Dans la nuit du 29 au 30 juin 2023, le supermarché Euromarket, située avenue Ile-de-France, à Besançon, était saccagé lors des émeutes ayant suivi la mort du jeune Nahel, tué par un policier. La fermeture temporaire du lieu a laissé un grand vide chez les habitants du quartier de Planoise. Six mois plus tard, le 23 décembre exactement, la grande surface a rouvert ses portes. Non sans émotions.
Une arche de ballon bleu-blanc-rouge. Un cordon tricolore, attendant d'être coupé. Et derrière celui-ci, aux côtés de la maire de Besançon Anne Vignot, qui tient les ciseaux, un visage radieux, celui de Fatma Karihman. Samedi 23 décembre, à 11 heures, la jeune femme peut savourer la ré-ouverture de son magasin, le supermarché Euromarket, situé avenue Ile-de-France, à Besançon, une grande surface bien connue des habitants du quartier de Planoise.
Très heureuse d’avoir participé à la réouverture de l'Euromarket dans le quartier de #Planoise.
— Séverine Véziès🔻⏚ (@SeverineVezies) December 23, 2023
Je sais les habitant•es tres heureux de retrouver leur magasin de proximité.
Bravo à Fatma KAHRIMAN et à toute son équipe pour toute cette énergie déployée ces derniers mois ! pic.twitter.com/sEVc5B7rnc
Pourtant, depuis six mois, les portes d'Euromarket étaient closes. Pourquoi ? Remontons six mois en arrière, dans la nuit du 29 au 30 juin 2023. La France s'embrase alors après le meurtre du jeune Nahel, le 27 juin, tué par un policier lors d'un contrôle. En réaction à cette mort violente, des émeutes voient le jour dans de nombreuses villes françaises. Besançon n'y échappe pas et les grilles du magasin Euromarket sont ainsi forcées, avant que les rayons soient pillés par une centaine de personnes.
L'image des caisses prêtes à fonctionner et des rayons remplis ce 23 décembre contrastent avec les dégâts considérables de l'été qui restent, encore aujourd'hui, dans la mémoire de Fatma Karihman. "J'ai pleuré quand j'ai vu ce désastre" se souvient-elle au micro de nos journalistes Inès de Pampelonne et Lilia Aoudia. "J'étais énervé, déçue. Je me disais : "pourquoi ils nous ont fait ça". On a peu l'impression d'avoir été trahi, car on accueillait tous les habitants, même si les pilleurs ne représentent pas la population de Planoise".
Ce quartier est mal vu de l'extérieur. Mais en travaillant ici, on voit des gens de Planoise superbes. Le supermarché ramenait aussi beaucoup de monde venus des autres communes. Les gens me demandaient : "c'est quand que vous ré-ouvrez", "on reviendra", "on est avec vous". Cela m'a donné la force de tourner la page
Fatma Karihman,directrice du magasin Euromarket
Cette journée de l'horreur a été suivie de semaines difficiles, entre soutien moral à l'équipe en place, rendez-vous avec les assurances, etc. Des questions, il y en a eu, mais avec toujours une certitude, la réouverture. "Avec ma famille, mon équipe, on est fort psychologiquement" assure-t-elle. "On a réussi à tourner la page. Il y a des gens adorables ici. J'ai pensé à eux, on s'est appuyé là-dessus et on est reparti. Rouvrir aujourd'hui, c'est beaucoup d'émotions".
Ces "gens adorables" dont parle Fatma, ce sont eux, les clients de tous les jours, qui ont aussi souffert de la fermeture de leur magasin. Nicole en fait partie. "C'est un jour très spécial" dit-elle. "Je commençais à désespérer de cette réouverture. Je ne suis pas motorisé, donc ce magasin était important pour moi. Revenir ici la veille de Noël, c'est magnifique".
Sofiane vit à Planoise depuis 20 ans. Pour lui, l'Euromarket a aussi une importance sociale. "C'est un commerce de proximité avec des produits de toutes les cultures" concède-t-il. "En plus, ils employaient beaucoup de jeunes qui n'arrivaient pas à trouver des stages car ils n'avaient pas le permis, ou à cause des discriminations. Même chose pour les personnes âgées, qui pouvaient venir facilement. Et puis ici, on voit des gens de toutes les couleurs. La réouverture est une très bonne nouvelle".
Plusieurs centaines de clients présents à l'ouverture
Preuve de l'importance du moment et du lieu, la maire Anne Vignot avait fait le déplacement. "Cette réouverture, c'est le symbole que les Planoisiens sont des personnes courageuses qui veulent que leur quartier vive" assure-t-elle. "Fatma, malgré le traumatisme du pillage, n'a rien lâché. Je la remercie pour son courage et sa générosité".
Nous avons accompagné Fatma dans ses démarches auprès de la justice, auprès des assurances. La société foncière publique Aktya, dont je suis présidente, est propriétaire des murs. Donc nous avons rénové la façade, installé des rideaux plus solides. On aime ce quartier, on voulait le soutenir et lui redonner ce magasin.
Anne Vignot,maire de Besançon
Mission réussie. Fatma Karihman, elle, a enfin le sourire, répondant à chaque petite attention et en en recevant aussi, comme ce bouquet de roses offerts par l'association de quartier "Planoise Valley". La preuve d'un attachement réciproque pour le magasin, qui n'a rien perdu de sa popularité, au contraire. Ce 23 décembre, l'Euromarket de Planoise aura ainsi accueilli plusieurs centaines de clients. Un retour aux bonnes vieilles habitudes. Et un Noël avant l'heure.