Les gendarmes du Doubs sont intervenus mardi 6 septembre vers 17h45 dans une maison sur la commune de Morre dans le Doubs à quelques kilomètres de Besançon. Le corps d’une mère de famille et de son conjoint ont été retrouvés sans vie rue des Bouvreuils. Le procureur de la République a livré les premiers éléments d'enquête. L'homme avait préparé son funeste geste.
La macabre découverte a été faite en fin d'après-midi au domicile d'un couple de classe moyenne qui n'avait jamais fait parler de lui sur le plan judiciaire. Aucune plainte ou main courante pour violence n'y avait été signalé.
Un village sous le choc
La femme retrouvée morte était âgée de 43 ans, son conjoint, salarié dans les travaux publics avait 48 ans. Jean-Michel Cayuela, maire de la commune est sous le choc. Il retrace le fil du drame. "La femme était venue en mairie le matin même demander la dissolution de son PACS. Cette maman n'était pas présente à la sortie de l'école. Les jumeaux de 10 ans sont remontés en fin d'après-midi à la maison et ont trouvé porte close, la voiture toujours au domicile" témoigne l'élu. Une voisine qui avait pris les enfants en charge a donné l'alerte. Pompiers puis gendarmes sont rapidement intervenus.
Aidés d'une échelle, les pompiers ont pu entrer dans la maison. Deux corps sans vie se trouvaient dans le salon. Prévenus que cette femme gardait des enfants, ils sont rentrés à nouveau dans le domicile malgré la scène de crime. Ils sont ressortis avec dans leurs bras un bébé de 21 mois indemne. Il était gardé par la victime assistante maternelle de profession. L'enfant a accepté les bras des secours, il ne pleurait pas, au calme dans cette petite chambre.
Récit : Franck Menestret et Laurent Brocard
Au lendemain du drame, le maire a toujours du mal à réaliser la violence du scénario qui s'est noué dans cette petite commune calme à proximité de Besançon.
La nouvelle est terrible. Hier soir, on nous a annoncé qu'il y avait deux corps dans l'appartement. J'étais traumatisé, j'ai vu cette dame le matin même, elle était bien. Ce féminicide, je tombe des nues. Ce n'est pas possible, comment peut on tuer cette mère de famille qui aimait ses enfants.
Jean- Michel Cayuela, maire de Morre dans le Doubs
Un couple sans histoire
La victime Marion J. était mère de 4 enfants (deux jumeaux de 10 ans, une fillette de 12 ans et un jeune majeur d'une première union). "Un couple sans histoire" détaille le maire de la commune. Son conjoint était membre de l'association de chasse de la commune, selon des riverains, deux détonations ont été entendues dans l'après-midi.
Un assassinat prémédité, un mot retrouvé sur place
Le procureur de la République Etienne Manteaux a détaillé lors d'une conférence de presse l'horreur de ce drame. "L'hypothèse forte est qu'il s'agit d'un homicide" du conjoint sur sa compagne suivi d'un suicide, selon le procureur : après avoir tiré sur elle, sans doute par surprise, "l'homme a vraisemblablement retourné l'arme contre lui" dit-il. La mère de famille a été touchée par deux coups de feu, dont un mortel à la tempe. Elle a été retrouvée assise sur le canapé dans le salon. Son conjoint était assis à ses côtés, il a visiblement retourné l'arme, un fusil de chasse de calibre 12 contre lui. Trois étuis de douilles ont été retrouvés. Aucune trace de lutte n'a été retrouvée sur la scène de crime.
Un mot a été retrouvé sur un frigo d'une annexe dans la maison. Tout laisse à penser qu'il s'agit bien de l'écriture du conjoint, les analyses sont en cours. Sur ce bout de papier, l'homme explique clairement l'intention de tuer : "il écrit à l'intention de son frère, récupère toute mes affaires, le camping car, mes fusils, mes bouteilles, voilà la consigne qu'il passe à son frère. Salut à maman. Et il termine en écrivant sans mentionner sa femme : "je vais lui éclater la gueule vers 15 heures" a détaillé le procureur.
La cellule d'urgence médico-psychologique a pris en charge la fratrie. Au moment de la découverte des corps, les enfants ont été pris en charge par une voisine. Ils sont aujourd'hui chez un membre de la famille maternelle. Le procureur de la République a salué l'exemplarité et la solidarité remarquable du voisinage qui a tout fait pour entourer et protéger les enfants du couple.
Une enquête pour assassinat par conjoint est ouverte. Elle est entre les mains de la section de recherche de Besançon. Une autopsie aura lieu jeudi 8 septembre. Des analyses toxicologiques sont attendues pour savoir si l'auteur des tirs avait consommé alcool ou stupéfiants.
Certains hommes prêts à tuer pour une rupture
Dans le Doubs, c'est le 5e homicide dans la sphère conjugale depuis juillet 2021. Des féminicides qui touchent toutes les classes sociales. "Sur ces procédures, toutes ont en commun à priori, l'annonce d'une rupture qui déclenche le geste homicide, comme si chez certains hommes il y avait cette dimension patrimoniale de la compagne, le fait qu'on dénie à la compagne le droit de quitter. Si d'aventure la compagne osaient, certains hommes sont prêts à tuer" a déploré une nouvelle fois le procureur. Le parquet souhaite que l'enquête permette de comprendre de manière approfondie ce qui a pu se passer pour tenter de repérer les signaux, s'il y en a eu, qui auraient pu alerter l'entourage, ou alerter les professionnels afin de prévenir d'autres drames.
91e féminicide en France depuis le début de l'année
La mort de cette mère de famille du Doubs s'ajoute à une longue liste. Il s’agit du second féminicide en quelques jours en Franche-Comté. Vendredi 26 août, le corps d'une Franc-Comtoise de 49 ans a été retrouvé à son domicile à Alièze, dans le Jura. Son compagnon, déjà condamné pour des faits de violence sur une ancienne compagne en novembre 2021, a reconnu les faits.
La mère de famille du Doubs est la 91e femme tuée en France en 2022 d'après le triste décompte dressé par le collectif Nous Toutes. Elles seraient 81 par compagnon ou ex-compagnon selon Féminicides Par Compagnons ou Ex.
A Marseille, ce mercredi 7 septembre, deux autres femmes ont trouvé la mort. Un homme a été interpellé par le Raid après avoir tué sa mère, son épouse et blessé sa fille. L'homme souffrait de problèmes psychologiques.