Dans l'AOC Comté, on sait déjà compter sans craindre la fin des quotas

"Ici on n'est pas producteur de lait, on est producteur de comté". Avec un fromage prisé, ancré dans le terroir, les éleveurs du Jura et du Doubs voient sans crainte la fin des quotas prévue pour le 1er avril prochain qui verrouillent la production laitière en Europe depuis 30 ans.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

L'AOC, l'Appellation d'origine contrôlée obtenue en 1956, qui encadre et gère la fabrication des meules depuis la nuit des temps, les protégera eux-aussi, espèrent-ils, d'une Europe noyée de lait et des cours effondrés au-delà du 1er avril.
A la tombée du jour sur les hauteurs du village de Loray, Richard Myotte s'apprête à traire ses 24 Montbéliardes, des vaches à la robe fauve et blanche, réchauffées par la paille à peine renouvelée. Le jeune éleveur attire sa trayeuse et s'accroupit au flanc de chacune, qu'il peut nommer. L'opération recommence deux fois par jour, sans robot de traite, c'est interdit par le cahier des charges. Tout à l'ancienne sauf le contrôle qualité, impitoyable.

Mais c'est l'AOC qui l'oblige, bien plus que les quotas européens: avec ses 35 ha de fourrage et 20 de pâture, Richard Myotte pourra s'il le veut augmenter son troupeau de quelques vaches, à condition toutefois de leur garder chacune un hectare d'herbe dédié. Une des conditions pour figurer dans l'Appellation qui prévoit, par raccourci, 20 kilos d'herbe pour faire 2 kilos de fromage.


Eviter l'industrialisation 

Il fait encore nuit le lendemain quand Cyriaque Abram, le maître-fromager de Loray, entame sa tournée du lait cru dans onze élevages comme celui de Richard, aussitôt transformé dans la fruitière du village - du latin fructus, pour désigner la coopérative et le travail en commun.
"Je collecte le lait dans un rayon de 25 km maximum", précise Cyriaque au-dessus des cuves en cuivre. 8.100 litres ce matin, qui donneront en moins de trois heures une vingtaine de meules, aptes à vieillir jusqu'à quatre ans.
"Ici on n'est pas producteur de lait, on est producteur de Comté", reprend Jean-Marie Pobelle, ancien président de la fruitière, maire de Loray jusqu'en 2014. "Ici, on ne s'engueule pas, on serre les coudes. On n'a qu'un seul produit et on ne diversifie
pas".
Jaloux de cette production inscrite dans le patrimoine régional, ce septuagénaire taillé comme un roc fut de ceux qui ont oeuvré sans relâche à durcir le cahier des charges du Comté pour le rendre toujours plus contraignant, pour "renforcer la qualité et éviter l'industrialisation" du produit.
"On peut dire que les anciens ont eu du nez", relève son fils, Damien, qui a repris avec son frère l'élevage familial et préside le Groupement coopératif de vente de fromages. "Notre chance c'est de compter une fruitière par village depuis le 16è siècle" - on compte encore 165 coopératives et 2.600 producteurs de lait sur le territoire de l'AOC.
"La fin des quotas, on l'a déjà anticipée. En 1983 on a fait comme une photo de chaque exploitation et arrêté les droits à produire": 3,5 millions de litres en
moyenne par fruitière. "On n'encourage pas à faire du volume car on est conscient de ce qu'on peut vendre - et bien vendre" souligne Damien Pobelle. Les bonnes années, on arrive à 65.000 tonnes de fromage.

Pas de fermes-usines 

Au prix de cet effort, le lait du Comté est payé 500 euros les 1.000 litres à l'éleveur, contre une moyenne nationale de 350 à 380 euros. "A 30 km de nous, les producteurs de lait générique ne touchent pas la même chose".
Avec la fin des quotas, il le sent, "certains vont vouloir faire plus. Mais on va fixer un plafond, qui reste à déterminer. Et celui qui le dépassera sortira
de l'AOC".
"Si on déroge au cahier des charges, on est mort", confirme Véronique Rivoire, héritière et patronne de la maison Rivoire & Jaquemin, affineurs de Comté à Montmorot depuis 1860. Dans sa cathédrale de pierres, 120.000 meules dont celles de Loray patientent sur des claies d'épicéa, régulièrement retournées et brossées, jusqu'à perdre 10% de leur poids et gagner ce goût fruité.
Mme Rivoire "écoute" ses meules pour en vérifier la maturation. "Entre la coopérative et nous, on a moins de deux heures de route. Tous les savoir-faire et les procédés de fabrication sont consignés. Il n'y aura jamais de fermes-usines par ici", parie-t-elle.
Ni de comté au lait allemand ou hollandais.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information