"Stop à la violence" : à Besançon, des habitants de Planoise écrivent à Emmanuel Macron pour pouvoir "vivre en toute insouciance, sans craindre pour leur vie"

Un collectif d'une vingtaine de personnes a adressé une lettre au Président de la République pour faire part de leur "sentiment d'abandon" à Planoise. Ce quartier de Besançon fait face à la violence, engendrée par le trafic de drogue.

C’est une lettre adressée à Emmanuel Macron, une lettre de colère et de lassitude des Planoisiennes et Planoisiens. En deux ans, ce quartier de Besançon a vu quatre de ses adolescents succomber aux balles et d’autres encore grièvement blessés par des tirs.

Voilà plusieurs années désormais que Planoise et ses 22 000 habitants subissent le trafic de stupéfiants, et la brutalité des rivalités claniques. Le 20 décembre 2022, une vingtaine de riverains et d'anciens riverains ont donc décidé d’exprimer leur sentiment d’impuissance face à la violence qui gangrène cette ville dans la ville. Une manière d’interpeller l’Etat sur leur situation.

Une habitante témoigne

“Ce sont nos jeunes qui sont ciblés si on ne stoppe pas la violence”, confie l’une des membres du collectif. Cette mère de famille souhaite que cette lettre changera la donne. Elle martèle : “On espère des moyens, des moyens !”

Le mouvement, constitué uniquement de Planoisiennes et Planoisiens, refuse toute  “récupération politique”. Peut-être est-ce une réponse au communiqué de Ludovic Fagaut (LR), le 3 janvier 2023, qui lançait alors que "l'appel au secours des habitants de Planoise ne [devait] pas rester sans réponse". Le Vice-Président du Département du Doubs enjoignait même la mairie à organiser un Conseil municipal dans ce quartier.

“Le trafic de drogue dans le quartier est un fléau qui existe depuis des décennies, il existait déjà du temps de Jean-Louis Fousseret, l’ancien maire de Besançon”, affirme la signataire, balayant ainsi les critiques de l'opposition faites à la maire de Besançon, Anne Vignot. Elle espère juste que les élus, se “concentreront” sur ce problème qui “pourrit la vie du quartier”.

La lettre ouverte

Monsieur le Président de la République
Monsieur le Ministre de l’Intérieur
Monsieur le Ministre de la Justice Garde des Sceaux
Monsieur le Préfet du Doubs
Madame la Maire de Besançon

Besançon, le 20 décembre 2022

À Besançon, Planoise appelle au secours !

Harry*, 23 ans, abattu à bout portant au volant d’une voiture en mars 2020.
Léon*, 17 ans, tué par balle en plein cœur en mai 2020.
Amir*, 15 ans, tué par balle dans la nuque, en août 2022.
Almin*, 15 ans, tué par balle dans le thorax, en décembre 2022.
Avec cette nouvelle tragédie, les Planoisiens n’ont pas le cœur à fêter Noël. Almin* est un adolescent de plus à qui on a arraché la vie dans la fleur de l’âge, assassiné par balle dans notre quartier.

Ces adolescents abattus et plusieurs autres grièvement blessés n’ont eu que le tort d’être au mauvais endroit au mauvais moment, mais quand bien même ils auraient été recrutés pour le très prospère – dit-on – trafic de stupéfiants, ce sont des victimes. Victimes de tirs d’armes à feu ou victimes collatérales de trafiquants, quelle que doive être la conclusion des enquêtes, pour nous ce sont d’abord des jeunes souvent du quartier, et des victimes.
À chaque tragédie, les Planoisiennes et les Planoisiens se sont mobilisés spontanément en exprimant leur refus de cette violence en organisant des marches blanches ou des rassemblements pacifistes alertant ainsi les pouvoirs publics sur cette situation dramatique. La participation des Planoisiennnes et des Planoisiens aux différentes réunions témoigne de l’implication active des habitants pour faire part de leurs inquiétudes et trouver des solutions.

Depuis l’assassinat d’Amir*, déjà, plusieurs familles n’envoyaient plus leurs jeunes enfants pratiquer des activités sportives ou de loisirs. Maintenant elles n’osent plus les laisser sortir du tout, réduisent leurs propres sorties au strict minimum - peut-on imaginer l’angoisse des mères quand leurs ados veulent simplement retrouver leurs copains ? Dans la partie centrale du quartier, la plus touchée, les gens ont peur.
Alors que Planoise a déjà trop souffert par le passé de la délinquance et du narcobanditisme, nous subissons en effet depuis plusieurs mois une résurgence de la violence avec des rafales et des tirs avec des armes à feu qui retentissent de plus en plus dans tout le quartier et de plus en plus tôt dans la journée.

