Les Suisses voteront dimanche pour se prononcer sur l'interdiction de l'élevage intensif dans ce pays encore très rural et déjà doté de lois parmi les plus strictes au monde en matière de bien-être animal. Détails.
Les organisations suisses de défense des animaux à l'origine de l'initiative veulent inscrire dans la Constitution la dignité des animaux d'élevage. Leur proposition éradiquerait essentiellement tout élevage industriel. "L'élevage intensif est un système de production qui néglige les besoins fondamentaux des animaux non humains à pratiquement tous les égards", accuse l'organisation Sentience, qui est à l'origine de l'initiative, sur son site internet.
Si le "oui" l'emportait, l'initiative soutenue par les partis de gauche, Greenpeace et d'autres organisations environnementales, imposerait des exigences minimales plus strictes en matière d'hébergement, de soins, d'accès à l'extérieur et de pratiques d'abattage. Cela réduirait également considérablement le nombre maximum d'animaux par enclos.
Le gouvernement opposé à cette initiative
Le gouvernement et le Parlement s'opposent à l'initiative, insistant sur le fait que la Suisse a déjà des lois strictes. L'initiative "va trop loin", a déclaré le ministre suisse de la Santé Alain Berset à la presse en juin, affirmant que le gouvernement depuis un quart de siècle avait promu une "stabulation respectueuse des animaux". Selon les lois en vigueur, les fermes ne peuvent pas garder plus de 1.500 porcs à engraisser, 27.000 poulets ou 300 veaux, ce qui exclut essentiellement les types de fermes industrielles gigantesques que l'on trouve dans d'autres pays. "Il n'y a pas d'élevage industriel en Suisse", a insisté Marcel Dettling, agriculteur et parlementaire du parti de la droite radicale UDC. Soulignant que les limites dans l'Allemagne voisine, par exemple, peuvent être100 fois plus élevées, il a déclaré à Swissinfo.ch que l'initiative ne servirait qu'à augmenter les prix.
Pour Philipp Ryf, un responsable de la campagne pour le oui, quand on a 27.000 poulets entassés et que seulement 12% des animaux d'élevage sortent, "nous pensons que c'est de l'élevage industriel". Il a reconnu que la loi en Suisse était "assez stricte par rapport à d'autres pays", mais "nous pensons que nous pourrions faire plus". Le gouvernement a averti qu'une victoire du "non" pourrait faire augmenter les prix et avoir un impact sur les relations avec les partenaires commerciaux. En effet, les exigences s'appliqueraient également à l'importation d'animaux et de produits d'origine animale, obligeant la Suisse à violer ses obligations au sein de l'Organisation mondiale du commerce et à renégocier les accords commerciaux, prévient le gouvernement. Si le "oui" devait l'emporter, les Suisses devraient investir des sommes importantes dans des inspections coûteuses des fermes étrangères, fait-il valoir.
Un sondage donne le "non" gagnant
Ces arguments semblent faire mouche avec un nombre croissant de Suisses. Le dernier sondage de l'institut gfs.bern de la semaine dernière a vu le camp du "non" prendre la tête, avec 52%. Les agriculteurs eux-mêmes se montrent particulièrement sceptiques. Le dernier sondage a montré que 62% des personnes interrogées dans les zones rurales rejetaient la proposition, tandis que 53% des citadins interrogés ont déclaré qu'ils voteraient pour. Pour M. Ryf la forte opposition dans les zones rurales était en grande partie due à une campagne bien financée, qui affirme que le projet est mauvais pour l'agriculture.
Le responsable de Sentience estime qu'elle aurait l'effet contraire, soulignant que les éleveurs bénéficieraient d'une période de 25 ans pour s'adapter et d'une aide financière. Si la principale organisation agricole de Suisse est farouchement opposée à l'initiative, de petits exploitants la soutiennent. Mais la plupart sont discrets pour éviter les ennuis.
Pour David Rotzler, qui possède une petite ferme d'élevage diversifié à Sonvilier dans le nord de la Suisse, il ne s'agit pas d'imposer le point de vue des citadins à la campagne. Il a déclaré au Journal du Jura qu'il soutenait l'initiative parce que si "le bien-être animal ne dépend pas de la taille de la ferme, mais du paysan, il est toutefois plus facile de veiller sur les animaux quand on est plus petit".
► Avec AFP