Le Conseil fédéral de Suisse vient d'autoriser les tirs préventifs sur les loups à partir du 1er décembre 2023. Une décision vivement contestée par les associations de protection du prédateur. Explications.
La présence de plus en plus visible de loups en Suisse voisine n'est pas au goût de tout le monde, notamment des éleveurs. Les autorités ont pris une décision forte ce mercredi 8 novembre 2023 dans le but de réguler de façon proactive la population de loups, et non plus réactive. Elle fait suite à la révision sur l’ordonnance de la chasse. À partir du 1er décembre 2023, la régulation préventive des meutes de loup sera autorisée. En clair, les cantons pourront désormais abattre des loups afin de prévenir les dégâts, et non plus uniquement une fois que ceux-ci se sont produits.
Selon les autorités suisses, il y aurait actuellement 32 meutes sur le territoire helvétique, contre 11 en 2020. "Le nombre d’attaques d’animaux de rente par le canidé s’élevait à 446 en 2019 et à 1480 en 2022", expliquent-elles. Selon le Conseil fédéral, "le loup reste une espèce protégée [en Suisse]. C’est pourquoi les cantons ne peuvent éliminer des meutes entières que dans des cas dûment justifiés et pour autant que la région en question compte davantage de meutes que le minimum requis". Interrogé par nos confrères de la RTS, Albert Rösti, conseiller fédéral en charge de l'Environnement, a précisé : "Dans trois ans, le nombre [de loups] va tripler si on ne fait rien. Dans un pays aussi petit que la Suisse, il faut réagir".
Pour que "les loups redeviennent craintifs"
Pour rappel, le territoire de la meute dite du Marchairuz, se trouve dans le massif du Jura, un espace partagé entre Franche-Comté et Jura suisse. Cette décision aura donc un réel impact sur la préservation de cette espèce sur nos territoires, d'autant que la meute du Marchairuz a causé des dégâts remarqués sur des troupeaux de bovins. "La régulation préventive vise à ce que les loups redeviennent craintifs. Ces nouvelles dispositions permettent de conserver une population de loups en Suisse tout en réduisant les dommages. Par ailleurs, la régulation des meutes nécessite toujours l’assentiment de la Confédération", ajoute le Conseil fédéral.
Actuellement, la Suisse est divisée en cinq "régions" (Jura, Nord-est de la Suisse, Suisse centrale, Ouest des Alpes et Sud-est de la Suisse). Dans les grandes régions, au moins trois meutes devront être conservées. Dans les petites régions, ce nombre sera de deux. Les meutes qui n'ont pas causé de dégâts ne pourront être régulées à titre préventif, précise également l'autorité suisse. Les cantons devront déposer une demande auprès de l’Office fédéral de l’environnement avant toute action contre le loup. Pour exemple, dans le canton des Grisons, situé dans les Alpes au sud-est de la Suisse, quatre des 12 meutes du canton pourraient être abattues, ainsi que plusieurs autres individus appartenant à d'autres meutes. Cela concerne 27 individus au total, comme l'explique le média suisse Le Nouvelliste.
Une décision vivement contestée par les défenseurs de la biodiversité
Les associations de défense des prédateurs et de la biodiversité sont vent debout contre cette mesure et parlent d'un "massacre" annoncé. La Suisse pourrait passer de 31 meutes à 12 seulement. Soit 60% de loups tués sur le territoire, selon l'association Defend the Wolf. Cette dernière parle d'un "projet d'éradication", et d'une "insulte à la vie sauvage". Elle appelle "les défenseurs de la vie sauvage à la révolte et à la mobilisation massive". "Ce massacre annoncé intervient dans un contexte extrêmement préoccupant pour l'avenir du sauvage. Les scientifiques qualifient la sixième extinction de masse en cours "d'effondrement de la biodiversité". La Suisse, faut-il le rappeler, est la lanterne rouge de l'Europe en matière de protection des espèces sauvages et des biotopes. L'ordonnance Rösti fait honte à la Suisse", explique le communiqué diffusé par l'association installée dans le Jura suisse.
Selon Gruppe Wolf Schweiz (Groupe Loup Suisse), le Conseil fédéral suisse "ignore la volonté du peuple, qui a rejeté la loi de chasse révisée en 2020, et la volonté du Parlement, qui a refusé d'exterminer le loup jusqu'au niveau local". "Le conflit sur le loup sera alimenté davantage que calmé", ajoute le Groupe Loup Suisse. Le Conseil fédéral suisse annonce qu'il engagera une procédure de consultation de ces citoyens au printemps 2024 sur les dispositions relatives à la régulation des meutes de loups. En Franche-Comté, trois meutes ont été identifiées. Au moins 13 attaques se sont produites cette année 2023, essentiellement dans le Haut-Doubs. Lors de son dernier comptage, l'Office français de la biodiversité recensait 1 104 loups dans l'hexagone.
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