Attaques du loup dans le Doubs : trois associations dont Ferus et One Voice attaquent l’Etat devant le tribunal administratif

Ferus, One Voice et le Pôle Grands Prédateurs ont déposé deux recours mercredi 14 décembre 2022 devant le tribunal administratif de Besançon. Les trois associations de défense du loup estiment que les autorités mettent en danger la population de loups dans le massif du Jura et que la notion de “troupeaux non protégeables” utilisée dans les arrêtés n'est pas légale.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Le loup est bien de retour dans le massif du Jura sur un front de colonisation, entre France et Suisse. Il s’y reproduit depuis 2019. Ces derniers mois, les loups sont responsables de nombreuses attaques sur des exploitations agricoles élevant des bovins. 

Dans le Doubs, depuis le début de l’été 2022, les agriculteurs ont subi une vingtaine d’attaques, et perdu au moins 25 bêtes. Sur les exploitations concernées, le préfet du Doubs a pris des arrêtés autorisant des tirs de défense permettant dans des conditions bien précises de tuer des loups. 

Deux loups ont été tués dans le département. Une louve, la louve alpha de la meute du Risoux a été abattue le 20 septembre 2022 sur la commune des Longevilles-Mont-d’Or près de Métabief. Mardi 26 octobre 2022, un autre loup a été tué sur la commune de Frasne près de Pontarlier où il s'apprêtait à repasser à l’attaque.

Pourquoi deux arrêtés de tirs sont-ils attaqués ?

Les trois associations ont décidé d'attaquer deux de la vingtaine d’arrêtés pris par le Préfet du Doubs. “On aurait pu les attaquer tous, mais cela coûte de l’argent” précise Natacha Bigan, représentante de Ferus dans le Jura. Les deux arrêtés attaqués concernent une exploitation de Chapelle-des-Bois et une autre située à Chapelle-d’Huin où un arrêté a été pris sur un élevage comportant des bovins, et des ovins, qui eux étaient protégeables, estiment les requérants.

Nos trois associations affirment que l’État fait perdre un temps précieux aux éleveurs et manque à son rôle de conseil pour la mise en place de moyens de protection efficaces afin de cohabiter avec cette espèce protégée ! La seule solution efficace reste la protection effective des troupeaux, bovins y compris.

Extrait du communiqué de presse de Ferus, One Voice, Pole Grands Prédateurs

“La population de loups dans le massif du Jura est en danger”

Dans leur recours, les trois associations contestent deux points. D’abord, ces arrêtés sont en train de menacer la population de loups. En France, la régulation des loups par des tirs de défense ou de prélèvement s’appuie sur la directive Habitat de l’Union Européenne. “Il est indiqué qu'" une évaluation appropriée de l'impact d'une dérogation particulière devra dans la majorité, voire la totalité, des cas se situer à un niveau inférieur à celui de la région biogéographique, dans un souci de cohérence du point de vue écologique. Un niveau intéressant à cet égard pourrait être celui de la population (locale)."

Pour les trois associations, les autorisations de tirs de loups - même si elles respectent le plafond de tir au niveau national (174 loups peuvent être tués en 2022 en France, ndlr)- doivent être également appréciées au niveau local.

“La multiplication des arrêtés de tirs de défense, ils sont plus de 25 sur le massif du Jura met donc ainsi grandement en péril la population de loups au niveau local” estiment Ferus, One Voice, et le Pôle Grands Prédateurs.

Pour ces associations, les loups sont en danger suite à ces arrêtés de tir pris ces derniers mois. Chaque arrêté peut tuer un voire plusieurs loups, plus qu’il n’y en a. “La louve alpha tuée aux Longevilles-Mont-d’Or, on ne sait pas comment va réagir la meute, mais on sait que ça va donner de nouvelles attaques” s’inquiète Natacha Bigan de Férus.

Deux meutes, pour combien de loups ? 

Deux meutes de loups sont présentes sur le massif jurassien, dans le Risoux français et au Marchairuz en Suisse. “Sur ces deux meutes, ce dont on est sûr, c’est qu'elles se sont reproduites. 7 louveteaux côté suisse, 3 louveteaux côté meute du Risoux. Cela évolue et on a aussi des loups en voie de dispersion qui viennent brasser les cartes” nous précisait mi-octobre Christophe Guinchard, de l'Office français de la biodiversité dans le Doubs. Il y a également des individus isolés, en dispersion.

Des troupeaux non protégeables, une notion qui ne repose sur rien de légal

L’autre point attaqué est celui de la "non-protégeabilité" de principe et absolue des troupeaux de bovins (et d'équins) évoquée dans les arrêtés. Elle repose sur une note technique du préfet coordonnateur du plan national loup du 28 juin 2019. "Cette note n'a jamais été publiée de sorte qu'elle est inopposable et n'a aucune valeur juridique", estiment les trois associations.

Cette note souligne "des moyens de protection inadaptés" Et pour cause ! Aucune recherche ni expérimentation sérieuse de mesures de protection passive ou active des bovins n'est effectivement développée en France, alors que les loups sont de retour depuis maintenant 30 ans dans notre pays. Comme l'avoue carrément la note technique, c'est "le choix de l'État " de ne pas rendre les troupeaux de bovins et d'équins éligibles à la protection" précisent les associations dans leur communiqué.

Cette note ne peut dès lors pas fonder des décisions d'autorisations de tirs contre des loups dans le cadre dérogatoire des troupeaux non-protégeables, concluent Ferus, One Voice et le Pôle Grands Prédateurs.

Des recours qui ne ciblent pas les agriculteurs, mais l’Etat


Pour Natacha Bigan, la politique menée par les services de l’Etat dans le Doubs, comme dans le Jura, est en train de faire perdre du temps à tous les acteurs du dossier loup. “Il faut arrêter de faire miroiter de fausses solutions aux éleveurs et de mettre en place des moyens de protection. Ce n’est pas contre les agriculteurs que nous agissons mais bien contre l’Etat” rappelle cette défenseur du loup.


Pour ces associations, “la non-publication de la totalité des arrêtés de tirs de défense, si elle n'est pas illégale, rend opaque les décisions en matière de tir et n'aide pas à établir un dialogue transparent entre les différents acteurs”. On sait le sujet sensible, entre les agriculteurs victimes, et les défenseurs du prédateur, protégé par la Convention de Berne.

La difficile cohabitation avec le loup 


Dans le Doubs, le Préfet a annoncé la création d’un poste de médiateur à l’Agence régionale de la biodiversité. Il souhaite aussi faire élargir le champ d'action des louvetiers dans un rayon de 500 mètres autour de la parcelle concernée. Pour les services de l'Etat, il s'agit de trouver un "accord global" pour préserver les élevages et défendre le loup. Cet accord, selon Jean-François Colombet passe par le "dialogue". Le Préfet a pu rencontrer des agriculteurs le 15 décembre. Début janvier, il ira à la rencontre des associations de défense du loup.


On compterait 1000 loups en France. L’Etat n’a pas encore rendu public le nombre de loups qui pourront être abattus en France en 2023. À ce jour, 164 loups ont été abattus sur 174 sur l’année 2022. 

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information