Plusieurs agriculteurs du Haut-Doubs ont agressé physiquement et verbalement nos journalistes lors d'un reportage sur une opération de tir sur le loup, avortée par la présence de militants écologistes.
L'opération, montée discrètement par l'Office français de la biodiversité, avait pour but, selon la formule consacrée, de "faire baisser la pression lupine". En d'autres termes, tuer un ou plusieurs loups. Le prédateur a multiplié les attaques sur les troupeaux ces dernières semaines dans le Haut-Doubs. 21 attaques ont été recensées dans le département depuis le début du mois d'août, et 18 bêtes ont été tuées.
Prévenus, six militants écologistes se sont rendus sur les lieux, au-dessus du tremplin de Chaux-Neuve, ce mercredi 19 octobre 2022 au soir, pour empêcher l'abattage d'un loup. France 3 Franche-Comté décide d'envoyer une équipe de reportage. Les attaques de loup font régulièrement la une de nos journaux et nous donnons la parole tant aux éleveurs qu'aux associations de protection de l'environnement. Le sujet est sensible et explosif.
Nos reporteurs retrouvent les défenseurs du loup, trois hommes et trois femmes, dans un pré où une carcasse de vache a été abandonnée, avec l'espoir d'attirer le loup pour mieux le tirer.
Une fois la nuit tombée, arrivent deux agents de la Brigade mobile d'intervention Loup de Gap (Hautes-Alpes), venus en renfort il y a quelques jours. Constatant la présence des militants, qui entre-temps ont aspergé la carcasse d'eau de Cologne pour éloigner le loup, les agents annulent l'opération et s'éclipsent. Quelques minutes plus tard débarque une tractopelle, suivie d'une trentaine d'éleveurs des environs, très remontés.
Filme pas toi, va te faire foutre ! Vous nous faites chier. Fais gaffe à ta gueule.
Un éleveur menaçant les deux reporteurs de France 3 Franche-Comté
Quand la tractopelle déverse une première pelletée de fumier, piégeant ainsi notre voiture de reportage sur le chemin forestier où elle était stationnée, un militant écologiste, le photographe animalier Alain Prêtre, s'approche. Un agriculteur se rue sur lui. "Tu veux prendre des photos ? Nous on ne joue plus !" , lance l'éleveur, très agressif. Il se tourne alors vers le journaliste reporteur d'images : "Filme pas toi, va te faire foutre !". Coups de poing dans la caméra. Le deuxième journaliste tente de calmer l'agresseur. Il se fait lui même attraper par le col, son micro est arraché et cassé, une mini-caméra subtilisée, son portable piétiné... "Foutez le camp", hurlent les éleveurs.
Si les gendarmes n'étaient pas arrivés, je ne sais pas si je serais là ce matin.
Un des deux journalistes agressés
La situation est très tendue pendant une vingtaine de minutes, le temps que les gendarmes arrivent. Le Psig (peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie) est même sollicité. La tractopelle a fait plusieurs allers-retours pour déverser plus d'un mètre de fumier et bloquer toute issue pour nos journalistes.
Le président départemental de la FDSEA Florent Dornier est contacté par notre équipe. Au téléphone, il se contente de leur répondre goguenard : "Je suis au courant, je vous souhaite bon courage et bonne nuit".
Ils voulaient tuer du loup, notre présence a tout gâché.
Un des journalistes agressés
"Leur cible, c'était la caméra. Un pain pouvait partir à tout moment. J'ai couvert des émeutes en banlieue, je ne pensais pas vivre ça dans le Haut-Doubs", témoigne ce jeudi matin un de nos journalistes, toujours sous le choc.
Découvrez notre reportage complet
Avant le super comice de Pontarlier samedi, où sont attendus le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau et la présidente de la FNSEA Christiane Lambert, les éleveurs du Haut-Doubs voulaient marquer le coup cette semaine. A défaut de pouvoir s'en prendre au loup, ils s'en sont pris à la presse.
La direction de France 3 Bourgogne-Franche-Comté condamne avec la plus grande fermeté cette agression visant des journalistes dans l'exercice de leur métier. Elle va porter plainte.