour les couples hétérosexuels. […] Notre activité va doubler voire tripler avec la PMA. »
Six mois avant de recevoir un don de sperme
Les délais risquent donc de s’allonger, si les donneurs ne répondent pas présents. Un phénomène qui n’arrange pas la situation au CECOS. Car il faut déjà attendre six mois avant de recevoir un don. « Idéalement, il ne faudrait pas dépasser ce délai, alerte la responsable du CECOS. Et nous fonctionnons avec les réserves des banques. Quand ces stocks vont s’épuiser, les délais d’attente risquent d’augmenter. »
Comment inciter les personnes à donner leur sperme ? « Il faut de la solidarité, il faut être solidaire avec les hommes ayant des problèmes de fertilité, et toutes les femmes, pour les aider à avoir un enfant », lance la responsable du CECOS. La spécialiste tient à rassurer les potentiels donneurs sur l’anonymat du don : « Les receveurs n’auront pas d’informations concernant l’identité du donneur. Sur le plan juridique, l’enfant conçu grâce aux gamètes du donneur sera toujours l’enfant du couple du receveur. Donc la filiation est déterminée par un acte notarié et le couple receveur ne pourra se retourner en aucun cas contre le donneur. »
Une démarche de procréation qui reste difficile
D’autant plus que recevoir un don ne signifie pas nécessairement pouvoir avoir un enfant. « Les taux de grossesse par insémination sont proches des taux de grossesse naturelle, c’est-à-dire entre 20% et 25% de réussite par tentative », observe Dr Oxana Blagoskonov. L’âge reste aussi déterminant : pour les femmes, le taux de grossesse chute beaucoup « après 38 ans ».
La sécurité sociale ne rembourse que six tentatives d’insémination. La responsable du CECOS prévient : « En cas d’échec, il faudra s’orienter vers des techniques de fécondation in vitro plus contraignantes et plus coûteuses. »
Les conditions du don de sperme et l'anonymat
Le don de sperme est volontaire et gratuit. Pour être candidat, il faut être un homme âgé de 18 à 44 ans, en bonne santé. Depuis la loi de bioéthique, le consentement du ou de la partenaire a été aboli.
Toute personne conçue via la procréation avec tiers donneur, ou par assistance médicale, pourra accéder « à des données non identifiantes et à l'identité du donneur. » A partir du 1er septembre 2022, les candidats au don de sperme devront consentir à communiquer ces informations. Toutes les personnes ayant déjà donné leur sperme avant cette date pourront soit accepter de transmettre ces données, soit refuser. Dans ce dernier cas, les gamètes déjà recueillies seront détruites.