C'est une intersyndicale qui lance un mouvement de grève illimitée aux urgences de l'hôpital de Besançon. Elle demande, d'urgence, une amélioration des conditions de travail. Les syndicats s'appuient sur un rapport, "accablant", demandé après la tentative de suicide d'un médecin.
On sait les urgences débordées dans tous les hôpitaux de France ou presque... Mais le service des urgences du CHU Minjoz à Besançon connaîtrait une situation particulière.
La tentative de suicide le 1er mars 2018 d'une femme, médecin, aux urgences sur son lieu de travail a beaucoup marqué les esprits, aux urgences, dans l'hôpital et même à l'extérieur. Mais il ne s'agit pas du seul "indice"...
Une expertise
Le CHSCT (Comité d'Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail) a demandé une expertise extérieure suite à cet événement. Le rapport, que nous avons pu consulter, est édifiant.
"L'implication des agents pour maintenir la qualité est source d'une fatigue qui peut conduire à des situations d'épuisement professionnel". Oui, le personnel souffre, médecins, soignants, administratifs, tous souffrent d'une situation qui s'est dégradée fortement. Il y a, bien évidemment, la violence des patients et de leurs familles qui explique, en partie, ce malaise. Mais d'autres facteurs sont mis en évidence.
Le rapport explique bien les causes du malaise, les conséquences et les préconisations à prendre.
Les causes sont identifiées : le nombre d'appels au 15 explose, le nombre d'entrées aussi, les urgences accueillent davantage d'urgences sociales que médicales... C'est le cadre général.
Mais, ici, à Besançon, le rapport pointe aussi des difficultés d'organisation, des erreurs de management, un manque de reconnaissance, des plannings qui changent tout le temps, des locaux inadaptés ( Au centre 15, le rapport signale des désagréments inquiétants, à savoir la présence de souris et de puces !).
Au centre 15, 75 % du personnel est âgé de moins de 45 ans. Certains médecins travaillent 14 jours consécutifs sans jour de repos.
Conséquences pour les personnels : troubles du sommeil, anxiété, épisodes dépressifs, douleurs... tous les ingrédients sont réunis pour les fameux RPS, Risques Psycho-Sociaux.
La grève
Avec en appui ce rapport qu'ils qualifient "d'accablant", les syndicats (CFDT, CGT, FO, Sud Santé et UNSA) appellent à une grève, d'une durée illimitée, à partir de demain, mardi 9 octobre. Dans leur communiqué, ils indiquent : "Depuis plusieurs années les agents du SAU (Service d’Accueil des Urgences), du SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation) et du Centre 15 signalent par les instances de l’établissement de graves dysfonctionnements non pris en compte.
Les personnels concernés ont donc décidé d’un mouvement de grève à partir du 9 octobre avec un certain nombre de revendications, ayant pour but de ne plus mettre en danger le personnel soignant et par voie de conséquence la population régionale accueillie au sein de nos structures."
Voici le communiqué de la direction de l'hôpital :
"Un préavis de grève concernant les personnels non-médicaux du service d’accueil des urgences (SAU), du service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) et du Centre 15 a été déposé à partir du 9 octobre 2018 par les organisations syndicales du CHU.
Comme grand nombre de services d’urgences en France, le CHU de Besançon n’échappe pas à une augmentation d’activité engendrant des difficultés de fonctionnement et des tensions au sein des équipes.
Dans ce contexte, en mars 2018, une mission d’expertise a été commanditée par le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le rapport a été remis à la Direction le 31 août.
Bien en amont de la rédaction de ce rapport, suite à différentes alertes reçues, la Direction a pris des mesures pour améliorer les conditions de travail des agents de ces services ainsi que la prise en charge des patients, et notamment :
- Création en 4 ans de 20,5 postes de personnels soignants et de 9 postes de médecins
- Renfort de 2,5 postes d’infirmiers pour la nuit à partir de la prochaine période hivernale
- Réalisation de travaux pour mieux accueillir les patients en attente d’examens complémentaires ou de sortie
- Lancement d’une première phase de sécurisation des entrées des urgences
- Acquisition de nouveaux matériels pour répondre à la demande des agents (fauteuils ergonomiques, casques haut de gamme, brancards….)
Au total, plus de 600 000 euros de travaux et d’équipements ont été engagés ces dernières années.
- Création d’une unité de médecine polyvalente de 24 lits en novembre 2017 pour l’accueil en aval des urgences
- Réorganisation en cours du secteur d’imagerie pour accélérer les examens et acquisition récente d’un scanner dédié aux urgences
Lors du CHSCT en date du 7 septembre, la Direction a contesté certaines affirmations contenues dans ce rapport qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification et se sont avérées inexactes ou approximatives. C’est pourquoi, en l’absence de débat contradictoire, la séance a été interrompue avant même de pouvoir échanger sur les préconisations du dit rapport.
Pour autant, la Direction partage un certain nombre de recommandations lesquelles pour partie correspondent à des actions déjà engagées."