Le documentaire "Sans toit ni choix" nous raconte l’histoire de quatre personnes vivant dans la précarité, dans les rues de Besançon. Suite à une rupture familiale ou de mauvaises fréquentations, ils sont ou ont été SDF. Ils se confient avec pudeur, mais sans détours, sur leurs parcours de vie.
SDF est une abréviation qui signifie "sans domicile fixe". Il désigne une personne n'ayant pas de logement pour l'accueillir régulièrementent afin d'y dormir, se laver et recevoir du courrier.
Ce sigle recouvre une réalité sociale, une réalité statistique, un symptôme de notre société occidentale. Car, bien que considéré comme un pays "riche", la France compte de nombreuses personnes qui n’ont pas de toit et doivent dormir dans la rue ou dans une structure d’accueil temporaire.
Selon le dernier recessensement de l’INSEE, en 2012, ils étaient environ 143 000, un nombre qui avait progressé de 50 % en 10 ans. En 2019, les associations qui viennent en aident aux SDF estimaient qu'ils étaient environ 200 000 ( hommes, femmes et enfants).
Mais derrière ce sigle et ces chiffres, il y a des hommes et des femmes qui chacun a une histoire singulière, même s’ils peuvent partager certains points communs.
Le documentaire, "Sans toit ni choix", réalisé par David Perrot et Stéphane Bonnotte, nous emmène loin de nos préjugés, au cœur de la réalité de quatre d’entre eux, une femme et trois hommes, des jeunes et des moins jeunes. Brian 19 ans, Lohana 26 ans, Guillaume 41 ans et Jacques 69 ans ont connu les nuits froides dans les rues de Besançon ou la promiscuité des foyers d’accueil.
Loin des préjugés, quatre histoires humaines singulières
Avant de tourner le documentaire "Sans toit ni choix", David Perrot et Stéphane Bonnotte ont sillonné les rues et ouvert les portes des structures d’accueil de la ville de Besançon, à la rencontre de ceux qu'on appelle les SDF. Ils ont également rencontré des travailleurs sociaux et des bénévoles comme Serge, Ludo, Joël et bien d’autres, qui leur ont donné des clés de compréhension, les ont aidé à entrer en contact avec ces hommes et ces femmes en grande fragilité et à gagner leur confiance.
"Sans toit ni choix" pose un regard sur quatre d’entre eux et nous raconte l’histoire de leurs vies, mettant souvent à mal nos préjugés. Lohana, Brian, Guillaume et Jacques ont un point commun, celui de vivre dans la précarité à Besançon, comme 1 600 autres personnes dans cette ville. Avec beaucoup de franchise, ils nous parlent de leur quotidien et nous confient comment ils en sont arrivé là.
Lohana et Brian "des enfances difficiles"
Pour Ludovic, coordinateur de l’accueil de jour de l’association la Boutique de Jeanne Antide, les SDF ont souvent en commun une enfance difficile.
C’est le cas de Brian et Lohana dont les visages nous rappellent que leur enfance n’est pas si loin.
• Brian, 19 ans, survit dans la rue depuis qu’il a 17 ans avec chaque jour la même préoccupation : trouver à manger et un endroit où dormir le soir.
Aujourd’hui, il est majeur et en veut beaucoup à ses parents. En 10 ans, il a connu 17 familles d’accueil.
Depuis que je suis gamin c’est la misère. Mon père et ma mère ne sont rien, pour moi ce ne sont pas des parents.
Brian
Diagnostiqué bipolaire, la vie de Brian n’est pas simple. À certains moments, il est vraiment très mal et ses relations avec les autres sont difficiles. Il lui arrive de préférer dormir dans la rue, plutôt que de risquer de se faire voler ses cigarettes et ses affaires dans un foyer, même s’il dit détester la solitude.
