"C'est aussi un fléau pour l'environnement" : ces cartouches de protoxyde d'azote qui ne font pas rire un sénateur du Doubs

Jean-François Longeot a déposé une proposition de loi visant à appliquer le principe "pollueur payeur" aux producteurs de bombonnes de protoxyde d'azote. En plus d'une pratique à risque pour les jeunes, le sénateur centriste du Doubs dénonce aussi les dangers de ces déchets "orphelins" pour l'environnement.

C'est un sujet qui ne le fait pas rire du tout. Jean-François Longeot part en guerre contre ces bombonnes de gaz hilarant qui polluent trottoirs et poubelles. Le sénateur centriste du Doubs, qui a rejoint début mai Horizons, le parti d'Edouard Philippe, a déposé une proposition de loi au Sénat visant à appliquer le principe "pollueur payeur" aux producteurs de cartouches de protoxyde d'azote, un gaz aux effets euphorisants, lourd de risque pour la santé.

"Des déchets dangereux pouvant être à l’origine d’atteintes à l’environnement lorsqu’elles ne sont pas collectées ou traitées selon des méthodes appropriées", explique le parlementaire franc-comtois. Car pour le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (CATDD) de la Haute Assemblée, il est urgent d'agir contre ce qui représente aussi à ses yeux un "fléau environnemental".

Selon l'ancien maire d'Ornans (Doubs), "de nombreuses collectivités trouvent sur leurs terrains ce type de déchets utilisés par les jeunes qui en font une utilisation détournée". Ces bombonnes sont à l'origine destinées à la fabrication de crème chantilly ou de sodas, mais les jeunes les achètent désormais pour inhaler le gaz qu'elles contiennent. 

Dangereux pour la santé

"Taper un ballon" est devenu en effet très courant. Une étude de Santé Publique France, réalisée le 26 octobre 2023, a ainsi révélé que 13,7% des 18-24 ans avaient déjà consommé du protoxyde d'azote. Troubles neurologiques, confusion, faiblesse musculaire, perte de connaissance, les risques pour la santé sont pourtant nombreux et connus. Entre 2019 et 2020, le nombre de cas rapportés aux centres antipoison a été multiplié par trois selon l’ANSES.

Un véritable problème de santé publique, reconnaît Jean-François Longeot, déjà soulevé il y a trois ans exactement par sa collègue Valérie Létard. La proposition de loi de l'ex-sénatrice UDI tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote a été votée à l'unanimité. Depuis, la vente aux mineurs est notamment interdite. Le texte prévoit également de punir de 15 000 euros d’amende "le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs".

Menaces pour l'environnement

Mais les fameuses bombonnes représentent aussi une menace pour l'environnement. "Ces cartouches de protoxyde d’azote sont des déchets orphelins et n’ont leur place dans aucune poubelle", souligne Jean-François Longeot. "Il y a 5 ou 6 ans, on n'en entendait pas parler, confie-t-il à France 3 Franche-Comté, mais demandez aux maires aujourd'hui !"

Dans le département du Doubs, je suis régulièrement alerté par des élus qui me disent qu'ils retrouvent des bombonnes de protoxyde d'azote dans les abris bus, dans la rue, un peu partout. Et que personne ne les collecte.

Jean-François Longeot, sénateur du Doubs (Union Centriste).

Rien n'est prévu non plus pour leur traitement ou leur éventuel recyclage. Et lorsque ces cartouches sont tout de même récupérées par les collectivités territoriales, la facture grimpe très vite. Des surcoûts importants qui ne sont actuellement pris en charge par aucune filière de Responsabilité Élargie des Producteurs (REP), que ce soit celle des emballages ou celle des déchets dangereux.

Depuis le 1er janvier 2022 et l'adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), ce dispositif implique que les acteurs économiques sont responsables de l'ensemble du cycle de vie des produits qu'ils mettent sur le marché, de leur écoconception jusqu'à leur fin de vie. Voilà pourquoi Jean-François Longeot souhaite appliquer "un principe simple, celui du pollueur payeur", dit-il. "Cette Responsabilité Élargie des Producteurs doit sans cesse s'adapter et inclure les nouveaux produits." D'autant que ces cartouches de gaz peuvent provoquer des accidents ou des dégâts considérables dans les installations de traitement des déchets.

Explosions dans les centres de tri

En décembre dernier, le Syndicat mixte de Besançon et de sa région pour le traitement des déchets (SYBERT) avait justement alerté sur de violentes explosions dans son four d'unité de valorisation énergétique (UVE), provoquées par la présence de récipients sous pression (bouteilles de gaz, d'hélium, de protoxyde d'azote...) lors de l'incinération des ordures ménagères résiduelles (OMR). 

"C'est un triple problème sanitaire, sécuritaire et économique", dénonçait alors Alexandre Piton, directeur industriel du SYBERT, qui dénombre 600 bouteilles retrouvées en une année sur le centre de tri bisontin. Leur élimination coûterait en outre entre 20 et 30 euros chacune, soit un surcoût de 12 000 à 18 000 euros juste pour les récipients retrouvés dans les poubelles jaunes l'an passé.

En octobre, pour tenter de limiter ces consommations de gaz hilarant et les déchets, la ville de Belfort a interdit la consommation du protoxyde d'azote dans l'espace public. La municipalité a aussi lancé une campagne de sensibilisation auprès des jeunes.

Jean-François Longeot espère que sa proposition de loi sera inscrite très prochainement à l'ordre du jour d'une niche parlementaire de son groupe Union Centriste et votée par le Parlement. "Ce n'est pas un sujet politique ou polémique", souligne-t-il.

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