Anniversaire de la loi de 1905 : Laïcité, une exception française, contrainte ou liberté ?

Il y a 115 ans était votée la loi sur la séparation des églises et de l'Etat. La laïcité devenait une règle en France. En ce jour anniversaire, le conseil des ministres examine une nouvelle loi de "renforcement des prinicipes républicains". Chacun a aujourd'hui sa propre définition de la laïcité.

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Le port du voile dans l'espace public, les menus halal à la cantine, des élèves qui refusent d'aller à la piscine, des parents qui ne veulent pas que leurs enfants suivent des cours d'histoire car le prof y parle de l'Islam... La laïcité est mise à rude épreuve.

Ils sont professeurs, politiques, fonctionnaires, croyants ou pas, et ils sont confrontés au principe de laïcité régulièrement, quelques fois incidemment, de manière sournoise ou brutalement. Quelle définition donnent-ils de la laïcité ? Est-ce une contrainte ou une liberté ? C'est déjà une "exception française" ! Quels changements dans la société, la loi de 1905, qui a séparé les églises et l'Etat, a-t-elle entraîné ?

La laïcité : un principe, des règles, et plusieurs mots pour la définir

Place d'abord dans ce débat à ceux qui ont été frappés de plein fouet : les professeurs d'histoire-géographie. Frank Monneur enseigne dans un lycée bisontin. Il a organisé, à Besançon, l'hommage rendu à Samuel Paty, le professeur décapité par un musulman d'origine tchéchène le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine. Décapité parce qu'il avait montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, extraites de "Charlie Hebdo", durant un cours sur la liberté d'expression.

Frank Monneur, pro d'histoire-géographie, raconte : "Nous, profs d'histoire, cet attentat nous a beaucoup marqués. Nous sommes en premières lignes. La laïcité, la liberté d'expression, le droit de croire ou pas, sont au coeur de nos métiers d'enseignants. Ma définition de la laïcité : c'est ce qui nous permet de vivre en paix et en toute sérénité avec les toutes les religions et la non-religion. Tout citoyen français est libre de croire ou de ne pas croire. La République respecte toutes les religions et n'en privilégie aucune. En contre-partie, la pratique de la religion se fait dans la sphère privée."  

Christophe Lejeune, député LREM de Haute-Saone va même plus loin : "En France, l'intégration se fait grâce à la laïcité, à nos valeurs républicaines. Mais l'Etat doit rester à la porte de chaque citoyen !"

Quant à Annie Genevard, député LR du Doubs, qui est catholique, cette valeur est indissociable de notre devise.  : "La laïcité est une liberté. C'est la liberté de choisir de pratiquer ou non une religion à l'abri de toute pression quelle qu'elle soit. Ce n'est pas l'athéïsme d'Etat. La laïcité ne se résume pas à la loi de 1905. Elle permet de faire vivre notre devise "Liberté, Egalité, Fraternité."

Anne Vignot, maire (EELV) de Besançon et présidente de l'agglomération, expose sa vision de la laïcité : "C'est le respect avant tout, le vivre ensemble. Cette règle de laïcité doit être respectée par tous, ce qui implique une séparation du privé et du public."
A la question : la religion musulmane est-elle stigmatisée en France ? Elle répond :"Des catholiques, qui réclamaient la réouverture des lieux de culte pour assister à la messe, sont venus prier et chanter sur le parvis de la mairie. J'en ai été choquée. Il s'agit d'un lieu public ! Qu'aurait on dit s'il s'était agi de musulmans !

Denis Sommer, député LREM du Doubs associe laïcité et République :"Faire fi de la République est impensable, comme cela se passe dans des quartiers où certains veulent imposer leurs règles. Ce n'est pas acceptable. Il faut comprendre le fait religieux. Même les laïcs, les non-croyants, ne doivent pas ignorer le fait religieux, qui imprègne notre société."

Frédéric Barbier, député LREM du Doubs, lui, insiste aussi sur le savoir, l'éducation :" La Laïcité, c'est une liberté mais aussi un point de vigilance. Si on n'y prend pas garde, elle peut disparaître. Quelques uns veulent déborder du cadre religieux pour envahir notre système politique. C'est inadmissible. Certains n'ont pas reçu les bons codes de notre société. J'ai proposé à Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education Nationale, de créer une "école de la parentalité". Il faut instruire, expliquer nos règles. Je pense notamment à un jeune papa qui n'accepte pas une enseignante parce qu'elle est une femme. Ce n'est pas acceptable..." 

