Jeux violents, abus sexuels, situations à risque : comment apprendre à son enfant à dire "non"

Pour aider les parents, les enseignants et les éducateurs à mieux accompagner le développement des enfants, le congrès « Au cœur de l’éducation » a proposé à la psychothérapeute Isabelle Filliozat de donner des clés pour apprendre aux enfants à dire "non" quand ils se sentent en danger. Ce 2e congrès, organisé par l’association InnAÉ, aura lieu les 14 et 15 octobre à Besançon.

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Du concret et de la réflexion. Pour son second congrès, l’association bisontine InnAÉ continue de creuser le sillon de l’éducation et de la parentalité positives en proposant des conférences et des ateliers participatifs pendant deux jours au Grand Kursaal de Besançon. Cette année, le thème de ce congrès est « Enfants et ados d’aujourd’hui ». L’une des conférencières est la pyschothérapeute Isabelle Filliozat. Présentée comme une « figure phare de la parentalité positive en France », Isabelle Filliozat abordera lors de sa conférence, prévue le dimanche 15 octobre à 11 heures, la question du consentement ou comment apprendre aux enfants à dire non à une proposition qui le mettra en danger.

Jeux violents, défis sur les réseaux sociaux, violences sexuelles, incitations à se droguer… Les enfants et les adolescents peuvent être exposés à des dangers à l’école, dans la rue ou dans leur entourage.

Nous avons demandé à Isabelle Filliozat comment les parents peuvent aider leurs enfants à savoir exprimer leur consentement ou leur refus face à des situations qui peuvent les mettre en difficulté. Bref, oser dire "non" quand on ne veut pas.

"Le consentement, on y pense surtout pour les violences sexuelles, et c’est très important parce qu’elles sont extrêmement répandues, mais c’est aussi les propositions de mettre des poudres dans ton nez, les défis Tik Tok. Les enfants ont besoin de savoir, de consentir ou non, c’est-à-dire se poser la question « Est-ce que je le fais ou je ne le fais pas » plutôt que d’y aller comme un seul homme parce que c’est la pression sociale qui est là", nous explique Isabelle Filliozat.

Comment faire en sorte que l’enfant puisse dire non ?

Isabelle Filliozat : "Pour refuser, on a besoin de sécurité intérieure, de confiance en sa personne propre, de confiance en ses compétences et de confiance relationnelle. On va chercher les compétences dont l’enfant a besoin pour réussir à dire non. Souvent, nous les parents, nous voulons que nos enfants nous obéissent et qu’ils soient capables de dire non à quelqu’un qui a du pouvoir ou de l’influence sur eux. Cela ne marche pas comme cela. Nous avons à enseigner à nos enfants les compétences pour le consentement. Comment savoir si je dis oui ou non ? J’ai besoin de savoir analyser une situation et de réfléchir aux conséquences d’une situation. J’ai besoin aussi de savoir à l’intérieur de moi ce que je ressens, est-ce que j’ai envie, est-ce que j’ai peur ?"

Privilégier l’autonomie

"C’est au quotidien, dans de multiples interactions que nous allons privilégier, l’autonomie, le respect de l’émotion de l’enfant et l’aider à mettre des mots sur ce qu’il ressent. L’aider aussi à comprendre le monde environnant, à comprendre ce qui se passe pour autrui. Cela ne marche pas au bout d’une fois. Si systématiquement, on permet à l’enfant de choisir pour lui-même, qu’on ne le force pas. Nous avons, nous parents, tendance à forcer les enfants à toutes sortes de choses, à leur demander d’obéir sans réfléchir. À partir du moment où on demande à un enfant d’obéir sans réfléchir, il apprend à obéir sans réfléchir et c’est cela qu’on ne veut pas. Donc, on va plutôt l’entraîner à la responsabilisation et lui proposer de faire des choses parce qu’elles ont du sens.

Prenons l’exemple du bain, on ne prend pas le bain parce que maman l’a dit, on prend le bain, car on se lave pour se nettoyer. C’est important que les choses aient du sens. Une éducation autoritaire peut altérer cette conscience de soi puisque l’enfant doit faire taire ce qui se passe en lui pour obéir à l’adulte. De l’autre côté, invitations au choix permanentes, questionnements trop fréquents sur son ressenti peuvent ne pas laisser assez d’espace pour que se développe cette conscience. Pour dire oui, on doit savoir dire non. Dire non, c’est opposer une limite à autrui, oser se définir comme différent."

Comment oser être différent ?

"Il y a besoin de quelque chose de plus fort. On a besoin d’être équipé à l’intérieur. Si je veux poser un interdit à un adolescent, par exemple, la drogue, tu n’y touches pas. Mais, cette interdiction ne sert à rien, on sait que l’enfant va le faire quand même. Pour pouvoir l’équiper par rapport à cela, on sait que les enfants qui résistent le mieux sont ceux qui ont une bonne connexion avec leurs parents. Donc, je cultive un maximum la connexion affective avec mon enfant, mon adolescent. Et ensuite, je vais l’équiper de compétences pour pouvoir dire non. Et donc, par exemple, je lui dis, si on te propose de la drogue, qu’est-ce que tu peux faire ? Au départ, il dira « je refuse évidemment, maman ! » On ne se contente pas de cela, on lui demande de nous dire dix possibilités de réactions, comme cela, on l’oblige à réfléchir. Parmi ces dix possibilités de réactions, on veille à ce qu’il y ait celle où il consomme, car c’est important qu’il pense que cela soit possible pour pouvoir ensuite réfléchir et dire non, je ne le fais pas. C’est aider l’enfant à faire fonctionner les zones dans son cerveau qui lui permettent d’anticiper.

Cela prend plus de temps au début. Et beaucoup moins après. L’enfant devient beaucoup plus autonome, donc on passe beaucoup moins de temps à le punir, à lutter contre lui. Il n’y a plus de bagarres sans arrêt. Si on sort de cette dynamique, "tu dois m’obéir !", c’est une autre relation qui se construit. On n’a pas l’impression de s’épuiser pour expliquer, écouter son enfant. On veille à la sécurité de l’enfant, comme mettre la ceinture de sécurité, on réduit cela au minimum et même pour cela, on va tenter des stratégies qui permettent à l’enfant d’accepter et de se sentir bien avec cela."

Du temps et de l’écoute

"Si on reste dans l’idée : j’explique, j’argumente et je veux obtenir satisfaction; on reste dans un jeu de pouvoir. Donc, on sort de ce jeu de pouvoir, on ne cherche pas à argumenter. On va s’assoir à côté de l’enfant et on va essayer de comprendre pourquoi il fait cela. Parce qu’il y a une raison. Je peux lui avoir refusé de jouer à la console de jeu ou il peut avoir eu une déception à l’école. Donc il a une blessure dans son cœur et en fait, il me dit non pour que je m’assoie près de lui et que j’écoute ce qui se passe. Cela demande du temps et de l’écoute. C’est cela éduquer. Savoir comment cela se passe dans son cœur, c’est fascinant et donc ce n’est pas du temps perdu".

Isabelle Filliozat sera l’invitée de Florence Cicolella dans le JT d’Ici 19/20 du samedi 14 octobre.

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