Dans ce quartier où la rénovation urbaine consiste à démolir sans remplacer ni compenser, où les habitants se voient expulsés de leurs logements condamnés et obligés d’aller habiter nettement plus loin, le sentiment d’abandon est très fort. Les habitants en sont les premières victimes, on peut parler d’une non-assistance à quartier en danger.
Alors, quand la presse annonce que la police municipale a ordre de ne pas intervenir sur les lieux de deal – officiels, comme chacun sait... On peut comprendre que ces policiers ne soient pas formés pour intervenir et se mettre en danger, mais de là à leur demander d’aller voir ailleurs !
Rappelons que cette cité qui a compté jusqu’à 20 000 habitants ne dispose pas de commissariat de Police digne de ce nom.

Monsieur le Président, Monsieur le Préfet, Madame la Maire, nous croyons que les Planoisiens ont aussi le droit de vivre en toute insouciance, sans craindre pour leur vie, pour celles de leurs proches et de leurs enfants. Ils ont le droit à la tranquillité publique. Les Planoisiens réclament ce droit garanti par la Loi Article L111-1 : « La sécurité est un droit fondamental et l'une des conditions de l'exercice des libertés individuelles et collectives.
L’État a le devoir d'assurer la sécurité en veillant, sur l'ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre publics, à la protection des personnes et des biens.
Il associe à la politique de sécurité, dans le cadre de dispositifs locaux dont la structure est définie par voie réglementaire, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ainsi que les représentants des professions, des services et des associations confrontés aux manifestations de la délinquance ou œuvrant dans les domaines de la prévention, de la médiation, de la lutte contre l'exclusion ou de l'aide aux victimes.
 ».

L’État doit assumer son rôle de protecteur. Nous avons grand besoin que le plus grand nombre possible de services d’État spécialisés – police plus présente et une justice plus efficiente et ferme quant à l’application des peines – soient encore davantage mobilisés pour venir à bout de ce trafic, et besoin peut-être plus encore d’actions fortes sur le plan social qui prouvent aux
Planoisiens qu’ils ne sont pas des citoyens de seconde zone et qu’on prend en considération leur ressenti et leurs besoins. Les enfants de Planoise aspirent comme tous les enfants de la
République à vivre en sécurité et à réussir en tant que citoyens. Nous avons tous besoin d’être rassurés et protégés.
Nous sommes conscients que l’État ne peut tout résoudre. Certaines familles en difficulté ont sans doute besoin d’un accompagnement dans leurs responsabilités parentales. Nous pensons que ce travail peut être fait « tous ensemble » avec le soutien de L’État et des collectivités territoriales.

En cette période qui devrait être festive, nous, citoyens de Planoise, nous nous trouvons dans une période de tristesse et de désarroi. C’est pourquoi, nous attendons avec beaucoup d’espoir que cet appel soit entendu et souhaitons toute l’aide possible pour redonner un horizon lumineux aux familles et surtout aux enfants.

Nous vous remercions de votre lecture et vous prions de recevoir notre considération dévouée.

Signataires du Collectif “Stop à la violence !” :

Mme Aurore AMERIQUE, Comptable.
M. Bouchta BARZANI, Enseignant.
Mme Fathia BELABCHIA, Agent de propreté.
Mme Imane EL’OUASSIT, Auxiliaire de crèche.
Mme Nadia FAKIR, Comptable.
M. Sami FHIMA, Chef d’entreprise.
Mme Audrey FLEUROT, Mère au foyer.
Mme Bernadette FORNOT-ATTALAH, Juriste en retraite.
Mme Djamila GHEIDENE, Consultante indépendante
Mme Nadia HACHEMI, Agent hospitalier.
M. Lazhar HAKKAR, Médecin.
Mme Nouara HAKKAR, Aide à la personne.
Mme Ouarda HAKKAR, Gardienne d’immeuble.
Mme Habiba HAKKAR-BECHELEM, Chargée d’information et d ?orientation.
Mme Alma MAGLIC-SILAJ, Agent hospitalier.
Mme Sophia MAHDAOUI, Gérante Pompes Funèbres.
Mme Hakila MEMEDOV, Agent hospitalier.
Mme Nora MLEHA, Agent de propreté.
Mme Fatma NACIRI, Agent hospitalier.
Mme Meriem RAHAL, Artisane en maroquinerie.
Mme N'guyen Sarah N’GUYEN, Comptable.
Mme Bariza SOULA, Agent des services hospitaliers à la retraite.
M. Gazi TOPBAS FILS, Commerçant.
Mme Naima TOUEL, Agent de propreté.
Mme Sonia VILLY, Mère au foyer.
Et bien d’autres

 

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