C’est la bonne nouvelle qu’un monde judiciaire exsangue attendait. Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a dévoilé jeudi 28 mars le détail de son plan massif de recrutements pour la justice d'ici à 2027. Les tribunaux de Franche-Comté se voient ainsi dotés de 58 postes de magistrats, de greffiers et d’attachés de justice.
Depuis trois ans, c’était presque devenu une tradition pour le monde judiciaire. Après chaque rentrée, un peu partout en France, les magistrats et les greffiers organisaient une journée « Justice morte » pour dénoncer le manque de moyens criant dans les tribunaux.
En déplacement le 28 mars à Annecy, le ministre de la Justice a détaillé la répartition géographique des 4400 postes qui seront créés d'ici à 2027. Eric Dupond-Moretti a ainsi parlé d’« une nouvelle étape dans le réarmement de judiciaire de notre pays (…) après 30 ans d’abandon politique, budgétaire et humain ».
Quelle dotation pour la Franche-Comté ?
La Franche-Comté, qui compte les tribunaux judiciaires de Belfort, Besançon, Lons-le-Saunier, Montbéliard, Vesoul ainsi que la cour d’appel de Besançon, obtient la création de 58 postes d'ici à 2027.
Ce territoire verra ses équipes être renforcées par 20 magistrats et 21 greffiers supplémentaires. 17 attachés de justice - à savoir des contractuels qui viennent épauler les magistrats - compléteront ce plan de recrutement dans la région.
Le Doubs, avec ses deux tribunaux judiciaires à Besançon et Montbéliard et sa cour d’appel, est le département le mieux doté : 13 magistrats, 10 greffiers et 8 attachés de justice.
En termes de dotations, vient ensuite le Jura. Le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier décroche 4 magistrats, 5 greffiers et 5 attachés de justice.
Le tribunal judiciaire de Belfort obtient un magistrat, 6 greffiers et 3 attachés de justice. Enfin, le tribunal de Vesoul en Haute-Saône reçoit un renfort de deux magistrats et un attaché de justice.
Un plan de recrutement qui réjouit les magistrats
Après des années de vacances de postes, le monde la justice dans son ensemble salue ces créations de postes. L’ampleur des chiffres semble frapper les esprits. Le mot « exceptionnel » est régulièrement lâché.
Les magistrats vont pouvoir travailler dans des meilleures conditions, avec moins de tension et moins de pression.
Jean-Philip GhnassiaUnion Syndicale des Magistrats
« Les besoins qui avaient été remontés à la Chancellerie sont satisfaits avec ce plan. Cela vient combler un manque historique de moyens dans le ressort de la cour d'appel de Besançon. Les magistrats vont pouvoir travailler dans des meilleures conditions, avec moins de tension et moins de pression », se réjouit Jean-Philip Ghnassia, délégué régional de l'Union Syndicale des Magistrats (USM) qui espère que « les locaux, les bureaux, le matériel informatique suivront en conséquence ».
Avec ce plan de recrutement, Eric Dupond-Moretti promet de diviser par deux les délais de justice. C'est là que les magistrats tiquent un peu. « On est tous d'accord pour dire qu'il faut réduire les délais. Mais dans quelles conditions et à quel prix ? Les diviser par deux d'ici à la fin de l'année, même avec ces renforts, c'est tout simplement impossible », poursuit ce magistrat belfortain.
Actuellement, à Besançon, un avocat contacté se dit satisfait quand le délai de traitement d’une affaire se situe entre 9 et 12 mois, mais cela peut être plus long selon la nature du contentieux.
Ces annonces vont dans le bon sens.
Jérôme Pichoffavocat et vice-bâtonnier au barreau de Besançon
« Le justiciable n’en sentira pas les effets immédiats, car il faudra former ces personnels. Mais il y a enfin un vrai effort pour pallier le manque chronique d’effectifs de l’institution », reconnaît Jérôme Pichoff, avocat et vice-bâtonnier au barreau de Besançon.
Mais ces professionnels restent toutefois prudents. Certains s’interrogent sur la répartition des postes entre la magistrature du siège (juges) et la magistrature du parquet (procureurs) quand d’autres scruteront les prochains mouvements de postes.
En 2023, le ministère avait donné la priorité aux grands tribunaux franciliens plutôt qu’à ceux des villes moyennes à l’approche des Jeux Olympiques de Paris. La Chancellerie avait alors prévenu : la machine judiciaire sera en ordre de bataille pour juger les potentiels dérapages en marge de l’événement.
Mais ce plan de créations de postes, qui s'étale jusqu'en 2027, ne devrait pas être impacté par cet arbitrage. Dans cette enveloppe, aucune des juridictions françaises n'a été oubliée.