Nicolas Poussin, photographe amateur, a eu la chance de pouvoir s’approcher très près d’un lynx, grand prédateur d’Europe. Un face-à-face soudain et presque irréel dans le Doubs.
“J’avais l’impression que j’allais pouvoir lui caresser les oreilles.” Nicolas Poussin n'en revient toujours pas. Lundi 6 novembre 2023, après avoir déposé les enfants à l’école, peu après huit heures, Nicolas Poussin se balade en forêt quelque part dans le Haut-Doubs. Avec son appareil photo en bandoulière. Et là, il rencontre un lynx. “J’ai eu beaucoup de chance parce que je lui suis tombé dessus. Il était à même pas trois mètres. J’ai juste vu une oreille qui dépassait. Je me suis reculé pour l’apercevoir parce qu’il était en contrebas. J’ai pu prendre la photo, mais dès qu’il m’a vu, il est très vite parti”, raconte le photographe amateur.
Cet amoureux de la nature et des lynx en particulier, est encore très étonné de la qualité de la photo qu’il a postée sur son compte Facebook.
“Je ne sais pas comment j’ai réussi. J’avais juste trois photos dans l’appareil. Il y a des fois où j’ai pu faire beaucoup de prises, mais là ce n’était pas possible. J’étais au-dessus de lui et le lynx n’aime pas être dominé. En général, lorsque c’est le cas, il s’en va.” Selon lui, le temps a été en sa faveur : “Ce qui m’a aidé, c'est le sol. Il était très humide et lorsque je me suis déplacé, j’ai fait très peu de bruit”.
Une chance pour ce quarantenaire qui n’était pas sorti dans les bois depuis longtemps. Affublé d’un gilet jaune fluo pour être repéré des chasseurs, il avait simplement pris son appareil photo par précaution. “En général, quand je me balade, je suis camouflé. Je m’habille toujours en arbre ou en buisson”, se plaît-il à dire. “Beaucoup de personnes ont croisé le lynx sans être camouflées. Comme il n’a pas vraiment de prédateur, excepté le chasseur, il n’a pas peur”, relativise-t-il.
Un face-à-face bouleversant
Nicolas est un passionné. Passer six heures assis sur une pierre à guetter son animal favori ne lui fait pas peur. Des moments qu’il aimerait vivre plus souvent, mais son activité de médecin ne lui permet pas. Cette rencontre l’a remotivé : “C’est difficile de passer des heures, des journées dans les bois en espérant le croiser et puis ne rien voir. On se décourage un peu, surtout quand on n’a pas beaucoup de temps”.
Au total, Nicolas a vu le lynx une dizaine de fois dans sa vie. Pour lui, c’est toujours beaucoup d’émotions. “On ressent plusieurs sensations en même temps. Il y a la peur de le déranger, la joie et le stress. C’est un peu tout mélangé et on a de l’adrénaline”, détaille-t-il.
Au fil des rencontres, cela change un peu : “La toute première fois qu’on voit un lynx, on ne sait plus comment on s’appelle, on ne sait plus où on habite, on arrive limite à prendre une photo”, se remémore-t-il avec émotion. “Puis, au fur et à mesure, on apprend à le connaître, à étudier son comportement, à s’adapter et le stress s’estompe un peu”.
Pour la rencontre du 6 novembre, il ne trouve pas les mots : “Là, la proximité c’était …”, laisse-t-il en suspens avant de se reprendre : “J’avais l’impression que je pouvais le toucher”. “Un grand frisson aujourd’hui !”, a-t-il commenté sur Facebook lorsqu’il a posté sa photo.
"On est prêt à passer six heures à attendre sans qu’il vienne”
Nicolas s’était lancé le défi de trouver un lynx il y a quelques années. Pari réussi pour cet habitant du Haut-Doubs. Mais il est difficile de s’en tenir là. Le photographe amateur compare cette passion à une addiction : “Une fois qu’on l’a vu, tous les gens qui ont vu le lynx le disent, on a envie de le revoir. Et cela ne s'arrête jamais. On est prêt à passer six heures à attendre sans qu’il vienne”.
Selon une étude publiée le 13 février 2023 dans la revue Frontiers in Conservation Science, la population du plus grand félin d’Europe risque de disparaître de France d’ici 30 ans. En cause, une consanguinité très élevée. Sa population est estimée à environ 150 individus en France, concentrée principalement dans les Alpes et le Jura. Les chercheurs ont comparé les gènes des lynx suisses et français. Ils sont arrivés à la conclusion que seuls 38 félins sont à même de se reproduire avec une diversité génétique suffisante pour assurer la survie de l’espèce.