Depuis le 25 mars 2024, la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) cherche à élargir son réseau de familles d'accueil prêt à assurer l'hébergement d'un jeune suivi par la justice. Celui-ci est en effet très réduit. Dans les quatre départements de Franche-Comté, la PJJ ne compte ainsi qu'une famille d'accueil, pour plus de 800 jeunes délinquants.
Retrouver un contexte de vie familiale stable pour se réinsérer. Revenir dans une structure de vie de famille pour se donner la chance de rebondir, après des premières années compliquées. Voilà tout l'enjeu de la dernière campagne lancée par le ministère de la Justice et la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : "vous avez tout pour devenir une famille d'accueil". Son objectif : trouver des familles d'accueil pour accueillir et héberger des jeunes délinquants.
Cet appel national trouve particulièrement son écho en Franche-Comté. Ici, la Direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse est implantée à Besançon (Doubs) mais couvre également les départements voisins que sont la Haute-Saône, le Jura et le Territoire de Belfort. Sous sa charge, entre 850 et 1 000 mineurs, la plupart âgé de 13 à 18 ans, suivis par la PJJ après une décision de justice faisant suite à une infraction. Et sur ce total, seul un jeune a été placé dans l'unique famille d'accueil franc-comtoise pour jeunes délinquants.
Depuis trois ans, nous n'avons en effet plus qu'une famille d'accueil pour des jeunes ayant commis des infractions. On en avait trois au maximum. C'est une question très complexe.
Sylvie Mayayo,conseillère technique territoriale à la PJJ de Franche-Comté
Complexe, oui, et à plusieurs niveaux. À titre d'exemple, en France, sur les plus de 131 000 jeunes suivis par la PJJ en 2023, ils n'étaient que 665 à être en famille d'accueil. "On n'a que 500 familles d'accueil pour jeunes délinquants sur le territoire" précise Sylvie Mayayo. Pourquoi cela ? "La première raison, c'est souvent la crainte d'avoir à gérer seul un adolescent compliqué. Mais ce n'est pas le cas, la PJJ accompagne les familles en temps réel, 24h sur 24. La famille d'accueil ne se substitue pas aux éducateurs spécialisés".
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Dans son communiqué, la PJJ précise ainsi que si "la famille d'accueil assure l'hébergement, le couvert et offre des repères de vie", le reste de la journée, "le jeune est généralement à l'extérieur (en formation, en stage, ou accueilli dans une unité d'activités de jour de la PPJ". De plus, "en cas de difficulté, ou tout simplement si elles ont besoin de conseil ou de soutien, les familles d'accueil peuvent à tout moment solliciter l'astreinte (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24) de professionnels de la PJJ (éducateurs, psychologues)".
Ceux-ci assurent une réponse téléphonique en première ligne, et peuvent se déplacer sur les lieux en cas de besoin.
Communiqué de la PJJ
Mais malgré ces assurances, peu de familles d'accueil se bousculent au portillon. "On peut penser que le mode d'indemnisation explique en partie nos difficultés" reprend Sylvie Mayayo. Et pour cause, contrairement aux familles d'accueil de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), qui touche un salaire mensuel déterminé par le département, les familles d'accueil pour jeunes délinquants touchent une indemnité journalière de 45 euros par jour. Qui, rapportée au mois, est moins élevée que le montant mensuel touché par une assistante sociale de l'ASE, pour une mission parfois plus difficile.
Cette somme est fixée par le gouvernement et son augmentation ne semble pas être à l'ordre du jour. Enfant difficile, maigre indemnisation... Voilà les critères qui peuvent expliquer le manque de volontaires. Pourtant, selon Sylvie Mayayo, "les familles volontaires gagnent à soutenir l'État dans ses missions d'accueil. C'est une très belle action civique, citoyenne et cela aide ces jeunes à se reconstruire, sans être réduits à leurs infractions".
La famille d'accueil, outil de réinsertion optimale ?
En effet, remettre un jeune au sein d'un collectif, d'une cellule familiale "permet de proposer un accompagnement adapté aux profils de certains mineurs qui ont besoin d'un contexte de vie stable et sécurisant pour poursuivre leur projet d'insertion sociale et professionnelle". Projet qu'ils ne pourraient atteindre "dans leur environnement quotidien, parfois à l'origine de leurs parcours délictuels".
Mais en Franche-Comté, seuls 20 jeunes, sur les plus de 850 suivis par la PJJ, ont été placés hors de leur famille. 19 au sein du seul établissement de placement et de réinsertion active de Franche-Comté, situé à Besançon, ou dans des foyers de jeunes travailleurs. Et un seul, on l'a dit, dans l'unique famille d'accueil.
Il n'y a pas une solution unique à la réinsertion d'un jeune ayant commis des infractions. Parfois, il est mieux qu'il reste chez lui ou aille en foyer plutôt qu'en famille d'accueil. Mais il est vrai que nous faisons avec nos capacités et structures d'accueil disponibles.
Communiqué de la PJJ
En plus des familles d'accueil, un manque d'éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
Ce qui influence, forcément, les décisions de la PJJ, plus amenée à laisser les jeunes chez eux par manque d'établissements adaptés, de places en foyer et donc de famille d'accueil. Des jeunes qui seraient plus épanouis en famille d'accueil sont donc dans un dispositif qui ne leur permet pas une reconstruction optimale, alors que le manque d'éducateurs d’éducateurs de la PJJ se fait aussi sentir, poussant à faire appel à de nombreux contractuels.
Les choses vont-elles changer avec cette campagne de recrutement ? Réponses dans quelques mois. En attendant, le ministère de la Justice précise que cet appel "s'adresse à tous ceux qui souhaitent accompagner un adolescent en difficulté. Femme ou homme, célibataire ou en couple, avec ou sans enfants, en activité ou retraité... L'essentiel est de disposer de qualités relationnelles, d'écoute, d'autorité et de patience". Si vous êtes intéressés, rendez-vous sur le site internet lajusticerecrute.fr