À 30 ans, Jérémy Paille, fils de l'ancien joueur du FCSM et international français Stéphane Paille, est un membre incontournable du groupe de supporters Sociochaux. Il gère la commission "anciens joueurs", chargée de recueillir vidéos et dons des ex-jaune et bleu. Rencontre avec un amoureux du FCSM, fortement lié au club par son histoire familiale.
Cet été 2023, Jérémy Paille l'aura vécu à cent à l'heure. Depuis début juillet, ces journées sont "particulièrement chargées, avec pas mal de coups de téléphone ou de visioconférences" sourit le trentenaire. Pourtant, détrompez-vous, Jérémy Paille est bien en vacances.
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Les raisons de son hyperactivité ne sont pas à chercher du côté de son travail, lui qui a fondé une entreprise de marketing digital à Lyon, ville où il vit toujours. Tout se passe à plus de 320 km de la capitale des Gaules, en Franche-Comté, auprès d'un club de football aux couleurs jaune et bleu, le FC Sochaux-Montbéliard.
"Il y a eu de multiples rebondissements ces dernières semaines" confie Jérémy Paille. "Tout est parti fin juin 2023, lorsque la DNCG a relégué le FCSM en N1 une première fois, puis une deuxième début juillet, en appel. Je me suis dit, "là, ça ne va pas". Je suis très attaché au club, il fallait que je fasse quelque chose".
Un lien avec la formation doubiste qui s'explique par un nom de famille, Paille. Plus précisément par un homme, Stéphane Paille, papa de Jérémy, formé au club et joueur star de Bonal de 1982 à 1989, décédé brutalement en 2017. Cet attaquant racé, auteur de plus de 80 buts sous la tunique au lion, a connu au FCSM ses heures de gloire, glanant huit sélections en équipe de France.
"Le FCSM, c'est une histoire de famille. Pourtant, je ne suis même pas né à Sochaux, mais à Caen, là où jouait mon père" plaisante Jérémy. "Mais mes parents s'étaient rencontrés en Franche-Comté. À leur séparation, j'y suis vite retourné".
Ce club m'a accompagné tout au long de ma vie. J'y ai joué dès 5 ans, à l'école de foot. Quand je voyais une tunique jaune et bleu, j'avais les yeux qui brillaient. C'était là que mon père s'était révélé. Puis j'ai grandi, j'allais à Bonal. Ensuite je suis parti, mais je revenais souvent voir ma famille. Cette passion pour le club ne m'a en fait jamais quitté.
Jérémy Paille,membre des Sociochaux et fils de l'ancien joueur du FCSM Stéphane Paille
Et comme tout passionné, Jérémy enrageait à la vue de son club qui coulait. "Je me suis donc bougé. Je m'en souviens encore. Le 11 juillet, vers 22h, seul devant mon ordi, j'ai décidé de poster sur Internet une cagnotte Leetchi à destination du club". Un geste naturel "au vu de mon histoire familiale. Je pensais aussi à ces gamins, à qui on allait enlever une raison de se réjouir et pour certains, une chance de réussir dans le foot".
Une première cagnotte personnelle
À son étonnement, la cagnotte connaît vite un petit succès. Une semaine après la mise en ligne, le trentenaire reçoit un appel téléphonique. "C'était un membre de Sociochaux. Eux aussi voulaient faire quelque chose, et ils ont aimé mon idée de cagnotte" explique-t-il. "Ils m'ont expliqué leur projet de SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif, ndlr). J'ai tout de suite adhéré. Pendant une semaine, on a ensuite travaillé sur une levée de fonds : écriture du texte, choix des images, plan de communication. Et puis c'était parti".
Avec le succès que l'on connaît. Aujourd'hui, cette levée de fonds a récolté plus de 618 000 euros. "Ça dépasse toutes nos espérances" révèle Jérémy Paille. Cette somme a directement servi au sauvetage du club. Sociochaux a ainsi trouvé un accord avec le duo Plessis-Wantiez, repreneurs du FCSM, pour injecter leur fonds dans les finances, en échange de la constitution d'une SCIC, modèle où les supporters siègent au conseil d'administration du club.
