Il y a quelques mois, une bénévole crée l’antenne franc-comtoise du réseau national Féminité Sans Abri dans le Haut-Doubs. Objectif, fournir aux femmes précaires savon et dentifrice, mais aussi ce qui coûte le plus cher : les protections hygiéniques. Une campagne de don en ligne est ouverte.
Quand on vit dans la rue, cette trousse peut se révéler indispensable. On y trouve de quoi se laver, se brosser les dents, une crème hydratante, un rasoir, un échantillon de parfum, ainsi que des serviettes et tampons hygiéniques. Le sujet encore très tabou en France. Pourtant, pour les femmes sans abri, c’est une question de survie. Les produits d’hygiène, et notamment les protections menstruelles coûtent cher, et contrairement à l’alimentation, les structures d’aide sont beaucoup plus rares.
Tout être humain doit pouvoir se nourrir, mais aussi se laver. C’est retrouver de la dignité et de l’estime de soi, un luxe qu’on n’a pas dans la rue.
Mélanie Dulize, reponsable de secteur de Féminité Sans Abri en Franche-Comté
Ce constat, Mélanie Dulize l’a fait il y a déjà longtemps : « des femmes qui doivent renoncer à des protections hygiéniques, pour moi c’est intolérable. Cela peut être vecteur de maladies… » Franc-comtoise d’origine, elle crée un réseau d’aide solidaire dans le Haut-Doubs en 2018 puis en février dernier, se lance le défi avec des amis : collecter des produits d’hygiène pour les femmes. Sans savoir ensuite où les donner. « Je me suis rendue compte qu’il n’y avait aucun interlocuteur, » se remémore-t-elle. Ses recherches la mènent à Lyon, à l’antenne locale du réseau national Féminité Sans Abri, où elle envoie les premiers dons.
Pas d'autre structure en Franche-Comté
A l’origine lancé en Gironde en 2015, le réseau s’est structuré en association en 2017, et compte aujourd’hui 67 bénévoles dans 34 départements français. En Franche-Comté, une antenne existe donc depuis juin 2019, et Mélanie Dulize en est la seule bénévole. Courtière de profession, elle consacre son temps libre à lancer des appels aux dons et à les collecter, une activité qui, au vu de la demande, nécessite de l’organisation. « Je n’ai pas de surplus, mais malgré les flots de dons, je suis à flux tendu, car il n’y avait aucune prise en charge niveau hygiène dans la région. Cela existait mais à la marge. »
Il y a de plus en plus de femmes précaires : des SDF, mais aussi des étudiantes, des retraitées, des mineures…
Mélanie Dulize, reponsable de secteur de Féminité Sans Abri en Franche-Comté
Des kits adaptés à chaque situation
Après les avoir triés, elle répartit les produits dans des trousses qu’elle confectionne elle-même : « entre deux robes pour ma fille je couds une trousse pour Féminité Sans Abri. J’ai de la chance d’avoir des amis pour m’aider ! » Puis, une fois constituées, Mélanie Dulize livre les trousses à une vingtaine d’associations d’aide aux personnes démunies, qui les mettent à disposition dans leurs locaux ou les distribuent pendant des maraudes. La trousse est adaptée aux besoins : il en existe pour les femmes, les hommes, les bébés, les enfants, et aussi des versions familiales ou plus spécifiques : « pour une personne à la rue, ce n’est pas toujours évident de se promener avec un vaniti, on fait des versions plus petites, » détaille-t-elle. Depuis le lancement de l’initiative, 871 trousses, ou « kits », ont ainsi été distribuées en Franche Comté, essentiellement à Besançon, Pontarlier, et à Dole depuis un mois : « tout ce qui est collecté ici est donné ici. Les gens aiment savoir que ça serve sur place. Et au besoin, on échange avec d’autres régions en fonction des contraintes du climat. »Une dame avait les larmes aux yeux car elle avait reçu un rouge à lèvres Yves Saint-Laurent. Elle n'en avait jamais eu.
Mélanie Dulize, reponsable de secteur de Féminité Sans Abri en Franche-Comté
A l’approche de l’hiver, l’activité prend une autre dimension. Le danger augmente pour les personnes sans abri : « C’est une période très chargée, les besoins grandissent, assure Mélanie Dulize. A Noël on essaie de faire un peu plus. Pour chacun, Noël c’est une maison, un foyer, un repas, des cadeaux. Les personnes précaires n’ont pas accès à tout ça. En plus des trousses, on distribue des produits un peu plus qualitatifs, on marque le coup. » Et pour rendre cette besace plus joyeuse, Mélanie Dulize et son équipe de bénévoles y glissent une petite attention : un petit mot, un dessin, un bijou fantaisie pour mesdames, un bracelet brésilien fait maison pour messieurs. « Ce sont des petites attentions qui peuvent toucher les gens. On essaie de mettre un peu plus de cœur que des produits. »
Que peut-on donner ?
Comme lors de tout appel à la solidarité, les bénévoles constatent des produits moins représentés que d’autres : « On manque tout le temps de dentifrice et de brosses à dent », relève Isabelle Colin, présidente de Féminité Sans Abri. Des articles peu dispendieux, auxquels les personnes ne pensent pas nécessairement de prime abord. D’une manière générale, tout ce qui peut permettre de venir en aide à une personne sans abri est bienvenu. « Une couverture de survie, c’est un euro. » Par ailleurs, par respect pour les destinataires des dons, les produits doivent absolument être non entamés, et non périmés.
Une campagne de don en ligne lancée
Mais pour que ces trousses servent, encore faut-il savoir où trouver les personnes sans abri. Dans la rue, les personnes les plus vulnérables sont parfois invisibles. Les femmes, d’autant plus : « Elles se cachent plus, compte tenu des dangers de la rue pour une femme. Pour elles, la rue c’est beaucoup d’agressions », analyse Mélanie Dulize. Forts de ce constat, les bénévoles de l’association lancent le 14 octobre dernier une campagne de financement participatif en ligne qui se termine mercredi 13 novembre, à minuit. Objectif, rassembler 8000 € pour financer deux casiers de 36 cases à disposition 24h/24 en pleine rue : « Cela permet d’aller chercher un kit anonymement, précise la référente franc-comtoise. Se faire aider ce n’est pas forcément facile. » Un mois après son lancement, cette somme est déjà dépassée, mais d’après l’association, chaque euro supplémentaire permettra d’envisager d’autres casiers, dont le lieu d’implantation n’est pas encore déterminé.
Au niveau national, 12 568 trousses ont pu être distribuées par Féminité Sans Abri au premier semestre 2019, soit davantage que sur toute l'année 2018. L’association n’est pas la seule à donner ce type de kit, d’autres structures le font, comme Règles élémentaires et Agir pour la santé des femmes. Pour Isabelle Colin, il est d’ailleurs important de raisonner collectivement : « On essaie de développer des partenariats, de travailler en bonne intelligence. » Dans un seul but : faire face à l’augmentation des besoins.
Contact en Franche-Comté :
melanie.fsa25@gmail.com