Après le démantèlement le 14 mars 2023 à Besançon (Doubs) d’une vaste fraude au permis de conduire, l’auto-école Bisontine, ciblée dans cette affaire, a dû fermer ses trois agences du jour au lendemain, laissant des dizaines de clients sans la moindre nouvelle. Certains avaient avancé des sommes très importantes pour des leçons de conduite qui n’auront peut-être jamais lieu.
Qu’elle ne fut pas sa surprise quand le 15 mars 2023, Guillaume a trouvé porte close devant l’auto-école Bisontine, établissement dans lequel sa fille de 23 ans prenait régulièrement des cours de conduite. Un premier coup de fil sans réponse, puis un second, avant de comprendre via un article de presse paru le jour-même : le gérant de l’auto-école a été interpellé la veille, le mardi 14 mars, dans une affaire d’escroquerie en bande organisée.
L’établissement bisontin aurait délivré plusieurs centaines de permis de conduire à des personnes ayant raté leur examen, moyennant une somme de 2.000 euros à chaque fois. Un stratagème soigneusement élaboré aux côtés d’un examinateur complice, mais qui a fini par rattraper le patron de trois auto-écoles situées à Besançon. Au total, le préjudice s’élèverait à plus de 400.000 euros. Cinq autres personnes ont été mises en examen dans cette affaire, et 73 000 euros ont également été retrouvés en liquide par les enquêteurs.
"J'ai avancé 1.254 euros pour mon fils en début d'année"
Mais les conséquences de cette escroquerie ne s’arrêtent pas là. Car depuis, l’auto-école a fermé ses portes, laissant pour seule réponse à ses nombreux clients un écriteau placardé sur la porte : « établissement fermé ». "J’ai avancé la somme exacte de 1254 euros pour le permis de conduire de mon fils de 16 ans en début d’année" nous confie Juliette, 40 ans, "J’ai payé l’intégralité de sa formation : le code, les leçons de conduite. C’est beaucoup d’argent. Une somme que j’économisais depuis plusieurs années et que je ne suis pas certaine de pouvoir récupérer" s’inquiète-t-elle.
Comme elle, Guillaume a dû s’y résoudre : sa fille de 23 ans ne passera pas son permis de conduire comme prévu dans les prochaines semaines. Et c’est désormais un véritable casse-tête qui débute pour envisager un changement d’auto-école. "Je n’ai pas perdu d’argent, car ses cours étaient terminés, mais il fallait absolument que je récupère son dossier pour l’inscrire dans une autre école" raconte le père de famille, "J’ai d’abord appelé la gendarmerie, qui m’a renvoyée vers le Tribunal de Commerce. Et on a fini par me conseiller de contacter l’UFC Que choisir et de réexpliquer mon cas par écrit, dans un mail".
Des clients dans l'impasse
À ce jour, Guillaume est toujours sans réponse de l’administration judiciaire. Et il continue de conduire lui-même sa fille au travail. "C’est compliqué pour elle. Elle a raté deux fois son permis. Elle a été hospitalisée pendant une longue période. Nous n’avions pas vraiment besoin de ça, mais nous ne sommes pas les plus à plaindre. Certaines personnes ont dû perdre beaucoup d’argent, car leurs enfants n’ont pas pu aller au bout de leurs leçons" souligne le papa.
"J'avais prévu de retourner à l'auto-école, rue Delavelle, dans les 15 prochains jours pour passer à nouveau mon permis" témoigne de son côté Elise (prénom modifié), Bisontine de 29 ans, qui a déjà raté deux fois l'examen, "Je ne sais pas comment je vais faire. Quelle solution envisager. Si je dois changer d'établissement, il va falloir que je paye à nouveau des frais de dossiers ? Cela m'avait coûté 300 euros" s'interroge la jeune femme. Elle avoue par ailleurs se poser des questions sur le déroulé de ses précédents examens : "Je n'avais fait aucune erreur éliminatoire. Ça s'était très bien passé. Du coup maintenant avec cette affaire, je me demande si ça ne faisait pas partie de leur stratagème pour ne pas donner le permis à certains élèves".
Que va faire la justice ?
Des réponses, Juliette a fini par en obtenir quelques-unes auprès du Tribunal judiciaire, qui aurait désigné un administrateur chargé de la gestion de l’auto-école depuis sa fermeture, information que nous n’avons pour l’instant pas été en mesure de nous faire confirmer par le procureur de la République de Besançon. "Cet administrateur m’a dit qu’il venait de récupérer le dossier de mon fils et qu’il allait en prendre connaissance. Mais cela ne répond pas à toutes mes questions » s’inquiète encore Juliette, "Je voudrais savoir si mon fils pourra reprendre ses cours ou non. L’auto-école va-t-elle rester fermée, va-t-elle pouvoir rouvrir avec ses moniteurs ? Est-ce que je pourrai récupérer mon argent ?". Autant d’interrogations auxquelles la justice devra répondre, car les victimes sont aujourd’hui nombreuses.
Comme d’autres parents d’élèves, Juliette aimerait désormais pouvoir entrer en contact avec d’autres victimes indirectes de cette affaire : "Il faudrait qu’on puisse faire une liste de parents pour monter une association, obtenir de l’aide, voire se porter partie civile dans l’éventualité où nous devrions prendre un avocat" envisage la quadragénaire. Un juge d’instruction a été désigné et l’enquête se poursuit afin de déterminer l’ampleur exacte de cette fraude massive. Contacté, le procureur de la République de Besançon, Etienne Manteaux n'a pas encore répondu à nos questions.