"J'ai croisé David Ginola sur la plage"
Un tour de force impressionnant, dû aux nombreux dons des supporters, mais aussi... des anciens joueurs. Et sur ce point-là, Jérémy Paille a joué un "petit" rôle. "Attention, je ne suis pas tout seul" prévient vite le trentenaire. "Je pilote la commission "anciens joueurs" de Sociochaux. Notre but était de contacter des gloires passées du club, pour leur demander s'ils voulaient faire un don. On leur demandait aussi de filmer une petite vidéo de soutien, pour une diffusion sur nos réseaux. Avec leur notoriété, c'était tout bonus".
Là aussi, le nom Paille a aidé. "On ne va pas se le cacher, on a commencé avec les ex-coéquipiers de papa, avec qui je suis toujours en contact" confie Jérémy. "Ils ont tous joué le jeu, et n'ont pas ménagé leurs efforts pour nous mettre en contact avec d'autres anciens. Je pense à un Franck Silvestre, qui ne compte pas ses heures au téléphone, mais aussi à Teddy Richert, qui nous a donné un de ses maillots à mettre aux enchères".
On avait créé un Google doc en ligne. Avec les 5-6 bénévoles de la commission "anciens joueurs", on a listé tous les noms qu'on voulait contacter, puis on s'est réparti les tâches. On a passé nos journées au téléphone, on a pisté des anciens sur Facebook. C'est un job tellement agréable, car on a essuyé aucun refus.
Jérémy Paille,membre des Sociochaux et fils de l'ancien joueur du FCSM Stéphane Paille
Avec à la clé, des scènes émouvantes. "Voir Basile Boli ou David Ginola, que j'ai croisé à la plage, accepter avec joie de nous soutenir, c'était quelque chose" se souvient le fils de Stéphane. "Ces joueurs de légendes n'oubliaient pas le FCSM alors qu'ils n'y ont jamais joué. On a eu des chanteurs, des humorites, etc. La mobilisation de toutes ces personnes montre le pouvoir réunificateur du football. Et surtout, cela prouve que le FCSM n'est pas juste le petit club de Montbéliard, mais bien un club mythique du football français".
Aujourd'hui, Jérémy Paille savoure le sauvetage du club. Et se prépare à de nouveaux défis. "La commission "anciens joueurs" va passer à sa phase 2". C'est-à-dire ? "On recontacte tous les anciens joueurs pour essayer de les réunir, en vue de constituer un "collège des anciens", qui siègera au futur conseil d'administration du club". Ce "collège" aura son propre budget (les sommes données à la levée de fonds par les anciens joueurs) et pourra proposer des événements comme des matchs caritatifs, des journées "historiques" revenant sur de grands matchs, etc.
Je me sens aussi redevable envers tous ces supporters, toutes ces personnes réunies autour de l'amour des Jaune et Bleu, qui m'ont envoyé des messages au décès de mon père. Certaines, je ne les connaissais même pas. Cela m'a énormément touché. Mes efforts, c'est un peu une manière de les remercier.
Jérémy Paille,membre des Sociochaux et fils de l'ancien joueur du FCSM Stéphane Paille
En se retournant sur ces dernières semaines, Jérémy Paille tient à saluer tous ces gens passionnés "qui n'ont pas hésité à sacrifier leur vie familiale pour le FCSM. Il ne faudra pas oublier ces femmes et ces hommes". Une "vraie aventure", avec son papa jamais bien loin. "Bien sûr, il était toujours présent avec moi, dans un coin de ma tête" témoigne le jeune homme avec émotion. "Si je me suis investi, c'est en tant que supporter, bien sûr. Mais aussi pour mon papa. S'il avait encore été là, il se serait aussi battu pour le FCSM".
Aujourd'hui, Jérémy Paille peut être fier. Le FCSM, son club, celui de son paternel, est bien sauvé. Les Jaune et Bleu sont lancés dans un nouveau projet qui fait la part belle aux locaux, aux supporters, grâce à l'investissement de Sociochaux. Le lion continuera de rugir à Bonal, où le nom Paille ne sera pas oublié de sitôt.