Ce mardi 6 juin, la majorité des professeurs du lycée Tristan Bernard, à Besançon (Doubs), sont en grève. Tous dénoncent la nouvelle réforme de la voie professionnelle officialisée par le gouvernement il y a quelques mois, qui pourrait conduire à la disparition de leur établissement.
"Non à l'orientation obligatoire pour les jeunes de Tristan Bernard", "touche pas à mon lycée pro", "à la benne le lycée pro ?". Mardi 6 juin, ce sont les messages qu'on pouvait voir affichés sur les grilles du lycée professionnel Tristan Bernard, à Besançon. L'établissement, installé depuis la fin des années 60 dans le quartier de Planoise, accueille près de 400 lycéens.
Depuis 7h30 du matin, une trentaine de professeurs et d'élèves de l'établissement sont réunis à l'entrée de leur lieu de travail avec un objectif : "faire grève pour dénoncer la casse des filières professionnelles organisées par le gouvernement" annonce Sandrine Cadon, professeure d'arts appliqués à Tristan Bernard depuis 27 ans.
Il y a un mois, le président Emmanuel Macron annonçait en effet une réforme des lycées professionnels dès la rentrée 2023. Une réforme jugée nécessaire pour "réindustrialiser le pays" selon le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye, qui prévoit la fermeture progressive de 80 filières "qui ne répondent plus au marché de l'emploi, surtout dans le secteur tertiaire". Autres annonces phares : l'augmentation du temps passé en entreprise, sous forme de stages. Des périodes qui seront désormais également rémunérées.
"À Tristan Bernard, nos filières en "accueil", "commerce-vente" et "gestion-administration" vont mourir à petit feu" dénonce Sandrine Cadon. "Le rectorat va commencer à réduire le nombre de places disponibles en classe de seconde dès septembre. Les conséquences seront désastreuses, à la fois pour les élèves, les professeurs, et le lycée".
70% des professeurs étaient en grève ce mardi selon les grévistes
C'est-à-dire ? "Pour les lycéens, c'est une orientation subie" continue Sandrine Cadon. "Ici, on accueille déjà des jeunes issus de milieu pauvre, voir d'extrême-précarité. Quand on va leur proposer d'aller gagner un peu d'argent en stage plutôt que de continuer les études, leur choix sera vite fait".
Pour les grévistes, "on pousse les jeunes vers le monde du travail et l'industrie dès 17-18 ans, tout en les coupant d'enseignements généraux indispensables à leur épanouissement personnel. C'est une réforme purement économique".
Les professeurs qui enseignent dans les filières prochainement supprimées sont, eux aussi, inquiets : "J'enseigne l'éco-gestion au lycée Tristan Bernard depuis 21 ans" explique Stéphanie Pepe, interviewée par notre journaliste Laurent Ducrozet. "J'ai encore 17 ans de carrière à faire. Qu'est-ce-que je vais devenir si on supprime mes heures de cours ?".
À cette question, le ministère de l'Éducation nationale encourage les reconversions vers les métiers de professeur en collège, professeur des écoles, ou bien vers les "bureaux des entreprises" au sein des lycées, qui permettront aux élèves de trouver des stages. Inenvisageable pour Stéphanie Pepe : "Ce n'est pas le même métier, ce n'est pas ce à quoi on a été formé. Et puis nous n'avons reçu aucune information officielle ! Quel mépris !"
Le lycée Tristan Bernard perdra son internat et son réfectoire à la rentrée
Enfin, c'est pour le lycée en lui-même que le personnel éducatif se fait du souci. "A mon arrivée à Tristan Bernard, nous étions 70 professeurs" indique Sandrine Cadon. "Aujourd'hui, nous sommes 42 et cela va encore baisser. À la rentrée, l'internat et le réfectoire sont transférés au lycée Victor Hugo. On assiste à une disparition de Tristan Bernard. On va se retrouver avec une centaine d'élèves répartis en 2 BAC Pro et 1 CAP".
Professeurs, élèves et parents d'élèves de l'établissement ont prévu de former un cortège pour se rendre à la manifestation contre la réforme des retraites. Départ à 14h depuis le parking Battant, à Besançon. "Deux mobilisations qui se rejoignent sur un point : elles sont cruciales pour notre avenir, et celles de nos jeunes" conclut Sandrine Cadon.