Alors que la police nationale avait l'intention d'utiliser les drones de surveillance après le confinement, notamment à Besançon, le Conseil d'Etat vient d'interdire l'usage des drones de surveillance à Paris pendant le déconfinement. On fait le point dans cet article.
Un drone - de l'anglais drone, « faux bourdon », analogie avec le bruit des premiers appareils - désigne un aéronef sans pilote à bord (mais le plus souvent télécommandé). Le drone peut avoir un usage civil ou militaire. Ces petits bijoux technologiques sont utilisés pour réaliser des images hors du commun, par les professionnels de la vidéo, mais aussi par des pilotes amateurs, en soif de découverte de notre territoire, souvent en dépit des lois.
On les a vu apparaître dans le ciel durant le confinement décrété en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus. Entre le 24 mars et le 24 avril 2020, la police nationale a déclenché 535 vols de drones dont 251 de surveillance sur le territoire français, selon un rapport du Sénat.
A Besançon, lors du confinement de la population, certains habitants ont vu planer au dessus de leur tête un drôle d'engin bourdonnant, notamment sur les rives du Doubs du côté du quartier Rivotte. C'est également le cas dans plusieurs villes de France. Il semblerait que les forces de l'ordre aient la volonté de poursuivre cette méthode de surveillance dans la durée. Dans un article de nos confrères de l'Est Républicain en date du 10 mai, on y découvre les méthodes d'action de la police nationale, au dessus du quartier des Clairs-Soleils, dont "la mission du jour est essentiellement axée sur les contrôles Covid-19". "La direction de la police bisontine souhaite désormais multiplier l’utilisation de ses engins" conclut l'article de nos confrères, sans plus de précisions.
Jointe par nos soins à ce sujet, la préfecture du Doubs répond : "La Préfecture n'a pas à commenter les moyens mis en œuvre sous l'autorité des magistrats dans les fonctions de police judiciaire. Ces dispositifs n'obéissent pas aux mêmes règles que pour tout utilisateur civil. Le cadre légal général édicté par l'arrêté du 17 décembre 2015 prévoit des règles dérogatoires en ce qui concerne les forces de sécurité dès lors que les circonstances de leur mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifient. Le Préfet n'a pas pouvoir d'encadrer l'usage de ces drones par les services de police ou de gendarmerie".
"Menace sur nos libertés fondamentales"
Certaines figures politiques locales sont montées au créneau pour dénoncer l'utilisation de cette technologie, décidemment en vogue. C'est le cas de la liste de Claire Arnoux (LFI), "Besançon verte et solidaire" ainsi que de Cécile Prudhomme et Claire Mallard co-secrétaires d'EELV Bourgogne-Franche-Comté.
"Les crises sont propices au déploiement de solutions technologiques nouvelles. Nous y assistons cette fois avec l'utilisation des drônes par la police nationale. EELV BOFC se demande jusqu'où doit on accepter des mesures censées nous protéger quand celles-ci menacent nos libertés fondamentales ? Avec l'utilisation des drones comme outil de surveillance, nous franchissons encore un pas vers la surveillance de masse et la banalisation de restriction des libertés publiques" écrivent les deux co-secrétaires d'EELV dans un communiqué diffusé le 17 mai. Elles s'inquiètent également de voir une solution technologique de crise liée au covid-19 s'inscrire durablement dans les pratiques de surveillance de la police nationale.
"D'où sortent ces drones qu'on voit débarquer un peu partout en France et à Besançon à l'occasion de la crise liée au coronavirus ? Quand ont-ils été commandés alors que les masques ne l'étaient pas ? A quel moment a eu lieu le débat public et la délibération citoyenne sur leur usage, alors que les fondements juridiques sont plus que flous ?" s'interroge quant à elle le 12 mai, la liste "Besançon verte et solidaire" précisant qu'elle s'oppose évidemment à cette utilisation.
Victoire pour les anti-drones de surveillance
La Quadrature du Net, association de défense des droits des citoyens sur internet et la Ligue des Droits de l’Homme dénoncaient l’absence de cadre juridique et l’absence de contrôle des images captées. Ils ont déposé un recours contre l’usage des drones par la préfecture de police de Paris, et déploraient l’absence de cadre légal concernant les images filmées. Il a été rejeté. Ils ont fait appel.
Ce lundi 18 mai, le Conseil d'Etat a interdit l'usage des drones de surveillance à Paris pendant le déconfinement.
Selon Cassandra Rotily, doctorante en Droit public (CERDACC) à l'université de Haute-Alsace et spécialisée dans les drones et la sécurité, il y a deux paramètres à prendre en compte pour l’utilisation des drones de sécurité publique : l’utilisation du drone en tant que vecteur aérien et la prise de vue. Elle détaille pour France 3 Franche-Comté la décision du Conseil d'Etat : "Le Conseil d’Etat estime que les données captées par le drone de sécurité publique font l’objet de traitements automatisés ou dans des fichiers permettant l’identification de personnes physiques et que le régime applicable relève donc de la loi dite « Informatique et Libertés ». Cependant, l’autorisation du traitement des données captées est délivré par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). L’avis de la commission est publié avec l’arrêté qui autorise le traitement. Or dans le cas présent, aucun arrêté n’a été pris pour autoriser ces traitements".
En résumé, il est désormais interdit légalement, depuis ce lundi 18 mai 2020, de procéder à la surveillance de la population via un drone de sécurité. Afin de pouvoir utiliser ces drones, il faudra soit un arrêté pour encadrer leur usage, pris après avis de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), soit doter ces appareils de dispositifs techniques empêchant l'identification des personnes filmées.
"On se pliera aux instructions qui nous serons données stricto sensu par le parquet" nous a expliqué le commandant Benazrine, en charge de la communication pour la police nationale de Besançon.
Affaire à suivre.