Le tribunal fédéral suisse vient de valider le recours des opposants contre le parc éolien Bel Coster. Une décision qui donne raison aux associations et habitants du Haut-Doubs mobilisés contre ce projet sur sol suisse à proximité de la frontière et du village de Jougne.
C'est un serpent de mer sur la bande frontalière dans ce secteur des montagnes du Jura. Dans le Haut-Doubs, à Jougne, le projet éolien Bel Coster suscite un vent de colère depuis près de sept ans. L'affaire connaît un nouveau rebondissement judiciaire.
Le tribunal fédéral suisse a admis le recours des opposants au projet annulant l'approbation du plan partiel d'affectation et du projet routier, ainsi que les autorisations de défrichement. Dans son arrêt rendu le 12 février 2024, l'instance judiciaire précise que la nature n'a pas été correctement prise en compte. Le tribunal précise que "des investigations complémentaires concernant l'impact que le projet pourrait avoir sur plusieurs espèces d'oiseaux et sur la protection des eaux doivent être effectuées".
Une décision qui donne raison aux cinq associations opposées au projet qui ont déposé ce recours. Parmi elles, Vivre au pied du Mont d'Or se réjouit de cette victoire : "sans les recours, un projet mal ficelé, bâclé, absurde aurait été réalisé, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour l’environnement, la biodiversité, l’eau potable de Jougne et la santé des habitants", explique son sécrétaire Fabien Renard.
Quel est ce projet suisse contesté côté français ?
À l'origine de cette tempête, le projet d'implantation de 9 éoliennes à forte puissance, de 210 mètres de haut, sur les crêtes du Suchet, côté suisse, à deux pas de la frontière, face au Mont d'Or. Appelé Bel Coster, il est porté par la société suisse Alpiq pour le compte de trois communes vaudoises : L’Abergement, Ballaigues et Lignerolles. La production attendue sera de 65 à 80 gigawatts heures par an, c'est l'équivalent de la consommation électrique annuelle de 22 000 ménages.
La société Alpiq dit regretter cette décision de justice. Elle précise qu'elle a déjà initié des études complémentaires et qu'elles sont en cours de finalisation. Elle justifie son choix de lieu d'installation par le fait que "les conditions de vent et la topographie sont propices à un développement éolien responsable". Elle défend "une énergie renouvelable, locale et hivernale qui apporterait une contribution importante à la sécurité d’approvisionnement en électricité de la Suisse".
Des risques pour la ressource en eau potable
Plusieurs facteurs de risques environnementaux sont au coeur de ce vent de colère. À Jougne, village le plus proche du lieu d'implantation de Bel Coster, les opposants s'inquiètent des conséquences d'ordre paysager. Les éoliennes seraient visibles à 30 km à la ronde dans un milieu naturel jusqu'ici préservé. Ils s'inquiètent surtout des risques de pollution de leur seule ressource en eau, la source dite des "Bonnes Eaux" qui alimente les habitants du village. Dans un milieu karstique fragile, "quelles conséquences auront les forages permettant de réaliser les fondations de ces machines sur cette ressource ?" s'interrogeait l'ancien maire en 2019. "En l'état, personne n'est capable de nous assurer qu'il n'y aura pas de problème de santé publique", s'inquiète Géraldine Tissot-Trullard, première adjointe de Jougne et conseillère départementale du Doubs.
D'autres risques pour l'avifaune sont pointés du doigt. Les éoliennes seraient situées proche des aires de nidification et migration de certaines espèces d'oiseaux : bécasse des bois, milan royal, aigle royal, grand-duc, ou grand tétras. "Nous ne sommes pas opposés aux énergies renouvelables loin de là, mais là, c'est un projet industriel qui n'a pas sa place dans ce milieu, et mené sans concertation entre le porteur de projet et les communes françaises impactées par les nuisances", dénonce Fabien Renard, de l'association Vivre au pied du Mont d'Or.
Après cette décision de justice, le projet éolien Bel Coster est-il enterré ?
Dans son communiqué de presse publié le 12 février 2024, le tribunal fédéral précise qu'"il n'est pas exclu que les résultats des investigations [complémentaires demandées] puissent, le cas échéant, remettre en question l'emplacement ou le nombre d'éoliennes ainsi que le volume de la production d'électricité". En clair, la société Alpiq pourrait être contrainte de revoir tout ou partie de sa copie.
"C'est une première victoire temporaire, nous restons vigilants et mobilisés", insiste Géraldine Tissot-Trullard, élue de la commune de Jougne. "Notre but est de faire annuler complètement le projet" renchérit Fabien Renard de Vivre au pied du Mont d'Or.