Le monde de la rue n’est pas un monde solidaire
Stéphane Bonotte, réalisateur
Toute la richesse de Brian se trouve dans un caddie qui l’accompagne tout au long de la journée. C’est là qu’il range la couverture sur laquelle il s’installe devant le théâtre de Besançon qu'il considère comme son chez-lui.
C’est ma baraque ici mais il n’y a pas de chauffage, pas d’électricité, pas d’eau… et pas de cuisine.
Brian
Pour se réchauffer, Brian aime se rendre à la bibliothèque universitaire où, aux côtés de jeunes de son âge, il peut jouer sur un ordinateur et consulter son compte Facebook. Sur sa page, on ne voit pas défiler de messages de soutien mais ses appels au secours en lettres blanches sur fond noir.
Difficile de ne pas être ému lorsque Brian s’assoit à la terrasse d’un café en disant au serveur qu’il a de quoi payer sa consommation. Pour lui, l’espace de quelques instants, la réalité de la rue, la mendicité et l’isolement, s’estompent, lui laissant le sentiment d’être un jeune homme juste ordinaire.
• Pour Loana, 26 ans, l’enfance n’a pas été un âge heureux. Des parents séparés très tôt, une adolescente faite d’automutilation et de décrochages scolaires ont fini par un placement en foyer jusqu’à ses 18 ans.
C’est à sa majorité qu’elle a connu la rue, lorsque sa mère a refusé de l’accueillir. C’est aussi à cet âge qu’elle a commencé à fréquenter l’accueil de jour de la Boutique Jeanne Antide.
A 26 ans, Lohana est déjà maman de deux jeunes enfants qui sont placés en famille d’accueil.
C’est difficile pour moi de voir que mes enfants ont vécu la même chose que moi.
Lohana
Aujourd’hui, elle a un appartement et espère trouver une bonne situation pour les reprendre avec elle et les élever.
Malgré une vie chaotique, Lohana est une jeune femme qui aime la vie et chanter, ce qu’elle fait accompagnée par frère Jacques, un franciscain musicien, bénévole à la Boutique.
Le festival A domicile, qui réunit une fois par an des musiciens locaux et des SDF, est un grand moment dans sa vie. C’est l’occasion pour elle de chanter, et d’oublier les difficultés. Dans sa belle robe de scène blanche, l’espace d’une soirée, elle se transforme en Maryline.
Guillaume, la rue un véritable choix de vie
Guillaume est un quarantenaire érudit qui manie les mots avec une grande aisance. Quand il s’exprime, on est immédiatement frappé par l’élaboration de sa pensée et sa lucidité. Les mots ne viennent pas par hasard, ils sont justes, précis, sans complaisance.
J’ai eu des parents normaux, je n’ai pas vécu de traumatisme mais j’ai toujours eu un sentiment d’inadaptation.
Guillaume
Enfant, il était déjà atypique. À huit ou neuf ans, l’idée de suicide lui traversait l’esprit et, à l’âge du lycée, il préférait passer du temps avec des marginaux avec lesquels il se sentait mieux qu’avec ses camarades lycéens ou sa famille "A cet âge-là, ces punks ont été une issue de secours pour moi."
Aujourd’hui, Guillaume a gardé un look de punk, ses chiens sont toujours à ses côtés, mais après deux ans d’attente, il a désormais un appartement. Il reconnaît que cela lui apporte une plus grande sécurité mais regrette la liberté à laquelle il a dû renoncer. Après 20 ans dans la rue, en compagnie de son "pire ami" (l’alcool), les factures, les démarches administratives, les objets représentent de grosses contraintes pour lui.
J’ai aimé vivre dehors. Parfois tu es dehors, au milieu de nulle part et tu aimes ça car le monde t’appartient.
Guillaume
Guillaume est un véritable poète, conscient de son talent, qui réfléchit sans cesse à ce qu’il va écrire. Il a déjà sorti un recueil de poésie et aujourd’hui, il aimerait être reconnu.
