Une riveraine nous a contactés au sujet d'une pollution potentielle en pleine forêt de Franois, près de Besançon (Doubs). Cette alerte en a mis en lumière une deuxième. La société Derichebourg Environnement a découvert une canalisation dont elle dit n'avoir jamais eu connaissance. Récit.
Mise à jour le 9 mars : Pollution potentielle dans la forêt de Franois par Derichebourg Environnement : "On va suivre de près ce qu'il se passe", la Direction régionale de l'environnement nous répond
L'alerte nous a été envoyée par Ninon, une riveraine. Cette dernière pointait du doigt une entreprise en particulier : Derichebourg Environnement, installée sur la commune de Franois à la sortie de Besançon. Située en bordure de forêt, cette société est spécialisée dans le recyclage de biens de consommation en fin de vie et notamment de véhicules hors d'usage. Elle emploie une cinquantaine de personnes.
Derichebourg Environnement produit annuellement 3,16 millions de tonnes de ferrailles et environ 550 000 tonnes de métaux non ferreux. "Une entreprise exemplaire et dans l'air du temps ? Absolument pas", nous explique la Franc-Comtoise, dénonçant photos à l'appui, des rejets noirâtres suspects se retrouvant au beau milieu des bois, dans une parcelle communale. Sur les photos qu'elle nous fait parvenir, on peut y voir un tuyau sortir de terre. À son extrémité se trouve une rigole dans laquelle on constate une traînée noire.
Nous nous sommes rendus sur les lieux pour constater les faits. Un chemin forestier nous permet de longer l'entreprise par l'arrière. Le bruit des machines résonne. Une pelleteuse est en train de s'affairer autour d'une montagne de carcasses de voitures. Nous poursuivons notre chemin et une odeur d'hydrocarbures se fait de plus en plus présente, à mesure qu'on se rapproche d'un petit point d'eau entouré d'une clôture avec l'inscription "Chantier interdit au public".
En plus de l'odeur, on remarque que le tour du plan d'eau est totalement noirci. Un gros tuyau déverse, toutes les cinq minutes environ, une quantité importante de liquide en provenance de l'usine, dans le bassin.
Une coulée humide à l'odeur d'hydrocarbures au milieu de la forêt
Nous marchons quelques dizaines de mètres en s'enfonçant dans la forêt. On trouve le fameux tuyau qui apparait sur la photo transmise par la riveraine. Il se situe à la perpendiculaire du plan d'eau et semble clairement y être relié. Nous constatons effectivement une coulée humide au milieu des arbres, à un endroit où la végétation est bien moins dense. Les feuilles imbibées de liquide sentent fort les hydrocarbures.
Contacté par nos soins, le directeur du site Mathias Girardin, propose de nous rencontrer plutôt que d'en parler au téléphone. Il souhaite être "totalement transparent". Il nous explique que la société Derichebourg Environnement répond à un cahier des charges très strict et dispose d'un agrément délivré par les services de l'État, la DREAL. Il nous détaille également le fonctionnement du site dans les grandes lignes et notamment du "bassin d'infiltration" que nous avons vu la veille. "Nous n'avons rien à cacher", dit-il.
"Notre chantier est recouvert d'une dalle de béton. On collecte les eaux de ruissellement au point le plus bas de notre terrain. Il s'agit de l'eau de pluie. Nous la traitons, et ensuite, cette eau termine dans le bassin d'infiltration que vous avez vu. L'eau s'infiltre ensuite naturellement dans le sol, comme nos normes le stipulent. Les rives du plan d'eau sont noircies car les feuilles entrent en décomposition naturellement. Mais oui, c'est sûr que ça sent l'essence. Nous avons des contrôles réguliers des services de l'État et l'eau en sortie d'usine est analysée mensuellement", développe Mathias Girardin, en nous montrant du doigt les différentes installations sur un plan aérien du site.
"Votre appel a permis d'identifier un problème"
"Votre appel a permis d'identifier un problème. Nous avons un tuyau défectueux qui produisait une fuite des eaux de ruissellement dans la forêt, révèle-t-il. Une alerte a été faite à la DREAL pour que des travaux puissent avoir lieu. Les terres à cet endroit seront traitées dans un centre spécialisé".
On apprécie la transparence mais malheureusement, le tuyau que nous avons découvert au milieu de la forêt n'est pas situé au même endroit. Il s'agit d'un autre tuyau. "Je n'ai pas connaissance de ce tuyau-là", répond le directeur de Derichebourg Environnement, visiblement surpris. Ce dernier est en poste depuis trois ans et dit ne jamais en avoir entendu parler. Il souhaite que nous l'emmenions sur les lieux, accompagnés de son responsable de réseau.
Une fois sur place, la surprise se confirme et la gêne se fait sentir. Le directeur constate l'existence de ce tuyau et d'un potentiel rejet polluant au beau milieu des bois. "On va investiguer et on va faire le nécessaire", détaille Mathias Girardin, tout en précisant qu'un liquide appelé "fluorescéine" va être utilisé pour savoir exactement où prend naissance cette canalisation.
Les investigations permettront-elles de savoir qui a fait installer ce tuyau, en quelle année et pourquoi il n'apparaît pas sur les plans officiels du réseau d'une société se revendiquant comme "un acteur de premier plan dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la révolution environnementale à l’œuvre dans le monde industriel" ? Pour l'instant, le mystère demeure.