L'avocate parisienne Jacqueline Laffont, a répondu à nos questions en exclusivité, avant l'ouverture du procès de son client Nicolas Zepeda, accusé du meurtre de son ancienne petite amie Narumi Kurosaki en 6 décembre 2016, à Besançon.
Actuellement incarcéré à la prison de Besançon, Nicolas Zepeda, dont le procès s'ouvre aux assises mardi 29 mars à Besançon sera défendu par Me Jacqueline Laffont, assistée de Me Julie Benedetti. La pénaliste de renom, spécialisée dans les affaires politico-financières a notamment défendu Charles Pasqua, Jean-Marie Messier, Nicolas Sarkozy et plus récemment Alexandre Benalla. Elle a accepté de répondre à nos questions quelques jours avant l'ouverture d'un procès hors du commun, alors que le corps de la victime Narumi Kurosaki n'a jamais été retrouvé.
Emmanuel Rivallain : Dans quel état d'esprit se présente Nicolas Zepeda ? Avez-vous pu échanger avec lui ?
Jacqueline Laffont : Depuis 18 mois j'ai échangé avec lui à de très nombreuses reprises. J'ai passé trois jours avec lui cette semaine. Je peux dire qu'il attend ce moment depuis longtemps. Il est déterminé à se défendre et il espère que ce procès permettra de lever les nombreux mystères qui entourent ce dossier.
Sa personnalité a été beaucoup détaillée dans la presse. On parle de quelqu'un d'intelligent, froid, manipulateur. Est-ce le constat que vous avez fait ?
Je voudrais d'abord vous dire que cette présentation que vous évoquez et qui est reprise par la presse est d'abord celle de l'accusation. On a collé cette étiquette à Nicolas Zepeda. Cette accusation est, à bien des égards, une accusation fragile. Moi qui l'ai vu longtemps, souvent, au cours d'une détention particulièrement éprouvante éloigné de sa famille, en plein Covid sans aucune visite de sa mère depuis 18 mois dans un pays dont il ne parle pas la langue, ce n'est pas du tout la perception que j'ai de lui.
Dans le dossier on a quelques éléments sur sa personnalité. Il n'a jamais été condamné, inconnu des services de police. Il avait une vie très sociale, il était lui-même très sociable, avec des relations amoureuses et amicales épanouies. Très à l'opposé du portrait qu'on essaie de dresser de lui.
Vous avez qualifié l'enquête contre votre client "à charges", avec "des traductions pas à la hauteur". Pouvez-vous nous en dire plus ?
C'est une enquête qui, dans laquelle, à partir du moment où Nicolas Zepeda a été identifié et désigné comme le suspect numéro 1 toutes les autres pistes ont été totalement abandonnées. Pourtant elles existent. il y en a eu plusieurs. Parfois, des signalements très précis et sérieux n'ont pas été exploités. Je pense que cette enquête finalement a cherché simplement à conforter une présentation accusatoire, une construction qui est celle de l'accusation.
Concernant les traductions, en réalité, on peut dire une chose simple : Nicolas Zepeda n'a pas bénéficié d'un interprète dans sa langue natale. Il est Chilien, il parle donc l'espagnol chilien qui est sensiblement différent de l'espagnol d'Espagne et cela a donné lieu, je pense, à des malentendus et des incompréhensions sur ses déclarations qui ont été préjudiciables à sa défense.
A quelles pistes pensez-vous ?
Ecoutez, concernant les éléments du dossier, contrairement à l'accusation qui a été très prolixe dans cette affaire, beaucoup de détails ont été dévoilés au cours de l'instruction et avant même que Nicolas Zepeda ait été extradé en France, je réserve mes explications et mes éléments de défense au juge et aux jurés. Je n'irai pas plus loin. Je dis qu'elles existent et que je pense qu'elles seront exposées et je l'espère explorées. Il n'est jamais trop tard pour rechercher la vérité dans un dossier.
Nicolas Zepeda clame son innocence depuis le premier jour. Je rappelle que c'est lui qui s'était présenté librement et spontanément aux autorités chiliennes pour expliquer ce qu'il avait à dire sur la disparition de Narumi Kurosaki, dont il ignore tout en réalité.
Est-ce que cela veut dire que vous porteriez la charge sur un autre individu ?
Aujourd'hui, je suis l'avocate de la défense. Il n'est pas question pour moi d'accuser des personnes contre lesquelles il n'existe pas de preuves absolument définitives mais il est question pour moi de dénoncer des pistes qui existent avec des éléments dans le dossier, qui n'ont pas été explorés, au détriment de la défense de Nicolas Zepeda.
Dans cette enquête, il y a un fait particulier. On ne sait pas où se trouve le corps de la victime. L'absence de corps vaut-il absence de responsabilité pour vous ?
On touche au fond du dossier. Je vous l'ai dit, je réserve mes explications aux jurés et au juge. Il n'y a pas de corps, c'est un des éléments de ce dossier, mais ce n'est pas le seul loin de là. Il y a un procès et nous serons à ce procès.
► Le procès du Chilien Nicolas Zepeda, soupçonné d'avoir tué son ex-petite amie japonaise Narumi Kurosaki entre le 5 et le 6 décembre 2016 à Besançon, s'ouvre le 29 mars. Vous pourrez le suivre en détails sur France 3 Franche-Comté.