Son livre Conscience et violence a trouvé sa place dans la vitrine d’une librairie bisontine, aux côtés des ouvrages d’autres poètes. Il a même eu l’occasion de les lire devant un public de lecteurs envoutés par la musique de son écriture et, l'espace d'une lecture, se sentir un écrivain reconnu.
Jacques, un parcours romanesque
Né avec "une cuillère en or dans la bouche", rien n’aurait pu laisser imaginer que la rue ferait un jour partie du quotidien de Jacques, 69 ans. Son histoire est atypique, on la croirait sortie d’un roman.
Ma vie n’est pas racontable car si je la racontais on ne me croirait pas.
Jacques
Jacques est né dans une famille de notables très aisée et a passé son enfance et sa jeunesse dans une vaste propriété près de Besançon. C'est là que son père est enterré. "Quand je reviens j’ai l’impression que je reviens chez moi et d’y habiter encore. J’ai l’impression que c’était hier."
Il y a 13 ans, il a sombré dans la précarité suite à un amour fou et la consommation de cocaïne qui lui ont fait perdre la raison et son argent. Il est revenu à Besançon où il s'est retrouvé isolé. Il a commencé à dormir sur un banc, le début d'une véritable descente aux enfers !
Aujourd’hui encore, il n’est pas sûr qu’il ne retomberait pas dans le piège où l'ont emmené les sentiments qu’il a eus pour cette femme.
Stéphane Bonnotte, réalisateur
Après avoir passé du temps dans la rue, Jacques a désormais un logement dans une résidence sociale, l’Agora. Mais, "la solitude lui pèse énormément", le manque d’argent l’empêche souvent d’aller en ville, à la rencontre des autres et tout simplement boire un café.
Assis à sa table, il aime regarder les photos qui lui rappellent les jours heureux de cette jeunesse dorée "Je rêve de mes voyages car je suis cloitré dans ma chambre."
Devant les photos, l’espace d’un moment, Jacques se replonge dans son passé et a l’impression d’y être encore.
La vie sans toit, peut-elle être un choix ?
En écoutant l'histoire de Brian, Lohana, Guillaume et Jacques, on ne peut que se questionner. la rue a-t-elle été un véritable choix ? Peut-on réellement choisir une vie aussi précaire et difficile ? Ne faut-il pas, là encore, nous méfier de nos préjugés ? La revendiquer, n’est-ce pas une façon de redevenir acteur de sa vie plutôt que de la subir ?
Selon Ludovic, coordinateur de l’association la Boutique Jeanne Antide, si on demande à des SDF s’ils ont fait le choix d’être dans la rue, la plupart du temps ils répondent oui. Mais en fait c’est un choix subi, un choix par défaut.
Entre la rue et des coups de poings dans la gueule moi je pense que j’aurais choisi la rue.
Ludovic, coordinateur de l’association la Boutique Jeanne Antide
Dans le documentaire "Sans toit ni choix", Brian Lohana, Guillaume et Jacques expriment leurs choix, lorsqu'ils nous parlent de leur avenir. Aucun d’eux ne se projette dans une vie dans la rue.
Bryan se voit avec "un appart, un boulot, et ses gamins " car il trouve que la vie qu’il mène est moralement dure et il craint le moment où il n’y arrivera plus.
Lohana aimerait que cela aille mieux en trouvant un appartement et un travail. Cela lui permettrait de reprendre ses enfants avec elle.
En rêvant devant les images de son passé, Jacques ne peut pas envisager que cette vie-là puisse continuer. Il croit encore à un miracle qui le sortira de là.
Quand à Guillaume, le seul qui dise aimer ce que lui apporte la rue, il refuse l'étiquette de "punk à chien". Il espère continuer à écrire, éditer ses poèmes et les partager avec ses lecteurs.
"Sans toit ni choix" : un film documentaire réalisé par David Perrot et Stéphane Bonnotte
Une coproduction "Dans la boucle productions" et France Télévisions
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