Dans les établissements scolaires, la laïcité n'est pas une évidence

Déjà, l'histoire des religions, même si elle est inscrite dans les programmes scolaires, est souvent méconnue ou mal-connue par les élèves... et quelques fois par les enseignants eux-mêmes. Certains professeurs se retrouvent confrontés à des situations avec parents et/ou élèves qui les laissent désarmés.

Formation des nouveaux venus à l'Education Nationale (profs, surveillants, chefs d'établissement...), c'est justement l'une des premières missions de l'équipe académique "Valeurs de la République". Cette structure de 16 personnes est appuyée par 51 enseignants, de primaire, collèges et lycées. Ces équipes sont nées il y a trois ans.

Leur responsable est Gilles Bulabois, référent laïcité, lui, depuis 5 ans : "Le besoin s'est fait sentir dès les attentats de 2015, quand les enseignants ont dû prendre la parole devant les élèves."
Ce mercredi 9 décembre, anniversaire de la loi laïcité, plusieurs actions ont été menées dans des établissements à Belfort, Grandvillars, Valdoie, Pays de Clerval...

Mais l'équipe académique "Valeurs de la république" est vigilante sur toutes les atteintes à la laïcité : contestation d'un enseignement (la piscine par exemple, éducation à la sexualité...), restaurant scolaire, propos racistes ou antisémites... Sans oublier des parents  hostiles à ce que leur enfant étudie l'Islam en cours, pourtant inscrit dans le programme de 5ème, parce qu'ils ne veulent que de "l'Histoire de France"... 

Autres cas d'atteintes aux valeurs de la République : ne pas respecter les minutes de silence en hommage aux victimes d'attentats islamistes. Dernier exemple : l'hommage rendu à Samuel Paty. Au niveau national, 793 incidents ont été répertoriés par le ministère dans les établissements scolaires. Gilles Bulabois ne veut pas communiquer le chiffre concernant notre région. 

Ces atteintes à la laïcité proviendraient-elles majoritairement de musulmans ? Gilles Bulabois se montre prudent : "Une mauvaise interprétation de la religion musulmane peut conduire à des contestations." Mais il ajoute : "Ces atteintes à la laïcité sont en augmentation. Il y a eu une prise de conscience lors des attentats de 2015 puis avec la mort de Samuel Paty. Il ne faut plus rien laisser passer. Notre rôle, c'est d'accompagner les personnels, enseignants ou non, et d'apporter des réponses."
 

1905 :  la loi sur la laïcité donne lieu à des incidents et un climat de tensions dans le Haut-Doubs 

Jean-Michel Blanchot est professeur d'histoire-géographie en lycée. Il a beaucoup travaillé sur la loi de séparation des églises et de l'Etat en 1905 dans le Haut-Doubs, une loi qui n'a pas été acceptée facilement : elle a donné lieu à un climat insurrectionnel ! Selon lui, jusqu'à 300 gendarmes ou soldats ont été cantonnés dans le secteur pour faire respecter l'ordre.

Voici ce qu'il raconte des événements de 1905-1906 : "La loi a dû être imposée, elle a nécessité un véritable combat. N'oublions pas, à l'époque, sous la III ème République, l'église catholique en France est monarchique, anti-républicaine et anti-Dreyfusarde. La loi de la laïcité a été portée sur les fonts baptismaux en créant de vives tensions avec les catholiques. Un inventaire des biens devait être établi dans toutes les églises de France. Un inventaire qualifié de "sacrilège" !

Au Russey, une forge a été installée dans l'église pour que du métal fondu soit versé par les fidèles sur les fonctionnaires qui tenteraient de rentrer dans l'édifice. Il n'a jamais été utilisé mais cette anecdote donne une image de la situation. Le 12 février, le commissaire qui vient faire l'inventaire est ramené, de force, jusqu'à la gare, avec des coups de pied aux fesses et sous des boules de neige. Le lendemain, la consigne a été donnée : plus de 1300 personnes, une foule considérable, se retrouvent à Maîche pour empêcher, eux aussi, l'inventaire de l'église.

A Cernay-l'Eglise, c'est le curé de la paroisse qui s'insurge. En chaire, lors de la messe du dimanche, il déclare : "Je prie Dieu tous les jours pour que la République, cette putain, crève !".

Il faut bien comprendre que la laïcité, c'est une loi pour les libertés, qui nous vient des philosophes des Lumières, de la Révolution française. Les citoyens sont égaux devant la loi et la République ne doit jamais être soumise à des préceptes religieux. C'est, en même temps, la neutralité de l'Etat et le refus du prosélytisme. C'est le meilleur barrage contre toutes les formes de communautarismes et la meilleure voie pour "faire nation." "

 
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