Émeutes en Nouvelle-Calédonie : "on se sent abandonnés”, “j’en pleure pour ce pays”, les heures d’angoisse des expatriés

L'état d'urgence est en vigueur depuis le 15 mai en Nouvelle-Calédonie, en proie à des violences, pillages, incendies depuis le début de la semaine. Sur place, les expatriés de Franche-Comté sont confrontés à une situation inédite. Voici leurs témoignages.

Lundi 13 mai, Ophélie est encore allée au travail. Mais depuis, c’est l’attente dans l’appartement qu’elle occupe avec son conjoint sur la presqu’île de Nouville . “Depuis lundi, on ne dort plus, on se relaie dans le quartier. On fait des rondes devant les résidences, on patrouille” confie la jeune femme de 28 ans à France 3 Franche-Comté.

La ville de Nouméa vit des heures sombres depuis l’adoption par l'Assemblée nationale du projet de révision constitutionnelle qui prévoit l'élargissement du corps électoral. Le gouvernement souhaite autoriser les personnes arrivées sur place depuis 1998 à voter, ce que les indépendantistes jugent dangereux.

Le texte a conduit à des émeutes dans cette île française au statut particulier. 

Il y a des casseurs qui viennent dans des quartiers pour terroriser les gens. Tous les supermarchés ont été pillés ou incendiés. Les gens ne peuvent plus accéder à l’hôpital… on a vraiment peur, ils ont des armes, on ne sait pas comment ça peut dégénérer.

Ophélie

Ophélie n’avait jamais vu l’île avec ce visage-là. Dans son quartier, elle se rassure en sachant qu’un dialogue a pu s’établir avec la tribu kanak du secteur. Le couple s’organise. “On a de quoi tenir une petite semaine au niveau des courses. On va défendre nos logements et l’épicerie du quartier”. Mais la Comtoise et son conjoint ne cachent pas leur amertume, inquiétude face à la situation. 

Actuellement, les forces de l’ordre ne peuvent pas intervenir. C’est tendu. Tant qu’on n’aura pas de renforts sur l’île, on est livrés à nous-mêmes.

Ophélie


Ophélie devait rentrer en juillet en France pour voir sa famille. Ce voyage pourrait bien être un retour définitif. Cette comtoise de 28 ans avait tout lâché en 2020 pour s’installer en Nouvelle-Calédonie et y trouver du travail.

Pourquoi ces violences en Nouvelle-Calédonie ?

Les indépendantistes voient dans la réforme sur le dégel du vote, un moyen de réduire l'influence du peuple autonome kanak qui représente 41 % de la population de l’archipel. 
“Ils savent qu’ils perdent la main. Ils se sentent délaissés, trahis” estime Ophélie face à cette crise politique et sociétale. 

196 interpellations ont déjà eu lieu. 63 membres des forces de l'ordre ont été blessés 
5 personnes sont mortes en Nouvelle-Calédonie, dont deux gendarmes. L'un de ces deux gendarmes a été tué accidentellement par un collègue.

Le souvenir d’une Calédonie magnifique


Contactée par France 3 Franche-Comté, Florence, originaire de Besançon dans le Doubs ne cache pas sa tristesse face à l’embrasement de cette île qu’elle aime tant. Elle y est arrivée dans cette île en face l'Australie en 2017. “J’y suis partie en vacances. J’ai eu un coup de cœur pour cette île. J’ai tout quitté pour m’installer ici. La nouvelle Calédonie, c’est une île merveilleuse. On est loin du monde, il y a une belle énergie ici” assure la quinquagénaire qui a mal pour son île. “J’ai une maison ici, un travail, des amis. Ma vie est en Calédonie”. 

J’en ai mal au cœur. Je pleure de ce qui se passe. Jamais je n’aurais pensé que ce département français où le vivre ensemble était là en arriverait à une telle situation.

Florence, expatriée en Nouvelle-Calédonie


Dans son quartier, les habitants ont monté une milice pour tenter de se protéger des pilleurs. Florence ne met pas les indépendantistes dans le "même sac". “Certains voulaient l’indépendance calmement, d’autres ceux qui cassent ont été endoctrinés. Dès que vous êtes blancs, ils vous haïssent. C’est triste. Je croise les doigts pour que l’armée intervienne vite” explique-t-elle au téléphone. 

“On est confinés avec les enfants”


Lucie* connaît, elle aussi, des heures d’attente, et voit impuissante l’île s’embraser. Elle est femme de militaire en Nouvelle-Calédonie. Arrivée en août 2023 avec trois enfants, elle suit l’évolution des émeutes à la télé. La famille est confinée dans un quartier militaire. “On entend les explosions, les coups de feu. On est inquiets, on ne sait pas comment ça va évoluer” confie la mère de famille. “On a eu la chance de visiter l’île avant. On pensait bien que ce vote allait créer des tensions” dit-elle. Que sera demain sur une île en partie dévastée par les émeutiers où école, magasins ont été pris pour cible ? “Quand le calme sera revenu, on ne sait pas où on ira faire nos courses, les magasins ont brûlé”. Comme beaucoup d’expatriés français, Lucie espère un retour au calme avec l’arrivée de renforts. 

2700 hommes pour ramener le calme en Nouvelle-Calédonie


Ce jeudi 16 mai, Gabriel Attal jeudi à l'issue de la réunion d'un nouveau conseil de défense à l'Elysée a annoncé le déploiement d’un millier de forces de sécurité intérieure supplémentaires en Nouvelle-Calédonie, où la situation "reste très tendue”.


"À la demande du président de la République, nous allons renforcer encore le pont aérien de rétablissement de l'ordre qui a été mis en place, pour déployer un millier d'effectifs de sécurité intérieure supplémentaires, en plus des 1.700 effectifs qui sont déjà sur place", a détaillé le Premier ministre. Face aux pillages, émeutes, incendies, agressions, iI a aussi indiqué qu'"une circulaire pénale" serait publiée par le garde des Sceaux dans les prochaines heures pour garantir "les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards".

"Je pense qu'il faudra une bonne semaine pour rétablir l'ordre, en particulier à Nouméa", a estimé pour sa part ce mercredi soir le fondateur et premier commandant du GIGN, Christian Prouteau, après l'instauration de l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie.

Pour les expatriés, les jours qui viennent s’annoncent longs et teintés d’un ciel d’incertitudes dans une île pourtant paradisiaque.

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